« The Coming Race and Vril-Ya Bazaar and Fete » s’est déroulé du 5 au 10 mars 1891 au Royal Albert Hall. Aujourd’hui, ce rassemblement est considéré comme étant la toute première Convention de science-fiction de l’Histoire. Retour sur cette collecte de fonds avant-gardiste et précurseur des célèbres Comic-Con que nous connaissons aujourd’hui.
« The Coming Race »
En 1871, en Angleterre était publié pour la première fois The Coming Race (La race à venir). Ce roman d’Edward Bulwer-Lytton narrait l’histoire du point de vue d’un narrateur coincé dans un monde souterrain. C’est alors qu’il découvre une race, les Vril-Ya, des êtres extrêmement avancés. Les Vril-Ya se servent d’une énergie mystérieuse, le « Vril ». Grâce à cette énergie, ils possèdent des pouvoirs tels que la télékinésie et la télépathie. Par ailleurs, ils possèdent aussi une technologie avancée. En effet, ils peuvent se déplacer grâce à des ailes artificielles et possèdent des armes redoutables. Par ailleurs, leurs serviteurs sont des automates. De plus, les Vril-Ya sont une société matriarcale (« gy » désignant les femmes, et « an » les hommes dans le roman).
Ce qui a fait le succès de ce livre, c’est bien entendu l’univers de science-fiction, dont tout le monde se délectait à cette époque. Mais aussi le fait que ce livre ait été pris au pied de la lettre par certains lecteurs et la rumeur d’une société secrète : la société du Vril. Par ailleurs, la société du Vril aurait influencé Nikola Tesla, ce qu’il a toujours réfuté.
Vril-Ya Bazaar and Fete
Fort de ce succès et des mystères qu’il suscitait, le livre d’Edward Bulwer-Lytton eut une certaine incidence sur la société londonienne. Du 5 mars au 10 mars 1981, le Royal Albert Hotel accueillit donc un évènement de taille : Le Vril-Ya Bazaar and Fete. Au début, Herbert Tibbits présentait cet évènement comme une collecte de fonds pour le West End Hospital. S’appuyant sur le succès du roman du baron Lytton, Tibbits organisa « la toute première convention de science-fiction ».
Le livre avait frappé Herbert Tibbits, fondateur du West End Hospital et de la School of Massage and Electricity de Londres. Herbert Tibbits était un habitué de l’organisation d’évènements spectaculaires. Depuis 1880, il proposait toujours des thèmes particuliers pour ses collectes de fonds. Comme les traitements expérimentaux pour la paralysie, l’épilepsie, etc. Ce qui, a l’époque, était « extraordinaire » et ravissait la société londonienne.
Des membres éminents de la haute société londonienne vinrent à cette convention. Parmi eux, la princesse Béatrice, fille de la reine Victoria, ainsi que son époux, le prince Henri de Battenberg, qui ont officiellement ouvert la convention. Herbert Tibbits avait aussi convié la marquise de Londonderry, la comtesse de Cromarty et Lady Georgiana Spencer-Churchill en tant que bénévoles.
Le monde merveilleux de Vril-Ya
C’est alors que le Royal Albert Hotel devint la ville souterraine des Vril-Ya. L’hôtel se para de décors exotiques inspirés de l’architecture égyptienne ancienne, ou des grands palais indiens. Un grand pilier modelé sur l’Aiguille de Cléopâtre trônait comme pièce centrale, entouré de fleurs, de palmiers, etc. Des créatures mystiques et ailées étaient suspendues au plafond, des acteurs divertissaient les convives avec de la magie, un chien lisait la bonne aventure, etc. Herbert Tibbits avait même prévu une attraction phare. En effet, une jeune femme déambulait parmi les invités, vêtue d’une robe de satin noire, et couronnée d’un diadème lumineux, comme la princesse Zee.
