Un minuscule point rouge, perdu dans les profondeurs du cosmos, vient peut-être de bouleverser notre compréhension de l’Univers primordial. Derrière cette tâche lumineuse, le télescope James-Webb a révélé un trou noir supermassif beaucoup trop gros, beaucoup trop tôt. Et les astrophysiciens sont en ébullition.

Une galaxie naine et lointaine cache un trou noir supermassif en pleine frénésie de croissance
CANUCS-LRD-z8.6. Ce nom étrange désigne une galaxie lointaine, captée par le regard perçant du télescope spatial James-Webb. Située à plus de 13 milliards d’années-lumière, elle date d’à peine 570 millions d’années après le Big Bang. Autrement dit, une époque où l’Univers apprenait tout juste à briller.
Et pourtant, surprise : au cœur de cette petite galaxie, un trou noir supermassif est à l’œuvre. Non seulement il ne se contente pas de siroter quelques étoiles, mais il dévore, il grandit. Trop vite. Trop tôt. C’est justement ce que révèlent les chercheurs de l’université de Ljubljana et de l’Observatoire de Rome. Grâce au spectre lumineux de la galaxie, observé avec l’instrument NIRSpec de Webb, ils ont détecté un gaz intensément ionisé, indice classique d’un monstre cosmique en pleine croissance.
Ce qui étonne surtout, c’est le rapport disproportionné entre la taille de la galaxie et la masse du trou noir. D’habitude, les deux évoluent ensemble. Mais ici, c’est comme si une puce abritait un éléphant. En somme, un paradoxe.
Un trou noir trop gros, trop tôt, qui remet en cause nos modèles cosmologiques
Depuis des décennies, les astrophysiciens pensaient comprendre comment naissent les galaxies et leurs trous noirs centraux. Selon les modèles actuels, ils grandissent lentement, ensemble, au fil des milliards d’années. CANUCS-LRD-z8.6 vient pourtant ébranler ce scénario bien rodé.
En effet, son trou noir est trop massif pour l’époque. De plus, la galaxie, encore compacte et peu enrichie en éléments lourds, semble bien jeune. Dès lors, une question se pose : comment un tel objet a-t-il pu apparaître si tôt ? Quelle graine initiale aurait pu donner naissance à un trou noir de cette ampleur ? Ces interrogations brûlent les lèvres des chercheurs.
Roberta Tripodi, autrice principale de l’étude parue dans Nature Communications, le dit clairement : « Cette découverte remet en cause nos théories sur l’évolution précoce des galaxies et des trous noirs. » Par ailleurs, Maruša Bradač, responsable de l’équipe slovène, espère déjà identifier d’autres galaxies similaires. Cela permettrait de mieux comprendre cette énigme cosmique.
Le télescope James-Webb révèle des monstres cosmiques là où on ne les attendait pas
Webb’s #NIRSpec was used to analyse the galaxy’s spectrum and estimate the mass of the accreting supermassive black hole at its centre. It’s big – unusually big for a galaxy of CANUCS-LRD-z8.6’s size. 2/3 pic.twitter.com/slbDfihAU8
— ESA Webb Telescope (@ESA_Webb) November 19, 2025
Lancé pour explorer les premiers instants de l’Univers, le télescope James-Webb ne cesse de surprendre. Grâce à son œil infrarouge ultra-puissant, il capte des objets jamais vus, dans des périodes où l’on ne s’attendait pas à de telles structures. Les « petits points rouges » repérés sur ses clichés intriguent donc les chercheurs depuis des mois. Certains pourraient être des étoiles-trous noirs, tandis que d’autres, comme CANUCS-LRD-z8.6, abritent des trous noirs supermassifs affamés.
Heureusement, de nouvelles observations sont déjà prévues. L’Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (ALMA) au Chili, allié au JWST, va continuer d’éplucher cette galaxie étonnante. L’objectif ? Percer les secrets du gaz froid et des poussières, mieux cerner la masse exacte du trou noir, et peut-être, réécrire une page entière de notre Histoire cosmique.
Par Eric Rafidiarimanana, le