Depuis 1961, les docteurs utilisent un médicament efficace pour combattre les overdoses : la naloxone. Peu chère, administrée par voie nasale et très efficace, le combo semble trop beau pour être vrai. Et en effet, il y a un hic : elle est difficile à utiliser dans les situations aussi urgentes que l’overdose. Un homme s’est intéressé à la question et a permis d’en faciliter l’administration. SooCurious vous en dit plus.
La naloxone agit directement sur les récepteurs opioïdes du cerveau (les récepteurs sur lesquels se fixent les substances produites par l’héroïne ou la morphine), et est beaucoup plus efficace que les substances illicites. Elle permet donc de « nettoyer » le cerveau de l’héroïne présente et de réveiller le système. Ce produit est remarquablement peu cher et peut être administré sans piqûre. Le concept semble parfait.
Le problème, c’est que la naloxone est inexploitable dans des conditions réelles. Tout d’abord, elle est vendue sous forme de kit de sept pièces qui doivent être assemblées. Secondement, elle ne dispose pas d’Epipen (un Epipen est un dispositif d’injection jetable, automatique et déjà rempli). Vous l’aurez compris, elle n’est pas du tout conçue pour être utilisée dans la situation d’urgence et de panique qu’est l’overdose.
Sachant que l’héroïne est une drogue qui se répand de plus en plus dans le monde, Jonathan Grossman, designer industriel de la firme mondiale Frod, s’est intéressé à ce médicament. Il a vite compris que l’administration de naxolone était tout simplement inadaptée pour une situation aussi délicate. Il a proposé à son équipe de travailler sur une meilleure façon d’utiliser le médicament.
A la base, le médicament est censé être utilisé comme un pulvérisateur en forme de seringue. Le liquide est compressé dans un minuscule tube, si petit qu’il transforme le médicament en de la buée, buée qui peut ainsi être mise dans les cavités nasales de la personne touchée.
Le problème vient de la façon dont ces pulvérisateurs sont achetés et distribués. En effet, ils sont distribués par les services sociaux en kit de 7 pièces, et chaque composant doit être distribué par une branche de l’industrie médicale. Le piston de la seringue vient ainsi d’une certaine industrie, la pointe de la seringue d’une autre, etc. Acheter ce genre de seringue à l’avance, ça suppose qu’on prédit méticuleusement une overdose. Elle a bien été conçue pour être faite à l’avance et prête dans l’urgence, mais ses pièces doivent être assemblées par une infirmière, dans un hôpital où elle pourra être utilisée directement.
« Il y a trop de capuchons, explique Grossman. Chaque composant a un capuchon qui couvre le bout, et dans une situation d’urgence tu dois enlever tous les capuchons. Et il y a un assemblage très précis à faire entre le capuchon pulvérisateur et le corps. Si ça va dans un angle, il y a des chances pour que le médicament se pulvérise de l’autre côté. »
Le problème peut aussi venir d’une mauvaise utilisation. Les personnes qui construiront la seringue pourraient tenir le tube en verre rempli de drogue dans leur bouche, ce qui risquerait de le casser. Et une fois que le kit est complètement assemblé, la drogue elle-même présente un défi : elle doit être précautionneusement aspergée dans le nez. Une moitié dans une narine, l’autre moitié dans l’autre narine, et il y a un angle très précis pour que l’injection du médicament soit efficace.
Cela ne veut pas dire que le faire est impossible, mais cela suppose qu’une personne dans un état d’esprit de stress et de tension doit assembler les 7 pièces distinctes du kit. « Il arrive souvent que des objets soient conçus sans qu’on pense au contexte dans lequel il sera utilisé », dit Lindsey Mosby, la directrice de la stratégie exécutive et de la pratique des soins de la santé.
Ainsi Grossman a commencé à imaginer d’autres formes d’administration plus pratiques de la naloxone. Après de longues journées de réflexion avec son équipe et de nombreuses idées, il eut le déclic. Il combina deux seringues. Ces deux seringues connectées permettraient d’administrer la drogue dans les deux narines au même moment.
Le concepteur a mis en pratique sa propre hypothèse comme un laboratoire de rat. Il a pris deux seringues, les a remplies avec de l’eau, les a mises lui-même dans son nez, et a pressé. « Ça allait parfaitement ! » dit-il en riant. « Vous avez une sorte de mal de gorge, puis ça part. »
Grossman n’a rien changé au mécanisme de base du produit, il est toujours question d’une seringue pulvérisatrice. Simplement, cette seringue a deux pointes qui permettent de remplir les deux narines à la fois. Le couvercle du piston et de la pointe peuvent être jetés dans le sac de quelqu’un, comme un Epipen, sans avoir à y penser deux fois.
En outre, la matière de la seringue facilitera la tâche : le corps principal est en matière plastique, tandis que le couvercle du piston est fait en caoutchouc strié. Quand on retire le couvercle du piston, il ne reste que la matière plastique de la seringue. Pour le dire autrement : ce matériau caoutchouteux sert de repère inconscient pour celui qui administre la drogue. C’est la partie de la seringue qu’on a envie de pousser vers le bas. Donc même si quelqu’un n’a pas ses capacités cognitives normales en cas d’urgence, il va instinctivement comprendre comment utiliser l’appareil.
Pour que cette version du produit soit sur le marché, il faudrait que la société Frog trouve des partenaires, ce qui n’est pas encore le cas. Et Grossman est conscient qu’il y aura toujours probablement des petits ajustements à faire pour des raisons de régulation ou des cas d’utilisation inattendue. Mais le fait que le pulvérisateur double-nasal ne soit toujours pas sur le marché est incroyable à ses yeux.
La société Frog a réussi à vaincre les problèmes d’administration du médicament naloxone, et c’est déjà un grand pas pour les personnes victimes des drogues dures. Le plus gros obstacle reste maintenant de combattre les drogues elles-mêmes. Et le chemin est long… Si vous êtes sensible à ce sujet, découvrez 20 chiffres qui vous feront réaliser l’ampleur phénoménale de la drogue dans le monde.
Par Pauline Collette, le
Source: Fastcodesign
Étiquettes: drogue, sauver, administration, seringue, overdose
Catégories: Technologie, Sciences, Actualités