Située au beau milieu de la baie de San Francisco, l’île d’Alcatraz, souvent surnommée « Le Rocher », était réputée pour abriter l’une des prisons fédérales les mieux gardées des États-Unis. Si cet aspect a été largement mis en avant dans divers films d’action (L’évadé d’Alcatraz, The Rock…) au fil des décennies, l’histoire de l’île reste cependant largement méconnue.
UNE ÎLE LÉGENDAIRE
Lorsque des pionniers découvrent de l’or près de San Francisco en 1848, la nouvelle se répand comme une trainée de poudre. Dès lors, la ville va se développer selon un rythme soutenu, passant de 800 habitants en 1848 à 25 000 fin 1849. En raison de sa position stratégique à l’entrée de la baie, le gouvernement fédéral voit rapidement en l’île d’Alcatraz l’endroit rêvé où installer une forteresse militaire.
Haut de 15 mètres et visible à près de 25 kilomètres de distance, le premier phare de la côté Pacifique est bâti au sommet de l’île d’Alcatraz entre 1852 et 1853. Opérationnel dès l’année suivante, celui-ci voit se succéder une valse quasi-ininterrompue de gardiens, en raison des terribles conditions de vie sur l’île. L’isolement et les fortes vagues qui balaient la baie finissent par avoir raison des plus téméraires.
UNE FORTERESSE POUVANT ACCUEILLIR 200 SOLDATS
Dans le même temps, l’armée bâtit sur l’île la première fortification permanente de la côté Pacifique. Les soldats font sauter son dôme rocheux à la dynamite afin de créer un plateau où 11 canons sont installés, et construisent une véritable forteresse capable d’accueillir 200 hommes en cas de siège prolongé. Les travaux s’achèvent en 1859, moins de deux ans avant le début de la Guerre de Sécession.
En mars 1863, l’Union apprend qu’un complot impliquant un navire pirate confédéré prêt à semer la terreur au nom du sud sécessionniste se trame à San Francisco. Mais le J.M Chapman n’aura jamais l’occasion de quitter la baie. Rapidement arrêtés, les corsaires sont conduits sur l’île d’Alcatraz, où ils seront détenus jusqu’à la fin de la guerre.
Suite à l’assassinat d’Abraham Lincoln le 15 avril 1865, 39 citoyens américains suspectés de s’être publiquement réjouis de sa disparition sont détenus dans les sous-sols de la forteresse d’Alcatraz afin de prévenir d’éventuelles émeutes.
En dépit de ses installations décrépites, l’île va continuer d’être utilisée comme base militaire jusqu’à la fin du XIXe siècle. Suite à un plan de modernisation mis en place par le gouvernement américain durant les années 1870, Alcatraz devient officiellement une prison militaire en 1907 lorsque les derniers soldats en garnison quittent l’île.
ALCATRAZ DEVIENT OFFICIELLEMENT UNE PRISON MILITAIRE EN 1907
Un bloc supplémentaire de cellules pouvant accueillir jusqu’à 600 prisonniers est rapidement construit, et le nouveau phare de l’île est opérationnel dès 1909. Aussi étonnant que cela puisse paraître, il s’agit alors d’un établissement pénitencier à sécurité minimale qui n’a pas grand chose à voir avec la prison fédérale ultra-sécurisée qui va faire la renommée d’Alcatraz.
L’entretien des installations de l’île et son approvisionnement s’avérant extrêmement couteux pour l’armée (l’eau douce doit alors être acheminée par bateaux), l’île est finalement cédée au Bureau Fédéral des Prisons en 1933. L’armée laisse derrière elle 32 prisonniers qui deviendront les premiers détenus du complexe de haute sécurité.
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Durant les trente années suivantes, Alcatraz va devenir la prison fédérale la plus connue des États-Unis. Des criminels américains célèbres comme Al Capone ou Robert Franklin Stroud (surnommé « l’Homme aux canaris d’Alcatraz ») y seront incarcérés, et les diverses tentatives d’évasion fomentées par les détenus (notamment celle de Frank Morris, qui s’était déjà évadé de plusieurs prisons fédérales avant d’être conduit sur l’île) la feront définitivement entrer dans la légende.
LA PRISON FÉDÉRALE D’ALCATRAZ ACCUEILLE DES CRIMINELS AMÉRICAINS CÉLÈBRES ET EST LE THÉÂTRE DE PLUSIEURS TENTATIVES D’ÉVASION SPECTACULAIRES
En 1963, le procureur général Robert Kennedy ordonne officiellement la fermeture de la prison d’Alcatraz et l’avenir de l’île est alors plus qu’incertain. Un certain nombre de propositions sont étudiées mais aucune n’est retenue. On parle notamment d’y construire un mémorial aux Nations Unies, mais l’idée d’associer le nom de l’ONU à une ancienne prison semble déplaire au gouvernement américain.
Le 20 novembre 1969, un groupe de 90 Amérindiens débarque à Alcatraz et annonce vouloir acquérir l’île pour 24 dollars, en référence au prix payé aux tribus locales par les américains lors de la vente de l’île de Manhattan en 1626. Ces derniers considèrent qu’il s’agit d’une offre particulièrement généreuse, étant donné qu’un traité signé par les Sioux et le gouvernement fédéral américain en 1868 stipule que la propriété des « terres excédentaires » revient aux Amérindiens.
Les occupants de l’île souhaitent que le gouvernement y construise un centre culturel ainsi qu’une université amérindienne, mais ce dernier refuse catégoriquement d’accéder à leurs requêtes. De nombreuses célébrités se rendent à Alcatraz pour défendre la cause amérindienne, plusieurs hippies originaires de San Francisco s’installent sur l’île, et des collectes de fonds sont organisées pour assurer son approvisionnement.
À la suite de la chute mortelle de sa fille, Richard Oakes, alors leader du mouvement contestataire, décide de quitter l’île en janvier 1970. Les négociations n’avançant toujours pas, le gouvernement américain décide de couper l’approvisionnement de l’île en eau et électricité. Trois jours plus tard, des incendies se déclarent et détruisent plusieurs bâtiments de l’île : le gouvernement accuse les Amérindiens de les avoir déclenchés, tandis que ces derniers soutiennent qu’ils sont l’œuvre de ses agents infiltrés.
Face à cette impasse, les occupants de l’île sont contraints de la quitter. En juin 1971, il ne reste plus qu’une quinzaine d’Amérindiens à Alcatraz, qui sont rapidement expulsés par les marshals fédéraux. Depuis 1972, c’est le Service des parcs nationaux qui gère l’île et y organise de nombreuses visites guidées. Il s’agit aujourd’hui d’un lieu touristique incontournable de la baie de San Francisco. Chaque année, plus d’un million de visiteurs empruntent le ferry et se rendent sur l’île afin d’admirer les vestiges de son passé mouvementé.