La matière noire, cet élément énigmatique qui représente environ 85 % de la matière de l’Univers, a toujours été une source d’énigme pour les scientifiques. Incapable d’interagir avec le rayonnement électromagnétique, cette forme de matière ne peut être directement observée. Cependant, une équipe de chercheurs japonais a utilisé un principe vieux de plus d’un siècle, formulé par Albert Einstein, pour cartographier la matière noire et découvrir son existence sous forme d’« amas » entre les galaxies.
La nature insaisissable de la matière noire
Le caractère insaisissable de la matière noire constitue un défi majeur pour la compréhension scientifique de l’Univers. Les particules qui la composent sont différentes de la matière baryonique, faite de protons, de neutrons et d’électrons, qui forment les étoiles, les planètes et tout ce que nous pouvons voir. Le principal moyen de détecter la matière noire à ce jour est par l’effet gravitationnel qu’elle exerce sur la matière « normale ».
Les astronomes ont constaté que la gravité générée par la matière noire est nécessaire pour expliquer comment les étoiles au sein des galaxies restent en place. Sans cette « colle gravitationnelle », les galaxies se décomposeraient, incapables de maintenir leur structure du fait de la vitesse à laquelle elles tournent.
La lentille gravitationnelle : un outil pour cartographier l’invisible
La théorie de la relativité générale d’Einstein, publiée pour la première fois en 1915, nous a donné le concept de la lentille gravitationnelle. Selon cette théorie, la masse d’un objet déforme l’espace-temps autour de lui. Lorsqu’un objet massif, comme une galaxie, se trouve entre nous et une source de lumière distante, la lumière est courbée autour de cet objet. Cette « lentille » peut amplifier la lumière de l’objet distante et même la faire apparaître à plusieurs endroits.
Cette déformation de la trajectoire de la lumière n’est pas seulement un effet intéressant, elle fournit également aux scientifiques un outil puissant pour étudier la matière noire. Par exemple, la lentille gravitationnelle est exploitée par des instruments comme le télescope spatial James-Webb pour étudier les galaxies de l’Univers primitif.
Un quasar comme source lumineuse
Kalki Taro Inoue, de l’université Kindai, et son équipe ont observé le quasar MG J0414+0534 à 11 milliards d’années-lumière de la Terre. Il s’agit d’une source de lumière très brillante, alimentée par un trou noir supermassif qui accélère et chauffe la matière environnante. La galaxie a été capturée avec une résolution plus élevée que jamais, et sa matière noire a été cartographiée à une échelle de 30 000 années-lumière.
Les astronomes ont utilisé le grand réseau d’antennes millimétriques/submillimétriques de l’Atacama (ALMA), situé au Chili, pour capter les ondes radio émises par le quasar. Grâce à la haute résolution d’ALMA, ils ont pu distinguer quatre images du quasar, formées par l’effet de la lentille gravitationnelle. En effet, la lumière du quasar a pris des chemins différents autour de la galaxie-lentille, créant ainsi des images multiples et décalées dans le temps.
Des amas de matière noire
En plus de cartographier la matière noire dans la galaxie-lentille, les astronomes ont également découvert des « amas » de matière noire entre les galaxies. Cette découverte soutient le modèle de l’Univers dit de la « matière noire froide » (CDM), selon lequel la matière noire est composée de particules à mouvement lent, formant des amas à la fois à l’intérieur et à l’extérieur des galaxies.
La récente étude menée par des chercheurs japonais représente une avancée significative dans notre compréhension de la matière noire et de sa distribution dans l’Univers. Ces travaux montrent une fois de plus comment des théories centenaires peuvent trouver des applications dans des domaines d’étude contemporains, ouvrant de nouvelles perspectives pour résoudre certains des plus grands mystères de l’Univers.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Source: Space
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