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Une lettre d’Emmanuel Macron remet en cause la séparation des pouvoirs et relance l’affaire Kohler

Il serait intervenu directement dans une procédure judiciaire individuelle pour "couvrir un mensonge d’État"

— Frederic Legrand – COMEO / Shutterstock.com

Il semblerait que le Président de la République soit intervenu directement dans une procédure judiciaire individuelle pour « couvrir un mensonge d’État« . En effet, Mediapart a révélé une note d’Emmanuel Macron transmise au parquet national financier par l’avocat d’Alexis Kohler, qui était alors sous le coup d’une enquête. L’Élysée déclare qu’il ne s’agit que d’un document factuel, signé par Emmanuel Macron en tant qu’ancien employeur à Bercy. Mais la chronologie des évènements sème le trouble.

Une enquête pour « prise illégale d’intérêts », « trafic d’influence » et « corruption passive »

« Le président de la République est intervenu directement dans une procédure judiciaire individuelle. Une entrave à la justice visant à protéger son collaborateur le plus proche, Alexis Kohler, et à couvrir un mensonge d’État. » C’est avec ces mots forts que Mediapart a révélé un note perturbante d’Emmanuel Macron dans l’affaire Kohler.

Pour rappel, l’association Anticor avait reproché à Alexis Kohler, un haut-fonctionnaire du ministère de l’économie puis de l’Élysée, d’avoir caché ces liens avec le groupe et d’avoir siégé au sein des conseils d’administration des Chantiers de l’Atlantique et du Grand port maritime du Havre alors qu’il « ne pouvait ignorer qu’il existait un conflit d’intérêts ». En effet, le groupe italo-suisse MSC est l’un des plus importants armateurs de porte-conteneurs du monde et est dirigé par la famille Aponte, des cousins de la mère d’Alexis Kohler. Or MSC est le premier pourvoyeur de commandes des chantiers de Saint-Nazaire et a notamment participé à l’extension du port du Havre. Le problème est que des procès verbaux attestent qu’Alexis Kohler a voté en faveur d’une filiale de MSC dans ce dossier.

Anticor avait ensuite porté plainte avec constitution de partie civile le 4 décembre. Le secrétaire général de l’Élysée est alors sous le coup d’une enquête préliminaire du Parquet national financier pour conflit d’intérêts et prise illégale d’intérêts depuis juin 2018. Comme l’avait révélé Mediapart, Alexis Kohler n’avait pas rendu publics ses liens familiaux avec la famille Aponte.

Un premier rapport d’enquête accablant avait été rédigé par la police le 7 juin 2019. Cependant, un second rapport, disant exactement l’inverse, a été signé le 18 juillet 2019. Le parquet national financier décide de classer l’affaire sans suite, estimant que l’enquête « ne permet pas de caractériser les infractions initialement suspectées ». Une décision qui, selon Mediapart, serait due à « une lettre ‘magique’ de l’Elysée », venue « effacer » tous les soupçons du premier rapport. Car entre-temps, le 1er juillet, une attestation d’Emmanuel Macron a été déposée au Parquet national financier chargé de mener l’enquête.

Une note d’Emmanuel Macron qui pose problème

Mediapart a dévoilé une note, écrite par le Président de la République alors qu’il exerçait déjà ses fonctions, dans laquelle il affirme avoir été au courant des « liens familiaux avec les actionnaires de contrôle de MSC » d’Alexis Kohler ainsi que de sa volonté « de rejoindre cette entreprise quelques mois plus tard.« . Ce dernier lui aurait remis « un courrier demandant à ne jamais avoir à traiter des dossiers et questions concernant cette société. » Emmanuel Macron affirme donc qu’Alexis Kohler ne serait jamais intervenu, au moment où il était son directeur de cabinet à Bercy, dans des dossiers liés à MSC.

Cette note écrite par Emmanuel Macron a été versée au dossier dans l’enquête ouverte pour prise illégale d’intérêt le 1er juillet, soit quelques semaines avant l’abandon des poursuites. Or, cette chronologie interroge sur le lien direct entre la lettre du Président de la République et l’abandon des poursuites contre Alexis Kohler.

Pour l’Élysée, il ne s’agit que d’une « attestation d’employeur »

La porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, a fait savoir mercredi 24 juin qu’il ne s’agissait que « d’un exercice normal et légitime de ses droits de la défense. » « En aucun cas, le président de la République, qui est le garant de l’indépendance de la justice, n’intervient dans le cours d’une procédure judiciaire engagée », a-t-elle ajouté.

« L’avocat de M. Kohler a produit en juillet 2019, dans le cadre de l’enquête préliminaire en cours au Parquet national financier et dans l’exercice normal des droits de la défense de son client, des notes des différents supérieurs hiérarchiques auxquels l’intéressé, Alexis Kohler, avait indiqué la situation particulière dans laquelle il était vis-à-vis de MSC », a expliqué plus en détails Sibeth Ndiaye.

« C’est dans ce cadre […] qu’Emmanuel Macron a effectué une note factuelle portant sur l’exercice par Alexis Kohler de ses fonctions au sein du ministère de l’Économie », a ajouté la porte-parole en soulignant qu’il l’a fait « des qualités d’ancien ministre de l’Économie et donc supérieur hiérarchique d’Alexis Kohler qui était alors son directeur de cabinet ». « Ce courrier a été rédigé sur un document libre sans en-tête de la présidence de la République afin d’éviter toute confusion », a-t-elle précisé.

En plein débat sur la séparation des pouvoirs, les investigations autour de l’affaire Kohler vont être reprises par des juges d’instructions sur la demande d’Anticor, a annoncé ce mercredi l’AFP.

Par Maurine Briantais, le

Source: Mediapart

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