Alors que Netflix communique sur Twitter sur la sortie du film Mignonnes de Maïmouna Doucouré sur sa plateforme, l’affiche choisie fait scandale à juste titre. Une image qui ne tient pas compte du propos du film, et fait l’apanage de ce que la réalisatrice cherchait à dénoncer.
Une affiche inadmissible
Alors que l’affiche française du film Mignonnes présente simplement les éclats de rire de quatre collégiennes qui s’avancent dans une rue de la capitale, Netflix a publié la semaine dernière une image de la bande de copines en sous-vêtements, sous les feux de projecteurs, dans une mise en scène hypersexualisée. Un choix marketing scandaleux et malsain s’il en est, qui met inévitablement et de manière inadmissible le spectateur dans une position de voyeur.
Netflix a utilisé un ressort marketing malheureusement pas si rare dans un monde où la publicité regorge d’images de jeunes filles hypersexualisées. Aujourd’hui, de nombreux contenus publicitaires et médiatiques cultivent en effet l’impunité que l’on observe vis-à-vis des crimes pédophiles dans nos sociétés actuelles. C’est ce que des centaines de personnes ont fustigé sur Twitter, à raison.
Comment une « simple » #affiche peut conditionner un film. Personne chez @netflix ne s’est dit que ce n’était peut-être pas pertinent ? #cuties . Le film #Mignonnes aborde le sujet de la féminité & oui de l’hypersexualisation, mais ne le glorifie pas. Toute chose à son importance.. pic.twitter.com/pnu0jCRMVN
— CinéCactus (@cine_cactus) August 20, 2020
Une double faute de Netflix, lourde de conséquences
La réalisatrice subit les conséquences des agissements du géant du streaming. Une partie des tweets qui ont porté la polémique s’est directement dirigée vers elle, en l’accusant de véhiculer des images pédopornographiques. La vague de harcèlement conduite à son égard a poussé Maïmouna Doucouré à supprimer son compte twitter. En outre, deux pétitions ont été lancées pour demander le retrait du film de la plateforme, et comptent aujourd’hui plus de 400 000 signatures.
Pourtant, l’image mise en avant par Netflix est précisément ce que Doucouré cherche à dénoncer dans son long-métrage. La réalisatrice mettait en effet sa pensée au clair dans une interview pour BAC Films parue peu avant la sortie de Mignonnes, où elle qualifiait les danses TikTok comme étant « un moyen d’expression avec des codes hypersexualisés qui ne sont PAS DU TOUT de leur âge ».
Ainsi, non seulement Netflix a montré sans aucun recul critique l’image de ces petites filles dénudées, mais la plateforme a aussi fait totalement abstraction du propos du film, générant une polémique qui nuit injustement à la carrière de la réalisatrice franco-sénégalaise. L’affiche Netflix est issue d’une scène de la toute fin du long-métrage, où sont autant filmées les jeunes filles que les réactions scandalisées de leurs spectateur·trices adultes. Le focus choisi par Netflix ne reflète donc aucunement la vision que Doucouré met en avant dans Mignonnes.
Un film engagé sur un sujet trop rarement abordé
Le film en lui-même ne laisse pas de doute possible sur les intentions et l’engagement de la réalisatrice. Mignonnes suit avec beaucoup de réalisme le parcours social d’une jeune collégienne qui vit dans un appartement modeste du nord de Paris avec sa mère et son frère. Alors qu’elle apprend que son père, qui s’est peu occupé d’elle, rentre du Sénégal au bras d’une nouvelle femme, les danses sensuelles outrageusement valorisées par les réseaux sociaux font irruption dans sa vie comme une échappatoire à ses blessures familiales.
Maïmouna Doucouré s’est inspirée d’un phénomène réel observé dans son quartier du 19e arrondissement, et cherche dans ce premier long-métrage à dénoncer une société où les perspectives d’émancipation de jeunes filles opprimées passent par l’hypersexualisation de leur corps. Un film dénonçant un certain rapport au corps n’a d’autre choix que d’exposer les images qu’il dénonce. En revanche, l’affiche constitue un support de communication qui vise à représenter le film dans sa globalité, ce qui illégitime totalement le choix de l’image exposée par Netflix.
Suite à la polémique, l’enseigne de streaming a reconnu que son affiche trahissait le propos de la réalisatrice. Ils se sont ainsi excusés : « Nous sommes profondément désolés de l’affiche inappropriée que nous avons utilisée pour Mignonnes. Ce n’était ni normal, ni représentatif de ce film français qui a remporté le prix du festival de Sundance. Nous avons maintenant mis à jour les images et la description du film. »
Par Solene Planchais, le
Source: Hitek
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