Pas facile d’être à la tête d’un État ou d’une religion ; si l’Histoire se souvient des grands chefs de guerre, des célèbres politiciens, des hommes et femmes d’action, elle ne laisse que peu de place à ceux dont l’heure de gloire a été écourtée. Reine, roi, président, empereur et pape, découvrez cinq des règnes les plus courts de l’Histoire.
LOUIS-ANTOINE D’ARTOIS
Si vous connaissez un peu l’histoire de France, vous avez certainement déjà entendu parler de Louis de France. Né Louis-Antoine d’Artois à Versailles en 1775, il était duc d’Angoulême ainsi que l’un des princes de la maison royale de France et donc, héritier potentiel du trône. Son père, Charles X comte d’Artois, devint roi de France et de Navarre à l’âge de 66 ans durant 6 ans, de 1824 à 1830, en succédant à son frère Louis XVIII. Durant son règne, ses prises de positions, considérées comme rétrogrades, lui vaudront les foudres des Parisiens, et de cette réprobation générale découlera la révolution de Juillet (ou les Trois Glorieuses) les 27, 28 et 29 juillet 1830. Le roi abdique le 2 août et convainc son fils de faire de même au profit du duc de Bordeaux, son petit-fils, Henri d’Artois.
Louis de France écouta donc son prédécesseur et alors qu’il héritait du trône, il renonça à son droit et à la couronne moins d’une heure après l’abdication de son père. Ce règne est le plus court de l’Histoire et durant ce court laps de temps, Louis de France devint Louis XIX, avant d’abandonner son titre en faveur de son neveu.
JEANNE GREY : LA REINE DE NEUF JOURS
Fils d’Henri VIII d’Angleterre, Édouard VI fut roi de 1547 à 1553 mais son jeune âge lui imposa de confier le pouvoir au conseil de régence jusqu’à sa majorité. Malheureusement, il mourut d’une infection des poumons avant d’atteindre l’âge adulte mais prit des dispositions en amont afin que le trône revienne à sa cousine, Jeanne Grey. Pour ce faire, il avait écarté du pouvoir ses deux sœurs aînées. En effet, il craignait qu’Elisabeth Ire et Marie Tudor tentent de restaurer le catholicisme en annulant toutes les réformes mises en place par son père. Jeanne Grey, en qualité de descendante de Marie d’Angleterre, la sœur d’Henri VIII, hérita donc du trône pendant que Marie Ire fuyait vers l’est de l’Angleterre. De son repaire, elle écrivit une lettre destinée au Conseil privé pour demander à être proclamée reine.
Deux jours après l’ascension au trône de Jeanne Grey, Marie regroupa une armée et mobilisa suffisamment de membres de la noblesse pour pouvoir retourner à Londres et récupérer la couronne. Le 19 juillet, Marie triompha et Jeanne fut enfermée avant son couronnement. Elle sera exécutée par décapitation le 12 février 1554 à 16 ans.
WILLIAM HENRY HARRISON
S’il n’a pas marqué la mémoire populaire, William Henry Harrison l’aura fait par la brièveté de son mandat. C’est à l’âge de 68 ans qu’il est élu le 9e président des Etats-Unis : après une longue carrière de politicien en tant que membre du Congrès et gouverneur, il accède à la tête de l’État en 1841. Sa réussite, il la doit aux actions menées durant ses jeunes années, en temps de guerre et notamment pour ses victoires contre les peuples amérindiens. Avec le temps et son ascension dans la sphère politique, ses adversaires sont parvenus à transformer l’opinion publique : pour eux, il n’est plus un soldat mais un vieil homme fatigué trop éloigné des élites du pays.
