En avril et alors que les beaux jours reviennent, petits et grands se préparent à partir à la chasse aux chocolats. Cette tradition ancrée dans notre culture a fait le bonheur d’enfants sur des générations sans léser les chocolatiers, qui profitent de cette période pour réaliser d’incroyables chiffres de vente. Incontestablement lié à la religion, l’échange des œufs de Pâques a pu profiter d’un mélange de cultures sur des milliers d’années.
UN SYMBOLE DE RENOUVEAU
Pour bien comprendre l’importance prise par Pâques, il nous faut remonter à ses origines : cette célébration chrétienne et juive prend aussi ses racines dans une fête païenne qui mettait à l’honneur l’arrivée des beaux jours, le retour de la lumière après les mois d’hiver et donc, l’arrivée du printemps. En Europe et chez les populations catholiques, Pâques commémore la résurrection du Christ et le dimanche y marque la fin du carême, une période de jeûne de 40 jours ainsi que la fin des privations qui lui sont liées. Une fois le jeûne terminé, les repas comprenaient les œufs cumulés durant toute la période de renoncement, intégrant définitivement l’œuf à la célébration.
PÂQUES PREND SES RACINES DANS UNE FÊTE PAÏENNE QUI METTAIT À L’HONNEUR L’ARRIVÉE DES BEAUX JOURS
Le lien entre l’œuf et la saison n’a pas attendu les fêtes catholiques pour apparaitre dans des traditions. À l’instar du printemps qui est considéré comme la saison de la renaissance de la nature, l’œuf est un symbole de renouveau. Romains, Perses et Égyptiens avaient déjà l’habitude de le décorer avant de l’offrir pour célébrer la nouvelle saison et par extension, les poules et poussins symbolisaient le même caractère festif.
UNE DISTRACTION POUR LA ROYAUTÉ
Durant le Moyen Âge, l’Église interdit de consommer des œufs le temps du carême : ces derniers sont alors conservés dans le but d’être mangés à la fin du jeûne et c’est en Alsace au XVe siècle que l’on retrouve des traces de décoration de ces œufs. Durant les siècles suivants, la décoration devient une coutume et se répand ou s’affirme dans les régions alentour. Elle est d’ailleurs remarquable en Roumanie où les ateliers de décoration prennent place du Mardi saint au Vendredi saint.
Dans les cours des rois, on orne et colore richement des œufs dans lesquels il arrive que l’on glisse une surprise. Les rois eux-mêmes n’échappent pas à la tradition et très vite, l’œuf devient une distraction dans les salons des palais : Louis XV, souhaitant combler sa maîtresse Madame du Barry, lui offrit un œuf gigantesque dans lequel elle put découvrir une statuette de Cupidon.
La Russie put aussi profiter de la tradition mais porta l’art de la décoration à un tout autre niveau : en 1885, le tsar Alexandre III fait appel à Pierre-Karl Fabergé pour la conception d’un œuf destiné à sa femme, Marie Fedorovna. Fabergé, dont le nom a traversé les époques grâce à la qualité et la beauté de ses créations, crée un cadeau à la hauteur des espoirs du régent : un œuf blanc, d’apparence ordinaire, renfermant en son sein une poule multicolore faite d’or, englobant une couronne parée d’un petit œuf en rubis. Ce qui n’était qu’un cadeau deviendra une tradition et, chaque année, le tsar et ses héritiers commanderont à Fabergé des œufs d’une incroyable beauté.
DU XOCOATL À L’ŒUF
Durant le XVIIIe siècle, la tradition se transforme petit à petit : il est de coutume de percer les œufs pour les vider avant de les remplir de chocolat. Ce mets tout droit venu des civilisations précolombiennes, alors consommé comme breuvage sacré, aura parcouru du chemin avant d’arriver dans l’Hexagone : ce sont les missionnaires qui soignaient les colons en Amérique du Sud qui s’intéressent les premiers à ces fèves adorées des Aztèques.
Le xocoatl, consommé sous forme de boisson, sera retravaillé pour correspondre au goût des conquistadors qui l’appellent alors « chocolat ». Rare et cher, il restera longtemps réservé eux élites et donc aux rois : de la cour d’Espagne au reste de l’Europe, il devient le mets préféré de la royauté et ce n’est qu’avec l’industrialisation que le peuple pourra enfin en profiter pleinement.
Les prix baissent, le chocolat devient plus commun et l’engouement lui, perdure. Il faudra attendre le XIXe et des progrès techniques remarquables pour que les chocolatiers soient en mesure de travailler suffisamment la pâte de cacao dans le but d’en faire des œufs entiers. Ces innovations auront terminé d’intégrer le chocolat au rituel pascal. A partir des années 1930, des formes de moules de plus en plus variées font leur apparition et avec elles, des chocolats à l’aspect d’œufs, de poules, de cloches ou de lapins !
LE PRÉFÉRÉ DES FRANÇAIS
Septième plus grande consommatrice de chocolat en Europe, la France mise énormément sur les fèves de cacao : chaque année, c’est 6,7 kilos qui y sont consommés par habitant. Évidemment, Pâques est une période importante pour les chocolatiers puisque la célébration correspond au second temps fort de production de l’année, après Noël. En 2015, 15 180 tonnes de chocolats ont été vendues pour Pâques. Concentré sur 5 semaines, le marché du chocolat de Pâques représente 300 millions d’euros de ventes pour la grande distribution.
Il s’agit donc d’un marché important pour les professionnels et les distributeurs qui misent énormément sur la période pascale. Si Pâques est devenu un point de dépenses pour les familles, ces dernières n’en oublient pas pour autant les traditions, et que serait Pâques sans sa chasse au chocolat ? La coutume veut que des chasses au chocolat soient organisées dans les jardins et si certains se contentent de petits espaces, d’autres voient les choses en grand.
L’OCCASION RÊVÉE POUR LES CHOCOLATIERS
Chaque année, des associations et des villes organisent différents évènements invitant qui le veut à participer aux activités de Pâques. Quand le Secours populaire propose des jeux et animations sur le thème de la fête pascale, la ville de Paris s’engage auprès des familles aux revenus les plus modestes pour leur permettre de profiter de la célébration. Une chasse géante est organisée dans le jardin de l’Hôtel de Ville mais aussi dans d’autres lieux comme l’Aquarium ou le musée de Montmartre.
Notre manière de célébrer Pâques a beaucoup évolué durant les siècles derniers : qu’on honore les fêtes religieuses ou le printemps, Pâques est dorénavant un évènement incontestablement lié au chocolat. Le pays devient alors le théâtre d’immenses chasses à l’œuf, pour le plus grand bonheur des chocolatiers et des enfants.