
Des scientifiques de plusieurs institutions de renom, notamment l’université de Colombie-Britannique au Canada, l’université de Washington et l’université Johns-Hopkins aux États-Unis, ainsi que l’Institut national des sciences des matériaux au Japon, ont récemment mis en évidence un état inédit de la matière au sein du graphène. Leur découverte, qui concerne les courants électroniques circulant dans des structures torsadées de ce matériau, pourrait ouvrir la voie à de nouvelles applications en informatique quantique et en supraconductivité.
Un matériau aux propriétés extraordinaires
Selon Joshua Folk, physicien spécialiste de la matière condensée à l’université de Colombie-Britannique et auteur principal de l’étude, « tout commence avec deux couches de graphène, où les atomes de carbone sont arrangés en une structure en nid d’abeille ». Les propriétés électriques du graphène sont déterminées par la manière dont les électrons se déplacent entre ces atomes, ce qui rend le matériau similaire, en apparence, à des conducteurs classiques comme le cuivre.
Depuis plusieurs décennies, le graphène est considéré comme un matériau révolutionnaire. Grâce à son réseau unique d’atomes de carbone, il permet aux électrons de se déplacer librement, un peu comme des pièces sautant sur un damier quantique.
Les chercheurs ont expérimenté diverses méthodes pour modifier la configuration du graphène et explorer ses propriétés exotiques. Grâce à ses propriétés uniques, ce matériau est devenu un outil idéal pour explorer les phénomènes quantiques et la conductivité à faible résistance. L’un des phénomènes les plus intrigants étudiés est la formation de cristaux d’électrons, appelés cristaux de Wigner, où les électrons adoptent un agencement structuré plutôt que de circuler librement.
Un nouvel état de la matière
Dans la récente étude publiée dans la revue Nature, les scientifiques ont superposé plusieurs couches de graphène en leur appliquant une légère torsion. Cette manipulation provoque un alignement spécifique des atomes de carbone, créant un motif appelé effet moiré, un phénomène d’interférence bien connu dans le domaine optique. En effet, ils apparaissent sous forme de lignes ou de cercles répétitifs lorsqu’un réseau de motifs s’aligne ou interfère avec un autre.
En altérant la géométrie du matériau, cet effet modifie le paysage électronique, ralentissant le déplacement des électrons et entraînant parfois l’apparition de comportements inhabituels. Certains électrons, par exemple, adoptent une trajectoire torsadée le long des bords du matériau.
L’une des découvertes marquantes de l’étude a été l’observation d’un effet paradoxal : alors que les électrons semblent figés dans une structure cristalline, ils conservent une certaine mobilité le long des frontières du matériau. Ce phénomène, qualifié de « cristal électronique topologique », diffère des cristaux de Wigner traditionnels en ce qu’il permet une conduction électrique limitée tout en maintenant une organisation structurée des électrons.
Une mine d’or pour les recherches futures
Les chercheurs ont observé des comportements étranges, tels que la quantification de la résistance dans ce qu’on appelle l’effet Hall quantique. Ces nouveaux états topologiques recèlent un potentiel énorme pour la recherche en physique quantique. Ils pourraient permettre notamment de concevoir des qubits – les unités de base de l’informatique quantique – plus robustes et fiables que ceux actuellement développés.
De plus, cette découverte pourrait inspirer de nouvelles approches visant à réaliser la supraconductivité à température ambiante, un objectif recherché depuis des décennies. La manipulation de couches de graphène en structures complexes, telles que l’équivalent électronique d’une bande de Möbius, pourrait n’être que le début d’une révolution dans la recherche sur les matériaux quantiques.
Par ailleurs, un nouveau procédé ouvre la voie à la production à grande échelle du graphène, ce matériau miracle.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Source: Science Alert
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