Si vous êtes habitué aux shonen où les personnages passent leur temps à se battre, Planètes va vous dépayser ! Car dans le genre du seinen, auquel ce manga appartient, les personnages sont souvent plus humains, les histoires plus matures et l’ambiance plus réaliste. Planètes aborde des thèmes sérieux dans un décor de science-fiction absolument captivant !
A l’origine du manga, Makoto Yukimura, né en 1976 et devenu mangaka professionnel en 2000 avec l’oeuvre en question : Planètes. D’abord prépublié dans le Kodansha Weekly Morning, le manga ne tarde pas à avoir droit à son adaptation par le studio Sunrise. Planètes est un grand succès critique, ce qui lui permet de proposer sa deuxième série de manga au Weekly Shonen Magazine dès 2005 qu’il nomme Vinland Saga et qui mélange l’histoire nordique des Vikings au style particulier du manga. Mais revenons-en à Planètes, un seinen de science-fiction à propos… d’éboueurs de l’espace !
Et pourtant, le manga va mettre votre cerveau en ébullition grâce aux dialogues et mises en scène fascinantes autour de thématiques matures et intelligemment traitées. On suit donc l’activité d’une unité de la Technora Corporation, chargée de nettoyer l’orbite terrestre de tous les débris laissés par les nombreux vaisseaux et satellites lancés depuis la planète alors que la conquête spatiale connaît un nouvel âge d’or et que de plus en plus de missions sont programmées. Il est devenu essentiel de dégager ces débris pour éviter des collisions entre les satellites et les stations orbitant autour de la Terre et de la Lune.
Les astronautes éboueurs se chargent de cette mission principalement en récoltant les composants réutilisables ou précieux à bord des débris et en renvoyant le reste dans l’atmosphère terrestre afin de les incinérer. Un peu comme dans l’histoire de la chanson Rocket Man, pour eux, c’est simplement un job comme les autres, qui leur permet cependant de vivre dans l’espace, qui est le vrai thème central du manga. Leur vie professionnelle n’est que le cadre, mais le héros a bien sûr des ambitions plus grandes, notamment avoir son propre vaisseau et participer à de vraies missions d’exploration.
Sur Terre, les choses ne font qu’empirer. Du moins, c’est ce que promulgue l’organisation dite terroriste Space Defense Front qui considère comme une folie de gâcher des ressources précieuses pour promouvoir l’exploration spatiale alors que des milliers de gens meurent de la famine tous les jours à la surface. À l’opposé, une mission d’exploration de grande envergure se prépare, objectif : Jupiter. Le héros Hachimaki ajoute cela à sa liste de rêves. Quoi qu’il en coûte, il rejoindra cette expédition et quittera son job monotone.
Il ne manque pas de motivation, mais avec les difficultés de vivre au quotidien avec un travail qui ne lui fait presque rien gagner, les temps sont parfois durs. De nature extravertie, il met de l’énergie partout où il va, à part lorsqu’il s’agit de vraiment s’ouvrir émotionnellement. Dans tous les cas, son excitation naturelle contraste avec le silence et le vide spatial. Ai est la deuxième protagoniste, la fille d’un chanteur de death metal au cerveau brillant, mais à la timidité paralysante. Elle apprend peu à peu à faire confiance au reste de l’équipe et reste une romantique dans l’âme, convaincue que l’amour peut résoudre tous les problèmes.
Fee Carmichael est le pilote du groupe et du vaisseau Toy Box qui récupère les débris et transporte l’équipage. Encore plus extravertie qu’Hachimaki, Fee est une grande fumeuse, ce qui est problématique dans l’environnement spatial puisque presque toutes les zones sont interdites aux fumeurs. Du coup, Fee est irritable la moitié du temps et violente l’autre moitié ! Pour compléter le groupe, on fait la connaissance de Yuri, un homme russe stoïque dont le pragmatisme permet à l’équipe de garder les pieds sur Terre alors que lui tente toujours de faire le deuil de sa femme en tentant de retrouver un objet lui appartenant qui serait perdu dans les débris de l’espace.
À ce casting principal s’ajoutent bien entendu des personnages d’autres équipages, des institutions et des explorateurs. La diversité des personnages permet vraiment à Makoto Yukimura d’explorer plusieurs facettes de la psychologie humaine et d’avoir une réflexion sur l’effet qu’a la vie dans l’espace sur l’homme. Le focus ne reste pas ciblé sur le psychologique durant l’intégralité de l’oeuvre, mais analyse aussi les conditions géopolitiques terrestres et la notion de dépendance entre les organismes et la nature. Dans tous les cas, on retrouve cette lutte entre ceux qui veulent promouvoir l’expansion de l’humanité vers les étoiles et ceux qui veulent principalement améliorer la situation sur Terre.
Dans les deux cas, les arguments sont assez convaincants. Mais dans les deux camps, il faut faire la différence entre ceux qui sont réellement là pour provoquer un changement positif et ceux qui sont là par ambition. Car même si les personnages principaux rêvent d’exploration spatiale pour la beauté de l’aventure, la motivation première des entreprises qui financent ces projets est bien entendu la possibilité d’en extraire une richesse sans limites avec des matériaux rares qui pourraient être rachetés à des prix incroyables sur Terre.
Ce qui reste le plus touchant dans Planètes, c’est cette façon qu’a Yukimura de présenter l’humanité comme un tout qui ne pourra réellement avancer qu’une fois unifié. La division, dans toutes les strates de la société, est le premier obstacle à l’émancipation de la race humaine. Le tout est rendu très cohérent grâce à l’aspect technique de certains passages. Même si le mangaka explique qu’au début de la création du manga, il ne voulait vérifier aucun détail scientifique de peur de se restreindre artistiquement. Si telle chose n’est pas faisable dans la réalité, il serait moins enclin à la dessiner.
Cela étant dit, les concepts de base d’astrodynamique sont respectés et sont parfaitement mis en valeur dans l’adaptation de la Sunrise en anime, qui synthétise l’histoire en 26 épisodes tout en présentant de nouveaux personnages et de nouvelles intrigues tout aussi intéressantes que les 4 volumes qui composent le manga. Chaque média traite de la même chose tout en mettant l’accent sur des traits différents, rendant le visionnage de l’anime complémentaire à la lecture du manga, sans essayer d’en faire quelque chose d’autre. Planètes fut un succès critique immédiat et vu comme l’un des meilleurs mangas de science-fiction de l’histoire.
Si vous aimez la science-fiction, foncez. Si vous aimez les histoires matures, foncez. Planètes est un seinen de haute volée, qui a l’avantage de ne pas perdre son temps puisque Yukimura complète l’aventure en seulement quatre volumes d’un niveau qualitatif exceptionnel. De l’exploration spatiale, de l’émotion, de la réflexion, tout y est pour rendre l’oeuvre captivante à chaque chapitre. Avez-vous déjà lu le manga ou vu l’anime de Planètes ?
Par Florent, le