Aujourd’hui, on ne doute plus de l’intérêt de se laver les mains avant de se mettre à table, après être allé aux toilettes, après avoir effectué des besognes salissantes, etc. Grand et petit, nous savons qu’il est important de se laver les mains pour se maintenir propre, éviter les maladies et, d’une manière générale, avoir une bonne hygiène. Mais si, actuellement, se laver les mains nous semble un conseil tombé sous le sens, hors de tout propos, savez-vous que cela ne fut pas toujours le cas auparavant ?
Ignaz Semmelweis, obstétricien visionnaire en matière d’hygiène
Retournons au 19e siècle et, plus précisément, dans les années 1840. Nous sommes en Europe, loin avant les découvertes de Louis Pasteur et de Joseph Lister sur les microbes. A cette époque vivait un obstétricien hongrois du nom d’Ignaz Semmelweis. Ce dernier travaillait à l’hôpital général de Vienne. Justement, un étrange mal emportait les jeunes mamans venant d’accoucher. Cette maladie fut appelée fièvre puerpérale. Elle se manifestait par de la fièvre et aboutissait à la mort de la patiente, qui survenait quelque temps après l’accouchement. Intrigué, Ignaz Semmelweis entreprit de résoudre ce mystère. Il faut savoir que dans l’hôpital où exerçait Semmelweis, il y avait deux maternités distinctes : dans la première étaient formés les étudiants en médecine (masculins à l’époque) tandis que la seconde était réservée aux apprenties sages-femmes. Chose curieuse, le taux de mortalité chez les sages-femmes était nettement plus faible que chez les hommes médecins. Pour quelle raison ?
Pour élucider ce mystère, Ignaz Semmelweis étudia plusieurs hypothèses. Il alla chercher du côté de la posture de la femme, puis se demanda si la fièvre était due au fait que les femmes éprouvaient de l’embarras à être examinées par un homme et enfin, l’obstétricien songea même au fait que les prêtres venant au chevet des mourantes auraient pu avoir une incidence chez les femmes, leur faisant peur au point de provoquer leur mort. Toutefois, le médecin finit par écarter toutes ces hypothèses. C’est là que Semmelweis trouva l’explication à ce phénomène. Il se trouve que l’emploi du temps des médecins était divisé en deux : le matin, ils supervisaient le travail de leurs étudiants en les aidant à mener des autopsies de cadavres dans le cadre de leur formation médicale. Tandis que l’après-midi, ils se rendaient au service de maternité pour examiner les patientes et les faire accoucher. Or, les sages-femmes, elles, ne manipulaient aucun cadavre et se bornaient à leur activité d’accouchement.
Pour Semmelweis, les coupables était donc les cadavres ou plus précisément, les pathogènes de « matières organiques animales en décomposition », que l’on appellera plus tard les « microbes ». Ces pathogènes infectaient les femmes par le biais des médecins qui entraient en contact avec eux et finissaient par tuer les patientes.
Un simple lavage des mains aurait empêché une telle hécatombe
Après cette découverte, en 1847, Semmelweis impose un lavage des mains obligatoire aux étudiants et médecins qui travaillaient à l’hôpital général de Vienne. Pour ce fait, il utilisa une solution à base de chlorure de chaux au lieu d’un savon ordinaire. La raison est que cette solution enlevait complètement l’odeur de putréfaction sur les mains. Le taux de mortalité a chuté de manière vertigineuse après cette pratique.
Toutefois, en 1850, lors d’une conférence à l’Association des médecins de Vienne, Semmelweis vanta les mérites du lavage des mains devant un public de médecins. Malheureusement, à l’époque, cela allait à l’encontre des principes médicaux en vigueur et la communauté médicale critiqua la découverte de Semmelweis, doutant en plus de sa science et de sa logique.
D’après National Geographic, les historiens affirment que la théorie de Semmelweis avait été rejetée car elle sous-entendait que les médecins avaient été responsables de la mort des patientes. L’affaire se conclut par un retour à l’ancienne pratique sans lavage des mains.
La communauté médicale avait refusé de reconnaître les travaux de Semmelweis
Les années suivantes, Semmelweis quitta Vienne et alla s’installer à Pest, en Hongrie. Il travailla toujours dans un service obstétrique, mit en place la pratique du lavage de mains obligatoire et réussit à réduire le taux de mortalité, comme à Vienne. Toutefois, il ne fut pas reconnu pour son travail. Dans les années 1858 et 1860, le médecin écrivit des articles sur l’importance du lavage des mains et publia un livre mais, là encore, le corps médical fit fi de ses recommandations. Bien au contraire, les médecins dénoncèrent son livre et avancèrent d’autres théories pour expliquer la fièvre puerpérale. Quelques années plus tard, la santé de Semmelweis se dégrada. Certains dirent qu’il était atteint de syphilis, d’autres avancèrent qu’il avait la maladie d’Alzheimer. Il fut mis dans un hôpital psychiatrique et il décéda peu de temps après, selon National Geographic, des suites d’une septicémie causée par une plaie infectée à la main.
Deux ans après la mort de l’obstétricien, soit en 1867, le chirurgien écossais Joseph Lister avança également qu’il était nécessaire de désinfecter les mains et les instruments chirurgicaux pour éviter les maladies infectieuses. Bien qu’il eut aussi ses détracteurs, vers les années 1870, les médecins commencèrent à se laver régulièrement les mains avant de pratiquer une chirurgie.
Quelques années plus tard, le corps médical commença enfin à accorder du crédit aux travaux antérieurs de Semmelweis. D’ailleurs, ils inspirèrent Louis Pasteur pour la théorie microbienne. Non seulement, cela améliora la prise en charge des patients par les médecins mais en plus, cela mit en lumière les causes des maladies et leur propagation. Ce n’est que dans les années 1980, soit un siècle plus tard, que l’hygiène des mains fut officiellement intégrée dans le système de santé. En hommage à Ignaz Semmelweis, l’université de médecine de Budapest décida de porter le nom d’université de Semmelweis.
Malgré tout, avec la pandémie actuelle de coronavirus, les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies recommandent de se laver régulièrement les mains et de les frotter avec du savon et de l’eau pendant 3 minutes. Plus qu’une simple question d’hygiène, le lavage des mains peut ainsi sauver des vies, à commencer par la nôtre. Sachons nous en souvenir.
Par Arielle Lovasoa, le
Source: National Geographic
Étiquettes: coronavirus, lavage des mains, pratique controversée