À Paris, une salle de shoot, destinée à encadrer les toxicomanes dans leur consommation de drogue, a ouvert ses portes le 14 octobre 2016. Vivement critiqué et source de polémique, ce projet représente pourtant un très grand pas en avant. Voici pourquoi.
UNE SALLE DE SHOOT, C’EST QUOI ?
Une salle de shoot ou salle de consommation à moindre risque (SCMR) est un lieu d’accueil et de consommation de drogues, encadré par les pouvoirs publics. Du matériel stérilisé y est mis à disposition pour les toxicomanes, notamment différentes sortes de seringues. Aussi, du personnel médical est disponible pour accompagner les consommateurs. À Paris, la salle a ouvert ses portes, le 14 octobre 2016, dans le cadre d’une expérimentation de six ans. Elle pourra accueillir entre 350 et 400 personnes majeures pendant les sept heures d’ouverture quotidienne. Aménagée sur 430 mètres carrés, elle se trouve à l’hôpital Lariboisière dans le 10e arrondissement.
Chaque jour, une vingtaine de médecins, d’infirmiers, d’éducateurs, d’assistants sociaux et d’agents de sécurité seront présents pour accueillir les consommateurs. La salle comprend douze box, une salle d’inhalation, une salle d’attente et un accueil. Les toxicomanes doivent apporter leurs propres produits, le trafic y est donc totalement interdit. L’ouverture de cette salle, vivement contestée par la droite, est permise grâce à la loi santé adoptée en décembre 2015. D’ailleurs, Paris n’est pas la seule ville française à accueillir une SCMR, Strasbourg et Bordeaux sont également candidates.
EN EUROPE, IL EXISTE PLUS DE 80 SALLES DE SHOOT
Avec l’expérimentation de la première SCMR, la France rejoint plusieurs pays ayant déjà instauré ce dispositif. En Europe, la Suisse, l’Allemagne, l’Espagne, la Norvège, le Danemark, les Pays-Bas ou encore le Luxembourg disposent des salles de shoot. Dans le monde, il en existe environ 90, plus de 80 se trouvent sur le vieux continent. Et si leurs détracteurs sont nombreux, il suffit juste d’observer les résultats dans ces pays pour comprendre à quel point les SCMR sont bénéfiques, aussi bien pour les toxicomanes que pour la société en général.
LES ARGUMENTS DES OPPOSANTS SONT-ILS JUSTIFIÉS ?
Pour beaucoup, l’instauration d’une SCMR va encourager les toxicomanes à consommer encore plus des drogue, notamment car un cadre leur est offert justement à cet effet. En 2009, l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), a passé en revue différentes études, réalisées à l’échelle internationale, relatives aux salles de shoot. Dans une synthèse, l’observatoire souligne que les SCMR offrent « des conditions de sécurité et d’hygiène qui n’amènent pas à une hausse des niveaux de consommation ou à des pratiques à risque encore plus dangereuses ».
DES ÉTUDES PROUVENT QUE LES SALLES DE SHOOT N’AUGMENTENT PAS LES DÉLITS
Autre argument avancé par les opposants aux salles de shoot : la recrudescence de la délinquance. Nombreux estiment que la présence de plusieurs toxicomanes au même endroit entraînera une augmentation des délits liés à la consommation de drogue. C’est faux. Un rapport de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), publié en 2010, fait état d’une diminution de « l’injection en public ainsi que d’une diminution du matériel d’injection et des déchets abandonnés dans l’espace public ». En effet, en se rendant dans des salles de shoot, les toxicomanes ne consomment plus de drogues dans l’espace public.
À Copenhague, où une salle de shoot a été installée dans le centre-ville, une habitante a affirmé que depuis son ouverture, le quartier avait changé positivement : « Ça m’arrivait souvent, quand je rentrais chez moi, de trouver des gens en train de se piquer (…). Cela a beaucoup changé, ça n’arrive plus maintenant. Donc c’est une réelle amélioration pour nous qui vivons ici », a-t-elle expliqué à France 3.
BÉNÉFICES POUR LA SANTÉ PUBLIQUE
La mise en place de salles de shoot est un véritable pas en avant pour la santé publique. Les consommateurs y sont encadrés par un personnel médical capable d’agir dans l’immédiat en cas d’overdose. En outre, l’utilisation d’un matériel propre et stérilisé permet d’éviter les contaminations du VIH ou de l’hépatite C. En Suisse, véritable pionnière, la première salle de shoot a ouvert ses portes en 1986 à Berne. Aujourd’hui, le pays en compte douze, et le résultat est spectaculaire. D’après L’Express, les décès par overdose y ont diminué de moitié entre 1991 et 2009. Sur cette même période, la mortalité due au sida chez les toxicomanes a reculé de 80%.
EN SUISSE, LES OVERDOSES ONT DIMINUÉ DE MOITIÉ APRÈS L’OUVERTURE DE SALLES DE SHOOT
Cette même tendance est observable dans les autres pays qui ont ouvert des salles de shoot. Ainsi, le nombre de morts par overdose est passé de 1 833 en 1991 à 773 en 2008 en Espagne, souligne Francetvinfo. En Allemagne, aucune mort par overdose n’a été recensée dans les SCMR depuis 1994 alors que ces dernières accueillent 80% de personnes accros à l’héroïne, une substance dont la surconsommation peut s’avérer fatale.
IL FAUT ALLER PLUS LOIN
En 2011, 340 personnes sont décédées à cause d’une surdose en France. Même si ce chiffre est en baisse depuis les années 2000, notamment grâce à une politique de prévention mise en place par le gouvernement, l’instauration de salles de shoot devrait encore plus baisser la tendance. Dans le 10e arrondissement, plus précisément le quartier de la Gare du Nord, où se trouve la salle, 2 800 usagers de drogues sont suivis chaque année, explique la ville de Paris. Il s’agit en effet du quartier parisien le plus touché par la toxicomanie, où sont retrouvées 150 000 seringues tous les ans.
IL FAUT ABSOLUMENT METTRE EN PLACE UN VÉRITABLE CHEMINEMENT VERS LA GUÉRISON
Toutefois, le manque d’une véritable aide thérapeutique reste à déplorer. Car même si des éducateurs et des assistants sociaux sont disponibles pour les toxicomanes dans la salle, ils ont besoin d’un cheminement accompagné vers la guérison. Plutôt que de traiter les usagers de drogues comme des parias, la société devrait leur apporter l’aide nécessaire pour qu’ils puissent être sevrés. Rappelons que dans la majeure partie du temps, les gens sombrent dans l’addiction non pas à cause des substances en elles-mêmes, mais surtout à cause d’un mal-être profond, qui les entraîne vers ce chemin destructeur.
Vous pouvez d’ailleurs visionner le témoignage de Lolita, une jeune femme qui explique comment elle est tombée dans l’addiction alors qu’elle n’était qu’adolescente :
Si nous saluons l’instauration d’une salle de shoot dans la capitale, il est essentiel que d’autres structures soient mises en place afin d’aider les toxicomanes. Plutôt que de les réprimander et de les punir, il est essentiel de traiter le problème à sa source. Informer, accompagner les personnes isolées et renseigner la population sur la réalité de ces substances sont des facteurs primordiaux pour éviter les dérives liées à la consommation de drogue.