En 1845, une expédition anglaise est lancée afin de naviguer les dernières zones inexplorées du fameux passage du Nord-Ouest reliant l’océan Atlantique à l’océan Pacifique en passant par le cercle Arctique. Cette expédition ne reviendra jamais. De sa plume précise, Dan Simmons dépeint sa version des faits dans un roman qui mélange l’horreur de la réalité aux éléments surnaturels d’une fiction exceptionnelle.
Si vous connaissez Dan Simmons pour son énorme contribution au paysage de la science-fiction à travers Les Cantos d’Hypérion, vous serez peut-être surpris en débutant la lecture de Terreur puisqu’il s’agit d’un roman basé sur des événements historiques. L’auteur est souvent associé à la science-fiction, victime du succès de sa plus grande oeuvre, mais il est important de noter que Dan Simmons est aussi un maître de l’horreur, un auteur d’une série de polars et le créateur de plus d’une dizaine de livres qui ne sont pas du tout en lien avec la science-fiction.
Dans Terreur (Terror, pour le nom du HMS Terror, l’un des bateaux de l’histoire), il conte une version encore plus terrifiante que la réalité déjà horrifique qu’a rencontrée l’expédition du capitaine Franklin parti en quête du passage du Nord-Ouest. Les deux bateaux, Erebus et Terror partent depuis l’Angleterre le 19 mai 1845 et après un premier arrêt sur la côte ouest du Groenland en juillet, s’enfoncent progressivement dans les îles glaciales du Grand Nord canadien. Les bateaux et les hommes n’en sortiront jamais. Prisonniers des glaces pendant des années, tous les hommes sont morts un à un.
D’abord de la tuberculose en passant le premier hiver sur l’île Beechey, puis de pneumonie à cause du froid, d’intoxication au plomb venue des conserves gardées à bord et de l’eau de mauvaise qualité. En septembre 1946, Erebus et Terror sont définitivement bloqués près de l’île du Roi-Guillaume (King William Island). Alors que les cadavres s’empilent, les hommes font face à une famine insoutenable et se laissent aller au cannibalisme afin de tenter de survivre. Avec des températures moyennes de -30 °C pendant l’hiver, l’environnement même est le premier ennemi des hommes perdus au milieu du désert blanc de l’Arctique.
Avec talent et horreur, Dan Simmons nous décrit les températures extrêmes, les mois passés dans les ténèbres, les bruits angoissants des craquements de la glace tout autour des hommes, des sifflements du vent et la souffrance physique et morale qui accompagne la famine. Mais ce n’est pas tout. Car dans les terres gelées du Grand Nord vit une créature aussi abominable que meurtrière. De la taille d’un ours avec un cou allongé et des origines mythologiques Inuits, la créature traque les hommes de l’expédition, les observe et frappe au moment opportun, les emportant un à un.
Les hommes des deux équipages tentent bien de s’organiser et de lutter du mieux possible face à cette situation désespérée, mais la nuit sans fin de l’hiver arctique ne fait qu’empirer les choses. Si les hommes jouissent au début de quelques minutes de luminosité aux alentours de midi, le véritable hiver les plonge dans le noir total pendant pratiquement quatre mois. Ce qui est fascinant en lisant Terreur, c’est de voir disparaitre la fine limite entre la fiction et la réalité. La créature est terrible et incarne tout ce qu’il y a d’hostile dans cet environnement, mais tout le reste est bien réel et fut vécu par les hommes de cette expédition.
Alors que la condition des bateaux se détériore, les hommes savent très bien que la glace ne partira pas avant plusieurs mois. Ils décident alors d’emporter ce qu’ils peuvent et de fuir vers le sud le plus rapidement possible. Bien sûr, la créature n’est jamais loin de leurs empreintes et les hommes jamais loin de leurs angoisses. Si le capitaine Franklin donnant le nom à l’expédition, décrit comme un snob bon à rien, meurt peu après le début du roman, c’est le second de l’expédition, le capitaine Francis Crozier qui devient le protagoniste du récit. Un leader compétent qui va plonger dans la dimension fantastique du roman.
Car les Anglais ne sont pas les seuls humains sur place. Une jeune femme Inuit se retrouve avec l’équipage suite à un accident et alors que le lecteur se doute peu à peu qu’elle a un lien avec la créature, les marins se méfient d’elle et la considèrent comme une sorcière dont il faut s’éloigner. Ses connaissances de l’environnement offrent un net contraste avec le flou dans lequel se trouve l’équipage et la dernière partie du roman développe de façon captivante sa relation avec Crozier et la créature avec laquelle elle peut communiquer. Si vous croisez un exemplaire de Terreur, ne soyez pas effrayé par son millier de pages, car une fois commencé, vous ne pourrez plus le reposer !
Après des dizaines d’années à écrire des merveilles littéraires, il n’est pas surprenant de constater que Dan Simmons signe Terreur avec une authenticité historique captivante. Et tout ce qu’on ne sait pas de cette terrible expédition, l’écrivain le remplace avec des éléments fantastiques qui ne font qu’amplifier l’horreur de la situation. Un livre qui vous transporte dans le froid et les ténèbres et une parfaite lecture pour le retour de l’hiver. Avez-vous déjà lu Dan Simmons en dehors de ses oeuvres de science-fiction ?
Par Florent, le