Dans toute l’histoire de l’humanité, Mary Mallon a été la toute première porteuse saine d’une maladie. À cause de cela, Mary a dû rester en quarantaine pendant plus de vingt ans. Son histoire est incroyable, et elle a permis à la communauté scientifique de comprendre l’importance des porteurs sains dans la propagation d’une maladie.
L’histoire de Mary Typhoïde est particulièrement intéressante à une époque où le coronavirus et d’autres maladies graves menacent la vie de nombreuses personnes. Mise en quarantaine pour ce qu’elle considérait comme un diagnostic erroné, Mary Mallon a été l’une des premières « porteuses saines » de la fièvre typhoïde, une maladie transmissible souvent mortelle. L’histoire de Mary a soulevé de nombreuses questions dont l’impact est encore visible aujourd’hui. Ces questions concernent notamment le souci de l’équilibre entre liberté individuelle et santé publique en période où la quarantaine est la seule solution face à la maladie.
Mary Mallon et sa crème glacée à la pêche à l’origine d’une épidémie de fièvre typhoïde à New York
Mary Mallon est née en 1869 en Irlande et a émigré aux États-Unis en 1884. Elle avait occupé divers postes de domestique pour des familles riches avant de se lancer dans une carrière de cuisinière. Sans le savoir, Mary a propagé la fièvre typhoïde durant la période où elle a occupé le poste de cuisinière pour plusieurs familles dans la région de New York. Il n’est devenu évident qu’elle était porteuse saine de la bactérie que quand elle a été embauchée comme cuisinière pour une famille aisée de Long Island.
C’est en 1906, à l’âge de 37 ans, que Mary a été embauchée par le banquier Charles Henry Warren et sa famille, en vacances à Oyster Bay, à Long Island. Au début de l’automne de cette année, six des onze membres de la famille Warren ont été infectés par la fièvre typhoïde. La famille a été stupéfaite face à la maladie étant donné que la fièvre typhoïde était considérée comme une maladie des bidonvilles surpeuplés, associée à la pauvreté et au manque d’assainissement de base.
Craignant que l’épidémie ne l’empêche de louer à nouveau sa maison d’été, mais aussi pour déterminer comment la famille a attrapé la maladie, Warren a embauché l’ingénieur sanitaire George Soper pour en déterminer la cause. Soper a été choisi pour enquêter sur la maladie chez les Warren, car ce dernier avait de l’expérience en matière d’épidémies de fièvre typhoïde. Après avoir soigneusement observé toute la maison d’Oyster Bay, allant de la plomberie à l’approvisionnement local de mollusques, il était évident que la propagation de la maladie n’était pas liée à un souci sanitaire.
C’est alors que Soper a commencé à soupçonner les membres du personnel de la famille Warren, notamment la cuisinière Mary Mallon qui était l’une des dernières arrivées dans le ménage. Étant donné ses soupçons, Soper a commencé à mener une enquête sur le passé de la cuisinière. Il a également demandé à cette dernière de lui fournir des échantillons de sang, d’urine et de selles. Mary a obstinément rejeté cette demande, elle n’a obtempéré que contrainte et forcée. Les résultats des analyses ont montré qu’elle était porteuse de la bactérie responsable de la fièvre typhoïde, malgré l’absence des symptômes de la maladie.
Par ailleurs, les enquêtes de Soper concernant les antécédents de la cuisinière ont révélé que Mary Mallon était porteuse de la maladie depuis une assez longue période. Les recherches de l’ingénieur sanitaire ont ainsi révélé que Mary était une porteuse de la bactérie au moins depuis l’année 1900. La cuisinière avait alors infecté un grand nombre de personnes, et des cas de fièvre typhoïde se sont déclarés dans toutes les maisons où elle a travaillé. Elle aurait ainsi transmis la maladie à au moins cinquante personnes, dont trois sont décédées. Toujours selon les enquêtes de Soper, Mary aurait essentiellement infecté son entourage avec une crème glacée à la pêche, dont aucun des ingrédients n’est cuit.
Malheureusement, quand Soper a enfin eu la certitude que c’était Mary Mallon qui était à l’origine de ces cas de fièvre typhoïde chez des familles riches new-yorkaises, celle-ci était déjà partie sans laisser d’adresse. Ce ne sera qu’après une année après avoir quitté la famille Warren que Mary sera retrouvée par Soper et le Dr Sara Josephine Baker. Étant donné les réactions violentes de la cuisinière face aux révélations des deux spécialistes de la santé, ces derniers ont dû faire appel à la police pour emmener Mary à l’hôpital Willard Parker de New York.
Un isolement forcé pour la première porteuse saine identifiée
À partir de ce moment, la vie de Mary Mallon a changé du tout au tout puisqu’il a été décidé qu’elle serait désormais isolée du reste du monde, ce qu’elle ne pouvait comprendre. Dans son esprit, elle était en parfaite santé. Par ailleurs, les médecins lui avaient proposé de lui enlever la vésicule biliaire afin d’arrêter la bactérie, mais Mary a fermement rejeté cette solution. C’est ainsi que le calvaire de la quarantaine a commencé, et cela a duré jusqu’en 1910 quand elle a déposé une plainte contre la ville de New York.
Face à cette plainte, l’hôpital a été contraint de relâcher Mary et celle-ci est retournée travailler comme cuisinière auprès de nombreux hôtels, restaurants et autres établissements professionnels. Durant cinq ans, Mary a ainsi continué à infecter un grand nombre de personnes. En 1915, Mary Mallon a déclenché une flambée de fièvre typhoïde au Sloane Maternity Hospital de Manhattan. Vingt-cinq travailleurs ont été infectés, dont deux sont décédés. Les responsables de l’hôpital ont rapidement constaté que Mary était à l’origine de l’épidémie, et le personnel à la surnommer Mary Typhoïde.
Il est à savoir que les responsables ignoraient qu’il s’agissait de Mary Mallon étant donné que celle-ci avait changé de nom pour devenir Mary Brown. Suite à cette épidémie, les autorités new-yorkaises ont de nouveau procédé à l’arrestation de Mary. Après sa capture, Mallon a de nouveau été confinée sur North Brother Island. Après cela, Mary Mallon n’a plus jamais été libérée et elle est ainsi restée confinée durant 23 ans, jusqu’à sa mort en 1938 à l’âge de 63 ans. Par ailleurs, son décès n’avait pas de lien avec la fièvre typhoïde puisqu’elle a succombé à un AVC.
En ce qui concerne George Soper, il a publié le résultat de ses recherches sur Mary Mallon dans la revue Journal of the American Medical Association. Les recherches initiales de l’inspecteur sanitaire ont servi de base à de nombreuses recherches médicales, mais aussi à des recherches historiques, sur celle qu’on appelle « le patient zéro » ou Mary Typhoïde. Ainsi, le triste héritage de Mary Mallon a permis de réaliser de nombreuses avancées dans la recherche concernant les porteurs sains. Elle a également inspiré de nombreuses histoires et légendes à cause de son statut de pestiférée et son histoire atypique. Par exemple, une légende urbaine raconte que le fantôme de Mary Typhoïde hante toujours l’île de North Brother, et un méchant de Marvel – nommé Typhoid Mary – est même inspiré de la cuisinière irlandaise.
Par Gabrielle Andriamanjatoson, le
Source: France culture
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