La Résistance française continue de faire couler beaucoup d’encre. Malgré le fait qu’on en entende parler depuis notre plus tendre enfance, il reste des pans entiers méconnus de cette histoire. Par exemple, même si le réseau du musée de l’Homme est connu, son directeur, et instigateur du mouvement, Paul Rivet, l’est beaucoup moins. Pourtant, sa vie, son combat pour la justice et l’égalité en font une figure primordiale de notre histoire.
Un médecin et ethnologue engagé
Paul Rivet, né en 1876 à Wazigny dans les Ardennes, a fait ses études à l’École du service de santé militaire de Lyon. Il vit ensuite 6 ans en Amérique du Sud suite à une mission géodésique française, où il participe au Service des œuvres françaises à l’étranger.
De retour à Paris, il travaille au Muséum d’histoire naturelle, où il publie ses notes prises en Amérique du Sud dans un livre intitulé Ethnographie ancienne de l’Équateur. Après avoir participé à la fondation de l’Institut d’ethnologie de l’université de Paris, il devient directeur du musée d’ethnographie du Trocadéro (MET), qui deviendra le musée de l’Homme.
Dès les années 1930, il se fait connaître par son engagement citoyen. En 1933, après un voyage à Berlin où il découvre les affres du racisme et de l’antisémitisme, il décide d’accueillir, une fois de retour à Paris, les juifs allemands émigrés, ainsi que les russes, au musée d’ethnographie du Trocadéro. Certains de ses protégés deviendront de grands noms du musée de l’Homme, comme Boris Vildé ou Anatole Lewitsky, qui seront les chefs du mouvement de résistance du musée.
La résistance du musée de l’Homme
En 1940, la France a perdu la « drôle de guerre » : les Allemands entrent dans Paris et s’y installent en vainqueurs, démarrant ainsi quatre longues années d’occupation. Dès le début, des personnes se soulèvent contre ce qu’elles considèrent comme une ignominie. Ainsi, Anatole Lewitsky, le 1er juin 1940, écrit à sa compagne, Yvonne Oddon : « Nous ne pouvons pas, collectivement ni individuellement, admettre une victoire allemande. Ce serait l’esclavage. […] Il vaut mieux périr dans la bagarre que d’envisager une telle situation. » Boris Vildé, quant à lui, fait prisonnier dans les Ardennes, s’échappe et rentre à Paris. Naturalisé français, il écrira son amour pour ce pays : « J’aime la France. J’aime ce beau pays et j’aime son peuple […] Oui, je sais bien combien il est mesquin, égoïste, pourri de politique et victime de son ancienne gloire, mais dans tous ses défauts, il reste infiniment humain et ne voulant à aucun prix sacrifier sa grandeur et sa misère d’homme. »
Paul Rivet, lui, écrira au maréchal Pétain, trois jours après avoir reçu les pleins pouvoirs : « Le pays n’est pas avec vous, la France n’est plus avec vous. » Cet engagement lui vaut d’être catalogué comme anti-pétainiste, et le met en danger. La fondation Rockefeller établit le 21 juin une liste des personnalités influentes ainsi que des scientifiques à évacuer, mais Paul Rivet refuse de quitter la France.
Ils diffusent des feuillets de propagande anti-nazie, anti-vichyste, avec des informations qu’ils trouvent dans la presse internationale, par exemple américaine, suisse, britannique… Ils donnent à leurs activités un nom : Résistance, en hommage au mot « résister » que Marie Durand, personnalité protestante du XVIIe siècle, a écrit sur les murs de sa prison. Ainsi est né l’un des tout premiers mouvements de la Résistance intérieure française. Parmi eux, la célèbre résistante Germaine Tillion y joue un rôle important.
L’exil et les débuts en politique
Le mouvement n’est pas un réseau organisé comme on pourrait se l’imaginer. En réalité, il n’a jamais eu d’existence officielle. Après la Libération, Germaine Tillion est chargée de liquider administrativement plusieurs réseaux de résistance, et elle trouve en 5 minutes le nom « réseau musée de l’Homme – Hauet/Vildé ». En 1941, le réseau est trahi par un agent double, et les premières arrestations commencent. Anatole Lewitsky, Boris Vildé et d’autres sont fusillés un an après au mont Valérien, et les femmes, comme Germaine Tillion, sont déportées, à Ravensbrück, par exemple.
Paul Rivet, lui, s’était déjà résolu à prendre la route de l’exil, quand il a été relevé de ses fonctions par le ministre de l’Instruction publique, et que les menaces d’arrestations se faisaient de plus en plus inquiétantes. Il participe à la création d’un musée, ainsi que de l’Institut d’ethnologie colombien. Il devient également attaché culturel de la France combattante pour l’Amérique latine.
Après la Libération, il reçoit la médaille de la Résistance des mains du général de Gaulle pour « les actes de foi et de courage remarquables qui, en France, dans l’Empire français et à l’étranger, ont contribué à la résistance du peuple français contre l’ennemi et contre ses complices ». Il est ensuite élu député socialiste et deviendra membre de la Ligue française pour la défense des droits de l’Homme et du citoyen, président du Conseil supérieur de la radiodiffusion et de la Commission française pour l’UNESCO. Il aura, sa vie entière, protégé les droits fondamentaux et l’égalité entre les peuples.
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