Une invention futuriste, mais bien réelle : des chercheurs chinois veulent faire de l’ADN le support ultime pour stocker nos données. Et devinez quoi ? Ils l’ont déjà glissé dans… une cassette. Oui, une cassette !

Pourquoi les cassettes sont encore utilisées pour l’archivage massif de données
Quand on parle de cassette, on pense souvent à un objet rétro, coincé entre les années 80 et les souvenirs d’adolescence. Pourtant, dans l’ombre des data centers, la cassette n’a jamais cessé d’exister.
Pourquoi ? Parce qu’elle reste peu coûteuse, fiable et étonnamment durable. C’est un excellent support d’archivage, surtout quand il s’agit de stocker de gros volumes de données sans les consulter tous les jours.
Aujourd’hui, les chercheurs de la Southern University of Science and Technology (SUSTech) en Chine proposent une mise à jour radicale de ce support : remplacer la bande magnétique par… de l’ADN.
Et ce n’est pas une métaphore. En effet, ils ont littéralement encapsulé des molécules d’ADN synthétique dans une bande de plastique, protégée par une couche cristalline (de l’imidazolate zéolitique, pour les plus curieux).
Comment les chercheurs utilisent l’ADN pour encoder et préserver les données numériques
Il faut se souvenir que l’ADN est lui-même une formidable base de données biologique : tout le vivant y encode ses instructions à l’aide de quatre lettres (A, T, C, G). C’est pourquoi les chercheurs s’en inspirent pour y traduire du code informatique. Une image, un texte, une vidéo ? Il suffit alors de convertir les données binaires (0 et 1) en séquences d’ADN.
Ensuite, la bande plastique accueille ces séquences sous forme de molécules imprimées. Et pour protéger tout ça ? Une « armure » cristalline. Ce blindage pourrait ainsi permettre à l’ADN de conserver les données pendant des siècles. Pas des années. Des siècles.
Une cassette ADN peut stocker 36 pétaoctets : l’équivalent de 3 milliards de chansons
Voici le chiffre qui fait tourner la tête : 36 pétaoctets. C’est ce que pourrait contenir une seule cassette équipée d’une bande de 100 mètres d’ADN. Pour vous donner un ordre de grandeur, cela équivaut à 36 000 disques durs d’un téraoctet. Ou encore 3 milliards de chansons.
Certes, cette technologie est lente. Il faut une cinquantaine de minutes pour écrire ou lire des données. Mais ce n’est pas un bug, c’est une fonction : elle est pensée pour l’archivage, pas pour Netflix ou Spotify. Et quand on voit l’espace gagné (une vie entière de données sur une seule cassette), on comprend facilement l’intérêt.
Par ailleurs, les chercheurs ont imprimé des codes-barres sur la bande afin de créer des partitions physiques, facilitant la lecture séquencée des données. Grâce à cette approche, ils ont pu tester le système avec succès sur des images incomplètes, démontrant que le concept fonctionne, même à ce stade expérimental.
Pourquoi cette technologie ADN n’est pas encore prête pour une adoption massive
Restons lucides : pour l’instant, ce n’est qu’un prototype, avec un matériel coûteux, encombrant, et réservé aux labos. Donc, ne vous attendez pas à glisser une cassette ADN dans votre Walkman. D’ailleurs, même pour les data centers, ce n’est pas encore suffisant : certains stockent déjà des exaoctets, soit mille fois plus que cette cassette futuriste.
Néanmoins, ce genre d’innovation change la donne. Car dans un monde où les données explosent, où chaque clic, chaque photo, chaque message doit être stocké quelque part, il faudra des solutions radicales. Et si la réponse venait de notre propre code génétique ?
C’est peut-être la plus belle ironie de cette révolution technologique : alors que l’on cherche partout comment sauvegarder notre monde numérique, c’est l’ADN, le code de la vie, qui pourrait devenir le coffre-fort de notre mémoire collective.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Catégories: Technologie, Entreprises & Startups