L’analyse et la datation des plus anciens restes d’hominidés européens indiquent que les premiers hommes ont atteint l’Europe en traversant les eaux libres entre le Maroc et Gibraltar. Cela implique un niveau de sophistication technologique que l’on pensait jusqu’ici avoir évolué beaucoup plus tard. Explications.
L’étude des fossiles
Dans le cadre d’une étude publiée dans l’Earth-Science Reviews, Lluis Gibert, membre de l’université de Barcelone, a lancé une nouvelle tentative de datation des fossiles des plus anciens restes d’hominidés à partir des enregistrements magnétiques des sédiments dans lesquels ces fossiles ont été trouvés.
« Les affleurements de la région d’Orce sont parfaits pour cette méthode », a expliqué dans un communiqué le spécialiste. « La particularité de ces sites est qu’ils sont stratifiés et qu’ils s’inscrivent dans une séquence sédimentaire très longue, de plus de quatre-vingt mètres de long. Normalement, les sites se trouvent dans des grottes ou dans des séquences stratigraphiques très courtes, ce qui ne permet pas de développer de longues séquences paléomagnétiques dans lesquelles on peut trouver différentes inversions magnétiques. »
Grâce à son travail, l’expert peut confirmer que les fossiles de Venta Micena, Barranco León et Fuente Nueva ont respectivement 1,32, 1,28 et 1,23 million d’années. Ces sites d’Orce sont donc 200 000 à 400 000 ans plus vieux que le plus ancien site alternatif d’occupation humaine de la péninsule ibérique. Et ils sont tous plus anciens que tous les fossiles d’hominidés ailleurs en Europe. « À moins qu’une erreur ne soit décelée dans la datation de Gibert et de ses coauteurs, les premiers hommes seraient soit passés du Caucase jusqu’en Espagne sans laisser de traces, soit arrivés par le détroit de Gibraltar. »
L’entrée en Europe
Toujours d’après Lluis Gibert, les ancêtres des fossiles d’Orce ont traversé la Méditerranée, probablement par le détroit qui mesure actuellement 14 kilomètres de large. La similitude des outils en pierre d’un site d’Orce avec ceux fabriqués en Afrique du Nord à la même époque renforce cette hypothèse.
Par ailleurs, les preuves les plus anciennes de la technologie acheuléenne, développée par les premiers hommes et perpétuée par les Néandertaliens, se trouvent sous des couches vieilles d’environ 1,07 million d’années. Entre 0,91 et 0,78 million d’années, la technologie acheuléenne apparaît en Italie ainsi qu’en Espagne. Cela suggère que c’est à ce moment-là que les hominidés sont entrés en Europe par l’est.
Comment la traversée du détroit a-t-elle pu être possible ?
À l’époque, d’après les spécialistes, les courants étaient si puissants qu’ils rendaient très peu probable que le détroit soit praticable. Toute personne traversant le détroit devait donc avoir un bateau ou un radeau. « Cela expliquerait aussi comment les ancêtres de l’Homo floresiensis , les soi-disant ‘Hobbits’, ont traversé le détroit de Lombok, encore plus large – 19 kilomètres ou plus. L’humanité est arrivée en Europe alors qu’elle disposait de la technologie nécessaire pour franchir les barrières maritimes, comme cela s’est déjà produit il y a un million d’années sur l’île de Flores (Indonésie) », a expliqué Lluis Gibert.
Avec la découverte d’une structure en bois vieille de 476 000 ans, autrement dit fabriquée avant Homo sapiens, la possibilité que des ancêtres humains aussi anciens et dotés d’un cerveau plutôt petit aient pu fabriquer des embarcations orientales est devenue davantage possible.
Par ailleurs, une découverte majeure pourrait réécrire l’histoire des premiers hommes.