S’il était jusqu’à présent largement estimé que les éponges constituaient le plus ancien groupe animal, de nouvelles recherches suggèrent que ce titre reviendrait à des organismes aquatiques tout aussi fascinants : les cténophores.
Éponges vs cténophores
On estime que l’ensemble des animaux modernes descendent d’un ancêtre commun ayant vécu il y a plus de 600 millions d’années. Jusqu’à récemment, les chercheurs pensaient que les éponges étaient le premier groupe à s’en être dissocié et à avoir commencé à évoluer séparément, suivi par les cténophores, organismes marins carnivores ressemblant superficiellement aux méduses.
Toutefois, une telle conception avait été remise en question en 2008 par des séquençages génétiques, suggérant que les cténophores avaient en fait précédé les éponges. « Depuis, des articles utilisant des méthodes similaires pour défendre les deux points de vue se sont succédé, à la manière d’un véritable match de ping-pong », souligne Darrin Schultz, chercheur à l’université de Vienne et auteur principal de la nouvelle étude, publiée dans la revue Nature.
Dans l’optique de résoudre ce mystère tenace, Schultz et ses collègues ont privilégié une autre approche. Alors que les études précédentes s’étaient concentrées sur des changements à petite échelle dans les séquences d’ADN des cténophores, des éponges et d’autres animaux, l’équipe s’est intéressée à des modèles à plus grande échelle concernant la disposition des gènes au niveau des chromosomes.
« L’idée est que ces schémas synténiques soient plus stables sur de longues périodes de changement évolutif », explique Schultz. « Alors que les gènes individuels peuvent être remaniés par l’évolution, la réorganisation de groupes de gènes liés, causée par le mélange et la fusion de chromosomes, est un événement à la fois rare et irréversible. »
Des comparaisons révélatrices
L’équipe a comparé les schémas synténiques partagés entre deux espèces de cténophores, deux espèces d’éponges et deux espèces appartenant à d’autres groupes d’animaux. Afin de déterminer ceux s’avérant antérieurs à toute divergence, les chercheurs ont examiné spécifiquement 31 groupes de gènes partagés entre les cténophores et au moins l’un des trois ancêtres unicellulaires de l’ensemble des animaux.
Dans sept de ces groupes de gènes, les cténophores présentaient des schémas présents chez au moins un ancêtre unicellulaire, mais absents chez les éponges et les autres groupes d’animaux. Selon Schultz, cela suggère que leur groupe se serait séparé avant les événements de réorganisation ayant donné aux autres animaux des schémas de synténie distincts et partagés. « La possibilité que ce schéma soit le fruit du hasard est extrêmement faible », souligne-t-il.
Selon Aoife McLysaght, généticienne au Trinity College de Dublin, il s’agit de la preuve la plus solide à ce jour en faveur des cténophores. Cependant, la scientifique estime que d’autres travaux devront être menés afin de trouver comment concilier cette découverte avec les approches à petite échelle suggérant que les éponges aient divergé en premier.
Par Yann Contegat, le
Source: New Scientist
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