Quels ont été les premiers habitants d’Amérique ? Comment sont-ils arrivés là-bas et d’où venaient-ils ? Les réponses à ces questions qui ont intrigué les chercheurs depuis longtemps commencent à être dévoilées.

 

LA TERRE PERDUE DE BÉRINGIE

Emplacement du territoire submergé de Béringie

Jusqu’à récemment, les scientifiques évaluaient l’arrivée des premiers êtres humains en Amérique à la fin de l’ère paléolithique, il y a environ 20 000 ans. Alors que l’Homo erectus explorait les grands continents de l’Afrique à l’Asie, l’homme de Néandertal vivait encore en Europe. La traversée en bateau de la Sibérie à l’Alaska parait donc impossible. Cependant, entre la fin de la précédente ère glaciaire et il y a environ 10 000 ans, un réel pont recouvert de glace existait à l’emplacement actuel de la mer de Béring. A cause de la baisse du niveau des océans, ce pont aurait été mis au jour.

TOUT LE NORD AMÉRICAIN ÉTAIT RECOUVERT D’UNE ÉPAISSE COUCHE DE GLACE

En effet, tout le nord du continent américain ainsi que ce fameux pont appelé Béringie étaient recouverts d’une épaisse couche de glace, appelée permafrost. Cela n’a pourtant pas empêché des groupes d’aventuriers de tenter le voyage. Selon Lauriane Bourgeon de l’université de Montréal au Canada, ces premiers hommes à tenter le rêve américain étaient sûrement de petite taille, très mobiles et savaient s’adapter facilement aux ressources saisonnières disponibles. Ces « hommes préhistoriques » étaient sûrement des chasseurs-cueilleurs.

L’HISTOIRE DES PALÉOAMÉRICAINS

Des pointes utilisées par le peuple Clovis © Bill Whittaker / Wikimedia Commons

La traversée de la Sibérie à l’Alaska a dû être longue puisque les voyageurs devaient avancer sur de petites distances et y installer des camps afin d’emmagasiner suffisamment de ressources pour reprendre le voyage. Malgré tout, le permafrost pouvait se faire accueillant pour les explorateurs avisés. En effet, la terre était très fertile sous la glace et les petits arbrisseaux étaient très courant. Le bois permettait ainsi aux voyageurs de se chauffer. Il était aussi fréquent de trouver des mammifères dans la région. Ceux-ci servaient non seulement à se nourrir mais leurs os, particulièrement riches en moelle, servaient aussi de produit inflammable, indispensable dans ces régions froides et humides.

C’est durant ce long voyage qu’un groupe génétique distinct serait apparu. En effet, ce peuple nouveau aurait vécu à Béringie pendant plusieurs milliers d’années selon une étude de 2007 se concentrant sur la génétique des os découverts dans la région. Loin d’être un seul peuple hétérogène, ce qui reste de leur culture a été classé sous le nom de culture Clovis.

LOIN D’ÊTRE UN PEUPLE HÉTÉROGÈNE, CE QUI RESTE DE LEUR CULTURE A ÉTÉ CLASSÉ SOUS LE NOM DE CULTURE CLOVIS

L’exploration de l’Homo sapiens à travers le monde

Ainsi, ce peuple d’origine asiatique a finalement pu entrer en Amérique grâce à la fonte des glaces, à la fin de l’ère glaciaire. Cependant, ils étaient bien différents de leurs ancêtres qui avaient entrepris le voyage. Si cette théorie fait débat, les études les plus récentes évaluent que l’installation à Béringie aurait duré au moins 10 000 ans.

 

LA COLONISATION DE L’AMÉRIQUE 

Après cette période, ce même peuple se serait éparpillé sur l’ensemble du continent sur une période très longue créant ainsi les différentes tribus amérindiennes, puis aztèques ou mayas que l’on connait aujourd’hui. Cependant, les chercheurs se demandent encore si le continent a été colonisé par le peuple de Béringie ou si d’autres peuples du continent asiatique sont arrivés plus tard.

Cette arme Eskimo raconte l’histoire du peuple Eskimo, vivant aujourd’hui dans l’extrême Nord américain, notamment près de la mer de Béring et sur une partie du continent arctique

TOUS LES AMÉRINDIENS AURAIENT DES ANCÊTRES COMMUNS

L’analyse génétique trouve des points communs entre tous les Amérindiens vivant actuellement en Amérique du Nord, mais peu de points communs subsistent avec les peuples asiatiques modernes. Cela signifierait clairement que tous les Amérindiens auraient des ancêtres communs, le peuple de Béringie. Cette théorie a été confirmée grâce à l’étude d’un squelette découvert dans la glace. Le corps correspondrait à un enfant « Clovis » ayant vécu en Amérique du Nord il y a près de 12 700 ans.