Le 4 mars 1841, William Henry Harrison est appelé à réaliser son discours d’inauguration devant le peuple américain. La légende raconte que pour contester et décrédibiliser ses opposants, il décide d’apparaître plus fort et impressionnant que jamais lors de son allocution. Le jour J, il refuse la calèche apprêtée et fait route vers son public à dos de cheval. Il parcourt le trajet peu couvert, sans chapeau ni manteau et c’est dans cette tenue qu’il tient son discours inaugural. Durant près de deux heures, il harangua la foule avant de se rendre au traditionnel bal inaugural, et ce, malgré une météo peu favorable à de telles démonstrations. En effet, le jeudi 4 mars 1841 fut une journée froide et humide. Quelques jours plus tard, il tombera malade et ce qui n’était qu’un simple rhume deviendra une pneumonie et une pleurésie (une inflammation aiguë). Pour le soigner, ses médecins lui imposeront un traitement à base d’opium, de sangsues et d’huile de ricin qui n’aideront en rien son cas : il finira par délirer et mourir des suites d’une jaunisse, d’une pneumonie et d’une septicémie le 4 avril 1841.
Aujourd’hui, sa mort trouve une tout autre explication : contrairement à ce que la légende raconte et si le premier diagnostic a été accepté, sa mort serait due à une fièvre entérique ou fièvre typhoïde. Il s’agit d’une infection bactérienne, causée par les salmonelles, que le 9e président aurait attrapée au contact des eaux usées de la Maison-Blanche. Si les raisons de sa mort peuvent être contestées, le fait est que William Henry Harrison a connu le plus court mandat de l’histoire de son pays, soit un mois.
NAPOLÉON II
Nombreux sont les empereurs à avoir marqué l’Histoire et s’il est difficile de comparer leurs vies et récits, Napoléon II reste pour beaucoup le souverain d’empire à avoir connu le règne le plus bref. Fils de Napoléon Ier et de Marie-Louise d’Autriche, Napoléon François Joseph Charles Bonaparte est l’héritier de l’empire en tant que prince impérial tenant du titre de roi de Rome depuis sa naissance. À l’abdication de son père, ce dernier le proclame empereur avec l’appui de ses pairs.
Napoléon II n’a alors que 4 ans et est exilé en Autriche : pour remplir les devoirs et préparer sa régence, une commission du gouvernement est mise en place. Présidée par Joseph Fouché, duc d’Otrante et homme politique, la commission oriente ses travaux vers des affaires très éloignées de celles attendues par les proches de l’empereur. En effet, c’est au nom du peuple français que ses membres dirigent et, très vite, ils prennent contact avec les royalistes ouvrant la voie à Louis XVIII. Ce dernier rentrera à Paris, le 8 juillet 1815, après la dissolution de la commission. En tout, le règne de Napoléon II n’aura duré que deux semaines, alors qu’il n’était pas sur le territoire français.
GIOVANNI BATTISTA CASTAGNA
Organisé juste après le décès du pape Sixte V le 27 août 1590, le conclave de septembre 1590 aura duré du 7 au 15 septembre de la même année. L’assemblée traditionnelle, composée de 54 cardinaux, aboutit à l’élection du cardinal Giovanni Battista Castagna en tant que pape qui devient, ce jour, Urbain VII. Aimé de ses sujets, le pape avait gagné l’estime de ses pairs grâce à sa piété et le travail qu’il avait réalisé en tant qu’archevêque et cardinal. Son nom, Urbain, avait été choisi pour sa signification latine : gentil, généreux ou bienfaisant, des termes correspondant aussi bien à ce que l’homme souhaitait faire régner lors de son pontificat qu’à la vision qu’en avaient les citoyens.
Seulement, quelques jours après son élection, le pape tomba gravement malade. De multiples processions furent organisées alors que le nouveau pape partageait l’évolution de son état avec ses disciples. Il mourut avant son couronnement papal.
S’ils ne sont pas longtemps restés au sommet, ces hommes et femmes ont marqué l’histoire par leurs règnes aussi courts qu’intenses. Souvent restés dans l’ombre de leurs successeurs ou prédécesseurs, ces personnages n’ont pu goûter qu’un bref instant au pouvoir et ont connu des destins tragiques qui méritent de rester dans les mémoires.