Une équipe internationale de chercheurs a mis au jour un fossile pour le moins étrange dans une carrière mexicaine. Appartenant à une espèce de requin préhistorique jusqu’alors inconnue, celui-ci possédait des nageoires pectorales semblables à celles d’une raie manta.
Mi-requin mi-raie
Récemment décrite dans la revue Science, la nouvelle espèce a été baptisée Aquilolamna milarcae (« requin-aigle »). Les analyses réalisées ont montré que ses représentants avaient la particularité d’être plus larges que longs, avec une envergure d’1m90 pour une longueur de corps d’environ 1m60 pour le fossile étudié. Selon Romain Vullo, chercheur à l’université de Rennes et co-auteur de l’étude, la forme distincte du corps du requin et sa large bouche suggèrent qu’il consommait de minuscules organismes aquatiques.
« Ce requin se nourrissait probablement de plancton et n’avait par conséquent pas besoin de se déplacer rapidement. Comme nous l’observons chez les raies manta modernes, une nage relativement lente est suffisante pour ce type d’alimentation », explique le chercheur. « Mais contrairement à ces dernières, qui utilisent leurs nageoires pectorales pour se propulser, l’animal les utilisait probablement plus comme un stabilisateur, se reposant sur la nageoire arrière pour se propulser. »
Comme il s’agit du seul spécimen connu, les chercheurs ignorent si le fossile appartenait à un requin juvénile ou mature. D’après Vullo, qui penche plutôt pour la seconde hypothèse, les représentants de l’espèce étaient probablement des requins de taille moyenne (atteignant tout au plus 3 mètres de long à l’âge adulte), pourvus de très petites dents.
Après avoir comparé les restes d’Aquilolamna milarcae à 26 espèces de requins modernes, et en s’appuyant sur la forme de ses vertèbres et du squelette de sa nageoire caudale, les auteurs de l’étude l’ont rattaché à l’ordre des Lamniformes, comprenant les grands requins blancs.
« Les requins occupaient certaines niches écologiques qui sont aujourd’hui réservées à d’autres groupes »
Le fossile avait été découvert en 2012 dans la carrière calcaire de Vallecillo à Nuevo León (nord-est du Mexique). D’après les chercheurs, le « requin-aigle » parcourait les océans il y a environ 93 millions d’années, à l’époque du Crétacé supérieur, soit trente millions d’années environ avant les raies manta et les raies « diables ». Il est probable que l’espèce ait été annihilée il y a 66 millions d’années, lors de l’extinction massive au cours de laquelle la plupart des dinosaures ainsi que de 75 % de la vie terrestre ont disparu.
Si la morphologie d’Aquilolamna milarcae se révèle vraiment étrange, Vullo souligne que l’époque à laquelle la créature vivait était caractérisée par la présence d’un éventail très diversifié de requins, à en juger par les dents fossilisées découvertes jusqu’à présent. « D’un point de vue évolutionnaire, cela nous indique que les requins occupaient certaines niches écologiques qui sont aujourd’hui réservées à d’autres groupes, comme les raies », souligne le scientifique.
Par Yann Contegat, le
Source: New Scientist
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