Rhinocéros, tigres, éléphants… Tous ces grands animaux sauvages ont un point commun : ils sont chassés pour leurs cornes, leurs défenses ou leurs griffes et de ce fait, sont en danger d’extinction. De plus en plus, il semble que celui que l’on nomme le roi des animaux, le lion, soit aussi victime du braconnage. Zoom sur un phénomène alarmant.
Les lions victimes du braconnage en Afrique
Et si la fameuse chanson du groupe Pow-Wow « Le lion est mort ce soir » s’avérait prophétique ? Au vu des récents massacres du félin en Afrique, nous sommes en droit de nous poser la question. Longtemps respecté et considéré comme le roi du monde animal et de la savane, le lion est aujourd’hui chassé par les braconniers pour ses dents et ses griffes. Récemment, Marius Steyl (responsable des opérations sur le renforcement des lois au parc National Limpopo au Mozambique) a découvert les cadavres de quatre jeunes lions décapités et dépouillés de leurs griffes. « Ce n’est pas un beau spectacle à voir », affirme ce dernier.
Ils ont été de fait empoisonnés en mangeant un veau (contaminé par des braconniers). « C’est le roi de la jungle et maintenant il est juste éliminé par les humains », ajoute Steyl dépité. Selon ce responsable du parc, les responsables sont deux hommes qui ont voulu punir les lions pour avoir attaqué leurs troupeaux. Plus généralement, ces grands félins africains sont de plus en plus en danger à cause des braconniers : ces derniers vendent les dents et les griffes sur le marché asiatique. Ces derniers sont friands de ce genre d’ornements et surtout essaient de compenser la disparition progressive des tigres d’Asie, eux aussi victimes de braconnage. Ainsi, d’après des groupes de conservation des félins en Afrique, le nombre de lions massacrés et mutilés est en constante augmentation.
Des dents et griffes de lions vendues sur le marché asiatique
L’ironie de tout cela est que les vendeurs du marché asiatique s’arrangent souvent pour faire passer des dents de lions pour des dents de tigre (plus vendeurs sur leur continent) : on peut ainsi trouver sur les étals de Chine ou d’ailleurs des amulettes et des pendentifs… D’après Kristin Nowell, directrice du Cat Action Treasury (un organisme américain visant à la conservation des grands félins du monde), « il y a une conscience grandissante du nombre important de lions par rapport aux tigres ». La directrice a par ailleurs dressé une liste « rouge » pour les félins en danger avec l’International Union for Conservation of Nature (IUCN) où le lion a été qualifié de « vulnérable ». « Nous sommes assez inquiets pour les lions d’Afrique« , assène la dirigeante.
Depuis 1993 à travers le continent africain, la population de lions a baissé de 43 % et étaient à peine plus de 20 000 en 2014. Les facteurs de ce déclin sont multiples : une perte de leur habitat, la baisse du nombre de leurs proies dans la savane, ce qui amène les lions à se rapprocher dangereusement des humains et de leurs lieux de vie. Les lions finissent par s’attaquer au bétail et sont ensuite victimes de la vengeance des éleveurs. À tout cela s’ajoute donc le problème du braconnage et du trafic de leurs griffes et crocs. Les acheteurs asiatiques profitent à la fois du nombre de lions en captivité en Afrique du Sud (commerce légal) et du massacre de lions sauvages, qui servent de substituts aux tigres. Il s’agit de fait d’un marché immense et difficile à appréhender.
Un marché juteux et multiple
En 2016 déjà, l’IUCN faisait part de son inquiétude quant au trafic de dents et de griffes de lions, s’intégrant petit à petit dans le marché asiatique (où on retrouvait les éléphants pour leurs défenses en ivoire et les rhinocéros pour leurs cornes)… Leur crainte s’est avéré fondée, puisque nous sommes en plein dedans. En juin 2017 au Mozambique, un Chinois a été arrêté à l’aéroport international de Maputo en possession de dents et de griffes de lions, ainsi que d’objets faits en ivoire. En août dernier, une prise record d’objets en ivoire a été faite au Sénégal et on y a trouvé des dents de lions. Pareil en Afrique du Sud où l’on a découvert un paquet contenant 19 dents, 51 griffes ainsi qu’une corne de rhinocéros.
Selon Nowell, tout cela n’a rien de surprenant. L’augmentation du nombre de lions braconnés coïncide avec la recrudescence de braconnage des autres animaux d’Afrique, visés par le marché asiatique. Comme l’ivoire, les dents et les griffes de lion ont une grande valeur pour tous les membres du trafic : du villageois qui braconne pour arrondir ses fins de mois aux vendeurs asiatiques en passant par les intermédiaires. D’après Peter Leitner, un officier du parc National Limpopo, « si vous êtes dans le trafic d’ivoire, de cornes ou de dents, ce sont les mêmes marchés et tous les rouages de ce trafic sont au courant ». Ce dernier ajoute désabusé qu’il s’agit « d’un moyen de se faire de l’argent, donc il y a plus de produits et ce sont les mêmes personnes qui sont exploitées ».
Le braconnage difficile à endiguer
Bien sûr, les différents parcs nationaux comme celui de Limpopo tentent de réagir face à la disparition de nombreux lions. Mais selon Marius Steyl, c’est assez compliqué. « La plus grande menace, ce sont les criminels qui traquent les proies du lion et les empoisonnent, pour qu’ensuite le félin soit touché ». Avec plus d’un million d’hectares de surface, il est assez difficile de savoir exactement tout ce qui se passe dans le parc et de prédire où les braconniers vont attaquer. Néanmoins, le parc a engagé une quarantaine de nouveaux membres, entraînés à débusquer les braconniers et les chasseurs, et portant une arme dissuasive avec eux. Une équipe « anti-braconnage » a été mise en place. Les groupes de lions sont pistés et les traces de braconniers scrutées, afin de protéger les animaux. Même le matériel est renouvelé, avec un hélicoptère et des véhicules, et des informateurs sont payés pour prévenir en cas d’alerte.
S’ils font beaucoup d’efforts, ces organismes ont bien du mal à endiguer une pratique toujours plus redoutable et organisée. En plus des marchés locaux en Asie, le web s’en est mêlé et on peut trouver sur des sites tels que Taobao (équivalent d’Alibaba en Chine) des pendentifs en dents de lion, vendus à 126 $ pièce. L’Asie aujourd’hui fait figure d’eldorado du trafic d’animaux sauvages et une chose est sûre : la demande est toujours aussi forte. Aujourd’hui, le roi des animaux n’a jamais été autant en danger. Les conservateurs font le forcing pour que des mesures soient prises pour endiguer le trafic illégal et pour que le marché légal soit interdit. Kristin Nowell le confirme, « les lions sont en danger et il y a une crainte que ce marché grimpe et devienne inarrêtable, comme pour les tigres ».
S’il a longtemps paru intouchable et synonyme de majestueux, le lion de la savane africaine est aujourd’hui en danger, comme nombre d’espèces sauvages. On peut se demander à quel moment l’homme prendre conscience qu’il est lui-même responsable de la disparition des animaux qu’il admire tant et de la dégradation de sa planète. Une question qui pour l’heure reste sans réponse…
Par Thomas Le Moing, le
Source: National Geographic
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