À l’instar de la décoration du sapin, de la préparation du repas et de la découverte des cadeaux, la lettre au père Noël fait partie des traditions incontournables des fêtes de fin d’année. Peu importe votre âge, vous vous êtes certainement déjà appliqué à rédiger une jolie lettre avant de l’envoyer au gros monsieur en rouge, espérant secrètement une réponse de sa part. Si comme nous, vous avez cessé de participer au folklore et doutez de l’existence du Père Noël, vous vous êtes sûrement déjà demandé où vont aller toutes ces lettres qui lui étaient adressées ? Pour y répondre, revenons sur l’histoire de ces missives de fin d’année.

 

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L’envoi de lettre au Père Noël n’a rien de nouveau : popularisée en France avec l’arrivée du vieux monsieur à la barbe blanche dans la seconde moitié du XXe siècle, la coutume s’est installée rapidement dans tous les foyers du pays. L’écriture du courrier se fait méticuleusement dans l’optique de vanter ses bonnes actions, de dévoiler ses souhaits et, éventuellement, d’obtenir une réponse. C’est aux États-Unis que les plus jeunes ont, pour la première fois, eu une réponse « officielle » de Santa Claus : en 1912, le Maître général des postes américain décide d’autoriser ses employés à répondre aux enfants et à remplacer le Père Noël dans cette importante tâche. En peu de temps, c’est toute une organisation qui se met en place sous le nom de code « Opération Santa » pour répondre au mieux et au plus vite aux petites têtes blondes.

 

Le Père Noël pose problème

Les enfants français ont dû attendre un peu plus longtemps pour recevoir la missive du personnage : pour comprendre l’importance d’une telle lettre, il nous faut revenir sur son histoire, intimement liée à celle des PTT (Postes Télégraphes et Téléphones) et aux fameuses réponses du Père Noël. De nombreuses recherches ont été effectuées sur le sujet dont une étude présentée lors d’une conférence à l’Université de Poitiers. C’est après la Seconde Guerre mondiale que de nombreuses lettres destinées au célèbre bonhomme nordique ont fait une entrée remarquée dans les bureaux de postes français.

Venus de métropole, de Dakar, de Guinée ou encore de Madagascar, ces courriers n’étaient pas affranchis et indiquaient des adresses toutes plus fantaisistes les unes que les autres : « Rue des nuage », « Rue du Pôle Nord », « 1 Rue du Ciel étoilé », « Avenue des Rennes »… Bien évidemment, sans timbre ou adresse réelle, ces lettres ne pouvaient pas être acheminées et, en trop grand nombre, devenaient un véritable problème pour les employés de l’administration en charge des postes. En effet, ouvrir un courier à la place de son destinataire est une violation du secret de la correspondance et une telle action est réprimée par le code pénal et par les règles appliquées par les PTT. Une telle lettre doit obligatoirement être redirigée vers le dépôt central des rebuts situé dans l’Hotel Central de Paris, en place depuis 1771.

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Le père Noël est hors-la-loi

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La question des lettres au père Noël aurait pu rester négligeable si le nombre de courriers n’était pas devenu de plus en plus important avec les années. En 1959, la revue éditée par le ministère des PTT annonce dans son bulletin que près de 4 000 lettres au Père Noël ont été reçues, donnant une place toute particulière à ces courriers. Si les bureaux parisiens sont préoccupés par cette nouvelle tendance, ceux du reste de la France le sont tout autant et certains postiers, attristés par le sort réservé à ces correspondances, prennent les devants en répondant aux enfants de leurs régions.

En rédigeant ces lettres, les employés violaient la loi et les règles de l’administration au risque de perdre leur travail : c’est la raison pour laquelle ils préféraient rester dans l’anonymat. L’une d’entre eux, Magdeleine Homo, avait depuis longtemps décidé d’agir seule en répondant systématiquement, discrètement et soigneusement aux lettres rédigées par les enfants de son village. Devant l’importance du travail, elle finira par demander de l’aide et l’autorisation de ses supérieurs pour continuer l’envoi des réponses sous le nom du père Noël. L’histoire raconte que c’est le ministre lui-même qui lui donna sa bénédiction.

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Un secrétariat pour le père Noël

Durant les quatre années suivant l’approbation du gouvernement, elle remplira sa tâche : elle recevra l’aide des maîtres d’école et des parents de son village dans la personnalisation des réponses avant de d’intégrer le centre de rebuts de la PTT en 1962. Dorénavant, ce dernier serait le seul habilité et autorisé à remplir cette mission et à répondre aux enfants. Magdeleine Homo décèdera l’année suivante sans avoir pu assister à la mise en place complète du nouveau système de réponse mais certainement après avoir fait rêvé des centaines d’enfants. Cinq ans après son installation à Paris, le service du Père Noël est envoyé à Libourne, en Gironde : le maire de la commune et ami Jacques Marette ( Ministre des PTT) travaillait jusque là au déménagement des services de rebuts de la poste vers sa ville. Une fois le changement effectué, le « secrétariat » n’a pas eu d’autre choix que de suivre le mouvement, utilisant la force de travail des employés des PTT pour répondre aux lettres reçues. Il faudra attendre 1969 pour que la première secrétaire « officielle » du Père Noël soit engagée et 1970 pour que la branche du dépôt central des rebuts dédié aux lettres de Noël devienne officiellement le Secrétariat du père Noël.

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La toute première carte-réponse du secrétariat fut illustrée par René Chag et rédigée par la psychanalyste Françoise Dolto (sœur du ministre Marette). On pouvait y lire le texte suivant : « Mon enfant chéri, ta gentille lettre m’a fait beaucoup de plaisir. Je t’envoie mon portrait. Tu vois que le facteur m’a trouvé, il est très malin. J’ai reçu beaucoup de commandes. Je ne sais pas si je pourrai t’apporter ce que tu m’as demandé. J’essaierai, mais je suis très vieux et quelquefois je me trompe. Il faut me pardonner. Sois sage, travaille bien. Je t’embrasse fort. Le Père Noël. »

Aujourd’hui, de nombreux lieux sont dédiés à la reception, la lecture et la rédaction de réponses à ces lettres dans le monde, et certains bureaux vont plus loin en envoyant des cadeaux aux enfants dans le besoin. Pour réaliser un tel travail, les employés des bureaux de poste sont aidés de bénévoles et différentes entreprises réalisent des opérations similaires : L’USPS (United States Postal Service) promet une réponse du père Noël tout droit venue du pôle Nord, avec un tampon « officiel ». On retrouve la même chose auprès de la Royal Mail (Royaume Uni), du Canada Post (qui a créé un code postal spécial : H0H H0H), ou encore du Brésil. Sachez qu’en France, le traitement de la lettre est gratuit et qu’il faut simplement prendre soin de noter son adresse au dos de l’enveloppe envoyée pour recevoir une réponse signée du monsieur à la barbe blanche.

En 2015, 1.7 millions de missives ont été recueillies en France et le service de la poste, ainsi que ses employés, se préparent chaque année à la reception de ces courriers. Ces lettres sont choyées : certaines sont exposées et le Musée de la Poste organise des ateliers pour accompagner les plus jeunes dans l’écriture du courrier. Il s’agit d’une manière de perpétuer la magie de Noël et de faire rêver petits et grands. Plus qu’un simple courrier, la lettre au Père Noël est une véritable tradition qui a marqué l’histoire de France et de ses services postaux. Une tradition toujours ancrée dans notre XXIe siècle grâce à la bonté de quelques parents et postiers devenus Père Noël le temps des fêtes de fin d’année.

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