Après leur avoir remis leurs capsules de cyanure, le colonel de l’armée royale norvégienne Leif Tronstad annonce à ses soldats : « Je ne peux pas vous dire pourquoi cette mission s’avère si importante, mais sachez que si vous réussissez, elle marquera durablement l’histoire de la Norvège. »
LA « BATAILLE DE L’EAU LOURDE »
Les commandos norvégiens engagés dans cette mission savent que les risques sont énormes. Dans le cadre de la « bataille de l’eau lourde », une tentative similaire menée par des soldats britanniques en 1942 s’était soldée par un échec retentissant.
Les planeurs les transportant s’étaient tous deux écrasés alors qu’ils approchaient de leur cible et les rares survivants avaient été rapidement capturés par les soldats allemands, avant d’être torturés et exécutés.
Si pareille situation vient à se reproduire, les soldats norvégiens devront avaler leur capsule de cyanure.
Connu sous le nom d’opération Gunnerside, le sabotage de l’usine hydro-électrique de Vemork, située dans le comté de Telemark en Norvège, alors occupée par les nazis, reste l’une des missions militaires les plus spectaculaires de la Seconde Guerre mondiale.
En retardant de plusieurs mois le développement des technologies nucléaires allemandes, cette opération a offert un avantage déterminant aux États-Unis dans la course à la bombe atomique et a contribué à changer l’issue du conflit.
Bien que l’on associe généralement la bombe atomique aux bombardements d’Hiroshima et Nagasaki, le projet Manhattan avait à l’origine été entrepris après que les Alliés ont découvert que les scientifiques allemands planchaient activement sur le développement d’une arme nucléaire.
Ironie du sort, les combats sur le continent européen prendront fin avant que l’une des deux nations n’ait l’occasion de faire usage de l’arme atomique.
L’eau lourde, véritable talon d’Achille du programme nucléaire nazi
UNE MISSION À HAUT RISQUE
Lors de la préparation de cette mission extrêmement risquée, le colonel Tronstad explique à ses hommes que l’usine de Vemork fabrique « de l’eau lourde », une ressource indispensable au développement et à la fabrication de l’arme nucléaire allemande, sans leur donner plus de précisions.
Isolée pour la première fois en 1933, l’eau lourde est chimiquement semblable à l’eau mais s’avère 11 % plus dense. Celle-ci joue un rôle déterminant en ralentissant les neutrons libérés par la fission des atomes. En se déplaçant plus lentement, ces derniers s’avèrent plus efficaces que les neutrons rapides pour séparer les atomes d’uranium.
Ce procédé permet notamment d’atteindre la masse critique, qui caractérise la quantité de matière fissile nécessaire au déclenchement d’une réaction nucléaire en chaîne, en utilisant moins d’uranium.
À la différence des Américains qui utilisent de l’uranium enrichi, possédant une concentration accrue en uranium 235 plus facile à dissocier, et ralentissent ses neutrons avec du graphite, les chercheurs nazis travaillent uniquement avec de l’uranium non enrichi.
À LA DIFFÉRENCE DES AMÉRICAINS, LES NAZIS UTILISENT DE L’URANIUM NON ENRICHI QUI NÉCESSITE L’UTILISATION DE L’EAU LOURDE
Un parti pris technologique qui rend la synthétisation et l’utilisation de l’eau lourde, par ailleurs extrêmement compliquée à produire, indispensables à la réussite du programme nucléaire allemand, et qui va constituer son talon d’Achille.
L’approche furtive des Norvégiens s’avère payante
Plutôt que de répéter la stratégie britannique qui consistait à envoyer des dizaines de soldats à bord de planeurs chargés d’armes lourdes et d’attaquer l’usine de front, les Norvégiens privilégient une approche plus furtive.
Fin février 1943, six parachutistes légèrement armés et équipés de skis sont largués dans la zone. Leur objectif est simple : se faufiler jusqu’à l’usine, pénétrer discrètement dans la salle de production d’eau lourde et la faire sauter à l’aide d’explosifs.
Quatre autres soldats se trouvent déjà sur place depuis plusieurs semaines, et le groupe de dix hommes est bientôt rejoint par un espion norvégien. Malgré de mauvaises conditions météorologiques, l’escouade parvient à rallier le bâtiment le 28 février 1943.
L’ENTRÉE PRINCIPALE EST LOURDEMENT GARDÉE
L’usine de Vemork est construite sur une colline escarpée. Lorsqu’ils arrivent à proximité, les soldats norvégiens se rendent compte qu’attaquer l’usine de front en passant par le pont lourdement gardé serait suicidaire.
À la faveur de l’obscurité, ces derniers gravissent les falaises escarpées et atteignent l’usine en contournant soigneusement le pont. Pensant les flancs de la colline impraticables, les Allemands n’imaginent pas une seule seconde qu’une telle approche soit envisageable.
Les Norvégiens se faufilent discrètement dans l’usine en utilisant les cartes fournies par la résistance locale pour localiser et atteindre la salle de production d’eau lourde. Une fois sur les lieux, ils posent leurs explosifs, les arment et déguerpissent.
Lorsque l’explosion survient, les soldats norvégiens sont déjà loin. Ils se divisent ensuite en petits groupes et skient en direction de la Suède, alors neutre. Tous parviennent finalement à rallier leur unité stationnée en Grande-Bretagne.
LORSQUE L’EXPLOSION SURVIENT, LES NORVÉGIENS SONT DÉJÀ LOIN
Bien que les nazis reconstruisent par la suite leur usine de production d’eau lourde, le mal est fait : le développement de la bombe atomique allemande a été fortement ralenti, et celle-ci ne pourra être prête à temps pour avoir une influence majeure sur l’issue du conflit. Autrefois l’une des substances les plus rares et dangereuses au monde, l’eau lourde a plus tard été abandonnée au profit d’autres techniques dans le cadre de la production d’armes atomiques. Pour aller plus loin, découvrez l’opération Fortitude, cette stratégie hors norme mise en place pour berner les Allemands en 1944.
Bonjour, après avoir le résumé du film qui est très bien fait, j’ai aussi vu un film il y a quelques années ou les Norvégiens (ou résistants, je ne sais plus) ont coulé un bateau avec de l’eau lourde. Est-ce vrai ou une fiction ?? Néanmoins, seul le résultat a compté pour l’issue de la guerre contre les nazis.