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Mozilla crée son propre mouvement pour lutter contre la désinformation

Depuis l’élection présidentielle américaine de 2016, les « fake news » font beaucoup parler d’elles. Manipulations en tous genres et désinformations ont atteint une telle ampleur que ce mouvement de fausses informations représentent une menace pour les sociétés démocratiques. Mozilla a dévoilé son propre plan pour lutter contre ce fléau.

Une société de la désinformation

Hillary Clinton dormait lors de l’attaque du consulat américain de Benghazi en 2012 ; les services secrets russes (FSB) disposent de vidéos compromettantes de Donald Trump ; Barack Obama a falsifié son acte de naissance et n’est même pas américain… Et non, toutes ces informations sont fausses, ou en tous cas non vérifiées. Ces dernières années, aux États-Unis, mais aussi en France, les « fake news » ont fait partie intégrante de la vie politique et des campagnes électorales avec comme corollaire le complotisme et la diffamation.

Ces histoires peuvent prêter à sourire tant elles sont parfois rocambolesques mais elles ont des conséquences dramatiques. Par exemple, en décembre dernier un homme entre dans une pizzeria de Washington DC et ouvre le feu. C’est l’épilogue dramatique du « PizzaGate » : pendant des mois sur de nombreux forums, ce restaurant a été accusé d’abriter des soirées de l’élite américaine mêlant occultisme et crimes pédophiles. Bien sûr, tout cela était entièrement faux. Ce tragique événement est un électrochoc : les « fake news » ne sont pas à prendre à la légère.

La Comet Ping Pong Pizzeria. Ce restaurant anodin était suspecté par les internautes du forum Reddit d’abriter un réseau pédophile autour d’Hillary Clinton. Une théorie délirante qui s’appuyait sur un prétendu « décryptage » de conversations d’Hillary Clinton ayant fuité sur internet.

 

Réactions de la sphère médiatique

Les mensonges pullulent sur les forums et les sites web de mauvaise qualité. Depuis longtemps de nombreux journaux se sont donc emparés de la question. Le Monde a ainsi développé les Décodeurs et Libération sa rubrique Désintox. Les moteurs de recherches font rarement le tri de manière efficace entre l’article d’un organe de presse sérieux et celui du premier blog venu. Des rumeurs mensongères se propagent ainsi à toute vitesse renforcées par le phénomène des « bulles internet » (idée selon laquelle, par les réseaux sociaux et leurs algorithmes, la plupart des électeurs ne se voient proposer que des articles renforçant leurs convictions).

Mozilla a donc dévoilé son projet, baptisé Mozilla Information Trust Initiative, qui veut résoudre le problème par « la technologie mais également la science cognitive ». Ainsi l’entreprise veut privilégier les articles provenant d’entités « sérieuses » (le Wall Street Journal ou le Süddeutsche Zeitung sont cités en exemple). Parallèlement, l’entreprise compte consacrer des fonds à la recherche sur la désinformation à l’ère du web, lancer sa structure d’éducation à l’usage d’internet, et s’allier à de puissantes organisations médiatiques pour combattre les « fake news ».

L’équipe de Donald Trump a fait usage des fake news durant la compagne. Kellyanne Conway, conseillère du nouveau président des États-Unis les appelle d’ailleurs avec audace « faits alternatifs ». © Gage Skidmore

 

Idéologie et désinformation

Cette offensive contre la désinformation est toutefois en contradiction avec le Manifeste Mozilla, un texte dans lequel la compagnie rappelle son attachement à un web libre, ouvert, décentralisé, qui respecte la vie privée. Le tout couplé à des principes moraux et idéologiques (« Mozilla veut inciter la tolérance plutôt que la haine », rappelle le communiqué). Des intentions louables qui risquent de se heurter à certains obstacles.

D’abord parce que la désinformation n’est malheureusement pas l’apanage de certains blogueurs. Les journaux les plus sérieux peuvent se laisser piéger (comme le montre l’affaire des « baignades républicaines en Algérie« ). Ces erreurs ont provoqué une perte de confiance chez de nombreux lecteurs. Les « fake news » prennent donc leurs sources dans des forums ouverts, comme le fameux 4chan, très actif durant la campagne américaine. Le risque est donc que l’initiative de Mozilla passe à côté de son public : ces citoyens qui ne croient pas plus aux discours politiques qu’au journalisme traditionnel. Le projet de Mozilla n’est qu’un petit pas sur le chemin du rétablissement de la confiance entre les médias et leurs lecteurs, comme entre les hommes politiques et les électeurs.

4chan est un forum anonyme devenu une véritable chambre d’écho des fake news. Au départ lieu de préparation de canulars en tous genres sur le web, le site penche nettement à droite depuis l’arrivée massive d’utilisateurs de stormfront, un forum suprémaciste blanc.

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