Charles Darwin, le célèbre naturaliste, a épousé sa cousine Emma Wedgwood le 29 janvier 1839. Mais avant de se décider, il avait dressé une liste des avantages et des inconvénients du mariage, ainsi que de son impact sur sa carrière scientifique. Cette liste, qui révèle les hésitations et les aspirations de Darwin, est consultable en ligne sur le site Darwin Correspondence Project.
Le mariage ou la science ?
Darwin avait 29 ans lorsqu’il a demandé Emma en mariage, le 11 novembre 1838. Il a noté dans son journal : « C’est le jour des jours ! » Mais quelques mois plus tôt, il avait griffonné au dos d’une lettre d’un ami une liste des pour et des contre du mariage. Il s’interrogeait sur les conséquences d’une telle union sur son travail de naturaliste et sur son désir de voyager.
Il a commencé par écrire : « Je pourrais voyager si je ne me mariais pas. L’Europe, peut-être ? L’Amérique ? Le Mexique dépend de ma santé, de ma vitalité et de ma progression en tant que biologiste si je voyage, ce qui doit être le cas aux États-Unis. » Puis il a envisagé deux scénarios possibles s’il ne partait pas en voyage : se concentrer sur ses recherches scientifiques ou résider dans une maison modeste à Londres. Il a énuméré les avantages et les inconvénients de chaque option, en pesant les aspects financiers, sociaux et intellectuels.
Le mariage ou la liberté ?
En juillet 1838, il a repris sa liste en se focalisant sur le mariage. Il a écrit : « Se marier ou non ? » et a dressé deux colonnes : « Mariage » et « Pas de mariage ». Parmi les arguments en faveur du mariage, il a cité :
- la compagnie constante,
- les charmes de la musique et des conversations féminines,
- les enfants à chérir et à éduquer.
Parmi les arguments contre le mariage, il a mentionné :
- la perte de liberté,
- la limitation des ressources,
- l’anxiété et les dépenses liées aux enfants,
- la perte de temps,
- la difficulté à lire le soir.
Il a aussi imaginé la vie conjugale dans une vieille maison londonienne enfumée, avec une femme douce qui se détend sur un canapé avec un feu de cheminée. Il a comparé cette scène à la réalité de la rue Great Marlborough, où il vivait à l’époque. Il a exprimé sa crainte que sa femme n’apprécie pas Londres et qu’il soit alors exilé et réduit à l’état d’imbécile complaisant.
Le mariage ou le bonheur ?
Finalement, Darwin a conclu que le mariage était nécessaire et que cela avait été établi. Il a ajouté qu’il valait mieux se marier tôt que tard, car la personnalité est plus souple, les sentiments sont plus vifs et si l’on ne se marie pas tôt, on passe à côté de beaucoup de plaisir pur.
Mais il a aussi reconnu les difficultés pratiques d’un mariage imminent : il faudrait décorer et acheter une maison, s’intégrer dans une nouvelle famille, recevoir des visites matinales gênantes et perdre du temps quotidiennement. Il a terminé sa liste par ces mots : « Si seulement la femme restait diligente et était un ange…«
Cette liste montre que Darwin était partagé entre son amour pour Emma et sa passion pour la science. Il illustre aussi la tension culturelle entre la famille et la carrière, l’amour et le travail, le cœur et l’esprit. Mais contrairement à l’idée reçue selon laquelle ces deux domaines sont incompatibles, Darwin a réussi à concilier les deux. Il a mené une vie heureuse avec Emma et leurs dix enfants, tout en poursuivant ses recherches révolutionnaires sur l’évolution des espèces.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Source: ZME Science