Cependant, des analyses de peuples vivant actuellement en Amérique du Sud montrent qu’ils possèdent des points communs avec les peuples d’explorateurs dont les descendants vivent aujourd’hui en Australie. Ainsi, une seconde théorie voudrait que différents peuples aient traversé Béringie au cours des âges. Finalement, Béringie était un grand espace dont la taille est équivalente à deux fois celle de la France qui permettait aisément que de grands groupes humains y voyagent sans forcément se côtoyer.

QUAND LES PREMIERS PALÉOAMÉRICAINS SONT-ILS ARRIVÉS ? 

Certaines zones de Béringie sont aujourd’hui toujours visibles et restent assez similaires à ce à quoi ressemblait le paysage à l’époque des premiers arrivants © NPS Photo

Pour savoir qui ont été les premiers arrivants en Amérique, il fallait aux scientifiques l’évaluation la plus précise possible de leur arrivée dans la région. Une étude de Lauriane Bourgeon publiée en janvier 2017 montre que des cavernes de l’ouest canadien, les cavernes Bluefish dans les territoires Yukon, étaient habitées il y a au moins 24 000 ans, soit beaucoup plus que ce que l’on pensait jusque-là.

LA QUESTION QUI SE POSE : QUAND CES PERSONNES SE SONT DÉPLACÉES VERS LE SUD ?

Dans ces cavernes ont été trouvés des os de caribou, de wapiti ou de cheval, ce qui voudrait dire que les habitants de l’époque basaient leur alimentation sur ces animaux. Maintenant que les scientifiques détiennent des preuves de l’entrée des premiers habitants en Amérique, la question qui se pose est de savoir quand ces habitants se sont déplacés vers le sud.

 

DE L’ALASKA AU CHILI

La théorie du couloir ouvert dans la glace © Maulucioni / Wikimedia Commons

L’archéologie nous montre des traces d’habitations très anciennes en Amérique du sud. Ainsi, dans le sud du Chili, près de Monte Verde, des chercheurs ont trouvé des outils et des traces de vie humaine datant d’il y a 14 500 ans à 18 500 ans. Pourtant, à cette époque, une grande partie du continent était recouverte de glace. Comment les premiers arrivants auraient pu réaliser ce voyage difficile aussi rapidement ?

ILS AURAIENT PU UTILISER DES BATEAUX POUR LONGER LA CÔTE JUSQU’AU CHILI

Il existe bien une théorie évoquant la possibilité qu’un espace se soit ouvert entre les glaciers, ce qui est courant. Ces « couloirs » sont cependant remplis de boue et peu hospitaliers. Il y a donc peu de chance que les explorateurs aient tenté cette aventure-là. De façon plus plausible, ils auraient pu en revanche utiliser des bateaux dans le but de longer la côte jusqu’au Chili.

Même si aucune preuve archéologique n’existe pour affirmer cette théorie, les experts assurent que si ce voyage avait été entrepris, les embarcations en bois étaient certainement très modestes, puisqu’elles ne servaient qu’à longer la côte sans trop s’éloigner, et à effectuer de nombreux arrêts. Ces fragiles bateaux auraient donc pu aisément disparaître avec le temps sans laisser de trace.

Cependant, une étude publiée dans le journal Nature le 27 avril dernier bouleverse tout ce que l’on pensait savoir sur le sujet. Tom Deméré, du Muséum d’histoire naturelle de San Diego aux États-Unis, révèle que des ossements découverts en Californie auraient été cassés dans le but de faire des outils par un ancêtre de l’Homo sapiens. Là où sa découverte dérange, c’est que la datation des outils serait d’environ 130 000 ans.

Ces traces humaines seraient donc beaucoup plus anciennes que la culture Clovis. Une découverte qui chamboule totalement les dogmes existants sur les premiers Américains mais aussi sur l’Afrique qui serait le berceau de l’humanité. La théorie avancée par le chercheur est qu’il pourrait s’agir d’une nouvelle espèce génétiquement différente des Homo existants à l’époque et qui aurait pu ensuite disparaître.

Des armes en ivoire taillé d’Eskimo découverts au nord du Canada

Si les scientifiques n’ont pas encore la réponse à toutes les questions posées sur ce sujet, les recherches qui y sont liées nous en apprennent beaucoup sur l’être humain. En effet, cette migration, de par le fait qu’il s’agisse d’une population très limitée engagée sur un voyage dont l’aller était sans retour, sert en quelque sorte de laboratoire. Il permet non seulement de mieux comprendre le processus de migration des peuples mais aussi de voir comment des marqueurs génétiques peuvent changer avec le temps au sein d’un même peuple sur un territoire limité.

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