Chez de nombreux animaux qui vivent en meutes de plusieurs congénères, on a tendance à penser que c’est le mâle, ou la femelle, alpha qui prend les décisions unilatéralement. C’est comme cela que l’on résume parfois les relations sociales chez les loups, par exemple. Mais chez une autre espèce de canidés, les lycaons africains, la prise de décision se fait par vote… En éternuant !
Les lycaons, ces petits canidés africains
La démocratie n’est pas exclusive aux êtres humains ! D’autres animaux utilisent un système de vote similaire à ce que nous connaissons pour prendre des décisions en assemblée. C’est le cas par exemple du lycaon (Lycaon pictus), une espèce de canidés vivant exclusivement en Afrique subsaharienne.
Une étude récente vient de mettre en lumière la façon dont ces cousins du loup organisent leurs votes : en éternuant. Cette recherche a été initiée par le docteur Neil Jordan de l’Université de Nouvelle-Galles du Sud (UNSW) en Australie.
Ce chercheur au Centre pour la science des écosystèmes a longtemps étudié les rassemblements des lycaons. Une sorte de grande assemblée lors de laquelle les canidés, après s’être reposés, tiennent une cérémonie de cris juste avant de se mettre en route pour chasser.
Lors de ses observations, Neil Jordan a alors remarqué que, juste avant ces rassemblements, les lycaons se mettaient à éternuer beaucoup plus qu’en temps normal. « Je souhaitais mieux comprendre ce comportement collectif et j’ai vu que les lycaons éternuaient pendant qu’ils se préparaient à partir. Nous avons enregistré en détail près de 68 rassemblements sociaux formés par cinq meutes de lycaons différentes vivant dans le delta du Okavango, au Botswana. J’ai eu du mal à y croire lorsque nos analyses ont confirmé nos suspicions » .
Le vote par éternuement
Pendant un temps, les chercheurs avaient lié ces éternuements fréquents à un besoin de nettoyer les voies respiratoires. Mais la fréquence à laquelle ces canidés éternuaient ne collait pas avec cette hypothèse : « Plus il y avait d’éternuements, plus il y avait de chances que la meute se mette en mouvement et commence à chasser. Le fait d’éternuer tient le rôle d’un système de vote« .
Les résultats des scientifiques ont également montré que si l’on pouvait comparer ce système à un vote démocratique, la hiérarchie au sein de la meute joue également un rôle. En effet, l’étude a montré que si le lycaon dominant éternuait, seuls quelques éternuements supplémentaires étaient nécessaires pour clore la séance de votes. À l’inverse, si l’animal dominant n’éternue pas, alors le rassemblement n’aurait lieu qu’après une dizaine d’éternuements supplémentaires, au minimum.
Par conséquent, les chercheurs ont compris que l’opinion et le vote du lycaon dominant pouvaient également être rejetés si suffisamment d’autres congénères s’exprimaient contre. » Les éternuements jouent un peu le rôle d’un quorum, et il faut que ceux-ci atteignent un nombre minimum avant que la meute ne change d’activité « , explique Andrew King, de l’université de Swansea, qui a participé à l’étude.
Un comportement déjà observé dans le monde animal
Ces actes d’éternuement volontaires peuvent d’ailleurs être mis en parallèle avec le comportement d’autres canidés qui utilisent des signaux sonores pour alerter d’un danger, comme les chiens de prairie par exemple. L’étude note tout de même que la différence entre ces comportements est que les lycaons paraissent relaxés et sereins et que les autres spécimens ne sont pas surpris ou inquiétés par les éternuements de leurs congénères.
De même, le principe du quorum, lors duquel un nombre minimum de votes est requis pour venir à une décision, a également été observé chez d’autres espèces : suricates, abeilles, gorilles des montagnes ou encore des sapajous capucins.
En revanche, l’étude a tout de même précisé qu’il n’y avait pour le moment pas de confirmation quant à savoir si ces éternuements servaient réellement de mécanique de vote ou bien d’une confirmation sonore d’une décision qui aurait été prise par un moyen encore inconnu.
» D’un point de vue physiologique, l’expiration rapide pourrait préparer la meute à chasser en nettoyant les cavités nasales afin de rendre l’odorat plus efficace et de faciliter la respiration pendant la course. Mais cela n’écarte pas la possibilité que l’éternuement soit également une mécanique de vote. De nouvelles données seront requises pour confirmer la causalité « , conclut la publication.
Par Corentin Vilsalmon, le
Source: ScienceAlert
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