Les convives, invités aussi à se déguiser, pouvaient passer de kiosque en kiosque, achetant des objets artisanaux. Ou encore déguster le Bovril. Cette boisson à base d’extrait de bœuf était nommée par la contraction des mots « bovin » et « Vril ». D’après les dires, elle conférait une énergie extraordinaire à quiconque la buvait. Par ailleurs, ceux qui n’étaient pas vêtus comme les Vril-Ya étaient dirigés vers le stand John Simmons and Sons, costumiers historiques de la reine Victoria. Les participants recevaient même un petit fascicule à l’entrée avec un glossaire de la langue Vril.
Seulement, cet évènement qui se vendait comme étant éblouissant, merveilleux… fut un véritable échec.
« Une démonstration humiliante »
Bien que tout le monde attendait avec impatience la nouvelle collecte de fons d’Herbert Tibbits, habitué aux thèmes à succès, le Vril-Ya Bazaar and Fete fut un échec cuisant. Cet évènement avait été annoncé dans tous les journaux londoniens depuis février 1891. Une couverture médiatique aussi énorme que l’impatience de découvrir cette convention avait été faite. C’était l’évènement de l’année. Et même si la convention qui ne devait durer que trois jours a été prolongée, « à la demande générale », deux jours de plus, le succès n’y était pour rien. En effet, le public ne fut pas tendre.
Un correspondant du Preston Herald, présent le premier jour, qualifia l’évènement de peu attrayant et de peu remarquable. Alors qu’il s’attendait à assister à l’évènement de l’année, il trouva les décors minables. La fête qui se devait élégante a été décrite comme rebutante, les costumes mal faits, etc. Pire encore, un critique du Leeds Times fit cette description de la fête : « Une affaire très désolée, inartistique, stupide… Un divertissement vulgaire au nom de la charité. » Un autre critique a écrit dans le Truth : « Une démonstration plus humiliante de fantasmes stupides et puériles n’a jamais été conçue. »
Trois mois seulement après le Vril-Ya Bazzar and Fete, Herbert Tibbits fit faillite. L’organisateur imputa cela à cette collecte de fonds. En réalité, comme l’a mis en lumière la procédure de faillite, Herbert Tibbits n’a perdu que 1 600 £. Mais surtout que les preuves de fonds soi-disant déposées pour organiser cette convention étaient pour la plupart fausses. En revanche, le Bovril connut un véritable succès.
Evènement précurseur des conventions de science-fiction
Malgré le fait que le Vril-Ya Bazaar and Fete ait été un échec cuisant, il est vu aujourd’hui comme précurseur des conventions SF, Comic-Con, etc. En effet, ce fut la première fois qu’un rassemblement d’une telle importance, mais aussi de ce genre, eut lieu. A cette époque, la science-fiction n’en était qu’à ses débuts. Le Bazaar and Fete n’était pas décrit comme étant réellement une convention, néanmoins il fut un modèle pour les réunions de fans à venir. Effectivement, comme le décrit Rob Hansen au fur et à mesure de ses recherches sur la culture pop et du fandom en Angleterre, le Bazaar and Fete ressort comme pionnier du genre.
Les premiers vrais rassemblements de fans de science-fiction virent le jour dans les années 1920. Les lecteurs assidus de science-fiction, entre autres du magazine Amazing Stories, s’écrivaient. Ils parlaient de leur personnage préféré, de leur livre préféré, de leur univers préféré. Ainsi, dès 1929, les premières réunions de fans eurent lieu à New York ou encore Harlem. Mais la toute première convention officielle de science-fiction se déroula en 1937 en Angleterre.
Suivirent d’autres conventions plusieurs années plus tard. Ainsi, pour la première fois en 1939, se déroula la WorldCon aux USA. La toute première convention européenne de SF (ou EuroCon) eut lieu en Italie en 1972. Ou encore la première convention française de 1974 à Clermont-Ferrand, organisée par Jean-Pierre Fontana. Aujourd’hui, nous comptons de nombreuses conventions de SF, de Fantasy ou encore sur la culture japonaise. Il faut croire qu’il était beaucoup trop tôt pour le Vril-Ya Bazaar and Fete.