Éléments constitutifs de la vie, les protéines sont depuis longtemps étudiées par les chercheurs, qui cherchent à les améliorer et à en concevoir de nouvelles, remplissant des fonctions inédites, en s’appuyant notamment sur l’intelligence artificielle.
Une approche surprenante à plus d’un titre
Traditionnellement, les nouvelles protéines sont créées soit en imitant des protéines existantes, soit en modifiant manuellement les acides aminés qui les composent. Ce processus prend cependant du temps et il est difficile de prédire l’impact de la modification de l’un des composants d’acides aminés pour une protéine donnée.
Dans le cadre de cette nouvelle étude, publiée dans la revue APL Bioengineering, des chercheurs américains et taïwanais ont créé de nouvelles protéines en utilisant l’apprentissage machine pour traduire les structures des protéines en partitions musicales, dégageant ainsi une manière inhabituelle de traduire les concepts de physique dans des domaines disparates.
Chacun des 20 acides aminés qui composent les protéines possède une fréquence vibratoire unique. La structure chimique de protéines entières peut donc être cartographiée avec des représentations audibles, en utilisant des concepts connus de la théorie musicale comme le volume des notes, la mélodie, les accords et le rythme. Les sons spécifiques générés, déterminés par la façon dont une protéine se replie, peuvent alors être utilisés pour entraîner les réseaux neuronaux d’apprentissage profond.
« Ces réseaux apprennent à comprendre le langage complexe que les protéines repliées parlent à de multiples échelles de temps », estime Markus J. Buehler, du MIT. « Et une fois que l’ordinateur obtient un début de séquence, il peut extrapoler et concevoir des protéines entièrement nouvelles en improvisant à partir de cette idée initiale, tout en considérant différents niveaux de variations musicales – contrôlées par un paramètre de température – au cours du processus de génération. »
« Cela ouvre la voie à la fabrication de biomatériaux entièrement nouveaux »
L’équipe a comparé les nouvelles protéines à une grande base de données contenant des informations sur toutes les protéines connues et a ensuite utilisé l’équilibrage et la caractérisation des dynamiques moléculaires. Grâce à ces étapes, les chercheurs ont démontré que la méthode permettait de concevoir des protéines que la nature n’avait pas encore inventées. Les nouvelles protéines semblent être des conceptions stables et repliées, et les scientifiques ont créé un algorithme pour matérialiser la musique, à partir d’ondes sonores ou de matière.
« Cela ouvre la voie à la fabrication de biomatériaux entièrement nouveaux », avance Buehler. « On peut également envisager d’améliorer la façon dont une enzyme existante catalyse ou trouver de nouvelles variations de protéines tout court. »
En ajustant la température, le nombre de variations créées par l’algorithme peut être augmenté. Les nouvelles mutations peuvent alors être mesurées pour voir lesquelles sont les plus efficaces en tant qu’enzymes, par exemple.
La « musique des protéines » que les chercheurs ont découverte pourrait également contribuer à créer de nouvelles techniques de composition dans la musique classique en utilisant les rythmes et les tons des protéines, une méthode que les chercheurs appellent la « matériomusique » (voir liens SoundCloud).
« En suivant l’évolution des protéines sur des milliers d’années, on constate que la nature nous donne également de nouvelles idées sur la façon dont les sons sont combinés et fusionnés », conclut Buehler.
Par Yann Contegat, le
Source: Phys.org
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