Venu tout droit de l’île japonaise d’Okinawa, connue pour ses nombreux centenaires et son régime diététique parmi les plus sains du monde, voici dévoilé un nouveau secret qui ne cesse de faire parler de lui : l’ikigai. Ikigai peut se traduire par « raison d’être » ou « joie de vivre ». Cette philosophie de vie, qui s’est répandue dans tout le Japon, arrive aujourd’hui en Occident. Petite présentation.
Une philosophie de vie qui a fait ses preuves
L’IKIGAI REPOSE À LA CROISÉE DE QUATRE PILIERS
À Okinawa, un ensemble de 161 îles situées à plus de 1 300 km de Tokyo, l’ikigai, mot valise composé d’iki 生き désignant la vie et de kai 甲斐 (prononcé gai) renvoyant au résultat, à la récompense ou au bénéfice, est ce qui motive les personnes à se lever le matin. C’est ici réellement une motivation qui permet de trouver du sens et du bonheur dans ce que l’on fait et de traverser les épreuves de la vie. Ce concept daterait de la période Heian (794-1185) mais, dans le reste du Japon, le sens est moins fort et l’ikigai a alors plus la fonction de symbolique. Mais, avec l’engouement provoqué en Occident par ce terme, de plus en plus de Japonais s’intéressent de nouveau au concept.
L’on remarque ainsi que l’ikigai se trouve entre l’auto-accomplissement (jiko jitsugen) et le bien commun (ittaiken). Ainsi, dans une conférence TED de 2009, Dan Buettner incluait dans l’ikigai l’importance de la communauté avec le « Moai », ou groupe d’amis pour la vie, qui se soutient dans la joie comme dans le malheur, une personne n’est ainsi jamais isolée.
Il évoque également la transmission et le rôle familial et communautaire des centenaires de l’archipel qui poussent les Japonais à pratiquer une activité physique et sociale jusqu’à un âge avancé. Enfin, le régime alimentaire de l’île, hara hachi bu, inventé il y a 3 000 ans par Confucius, consiste à prendre au moins ½ h pour manger et ne remplir son estomac qu’à 80 %.
Ainsi, l’ikigai d’une personne n’est pas forcément une grande chose qui va changer le monde, mais c’est une philosophie de vie qui va permettre à celui qui a trouvé son but de changer les choses à son échelle pour sa propre satisfaction et celle des autres. Le travail, d’après les sondages effectués au Japon, n’est cité comme ikigai qu’à 31 %, contrairement à ce que l’on pourrait croire en évoquant les salaryman. L’ikigai n’a d’ailleurs que rarement à voir avec la réussite financière ou sociale de quelqu’un.
En Occident, où l’on parle souvent de perte des valeurs ou des repères, l’ikigai fait sensation, et nombre d’articles proposent de retrouver la joie de vivre avec l’ikigai comme méthode magique, mais il faut faire la part du fantasme. Gordon Mathews, professeur d’anthropologie à l’université chinoise de Hong Kong, a étudié l’ikigai dès 1996 dans son livre What Makes Life Worth Living?: How Japanese and Americans Make Sense of Their Worlds. Pour lui, l’ikigai n’est pas seulement un principe de vie qui permet de se sentir mieux, mais bien quelque chose de concret. Ce n’est pas une quête que l’on doit effectuer seul, mais en échangeant avec des proches ou d’autres personnes ayant le même ikigai. Il conseille également de faire le point de temps à autre sur son ikigai.
La réponse est à l’intérieur de soi… mais pas seulement
Pour trouver son ikigai, il faut avant tout s’adonner à l’introspection. Cette démarche est parfois longue et profonde, voire douloureuse, parfois moins. La recherche de l’ikigai pousse à bien se connaître, et le « test » souvent mis en avant sur les sites occidentaux n’est pas réellement utilisé tel quel au Japon, dans un but salarial, car l’ikigai repose également sur sa propre maturité. La quête de son ikigai n’est pas toujours aisée et il arrive que l’on n’en trouve pas, cependant, elle permet de se poser les bonnes questions et c’est déjà pas mal.
Trouver son ikigai est une chose, passer à l’action en est une autre, et c’est pourtant le plus important, car c’est ce qui apporte de la satisfaction. Il faut aussi se préparer à faire des compromis, comme le souligne Christie Vanbremeersch dans son ouvrage Trouver son Ikigaï aux Éditions First, et se rappeler qu’un métier passion est rarement celui qui paie le plus. Ainsi, il faut penser autrement et « passer de la sensation de précarité et de paupérisation à la frugalité heureuse », ce qui n’est pas forcement ce à quoi la société prépare.
L’IKIGAI PEUT ÉGALEMENT CHANGER AU COURS DE LA VIE
Si le côté développement personnel est prégnant côté occidental, il ne faut pas oublier le quatrième pilier qui est la mission pour la communauté. En effet, au Japon, l’aspect communautaire est très important, que ce soit au travail ou dans la vie privée. Une personne est estimée par la communauté en fonction de ce qu’elle lui apporte. Être estimé et reconnu par ses collègues, participer à l’effort collectif sont hautement valorisés dans la culture japonaise. C’est aussi pour cela que l’ikigai n’est pas qu’une quête personnelle et qu’il n’est pas si facilement transposable dans nos sociétés sans un certain effort.
Pour conclure, découvrir son ikigai n’est pas toujours facile, mais c’est le début d’un long voyage qui va changer votre vie. Vivre heureux et en accord avec soi-même ne vous fera peut-être pas vivre jusqu’à 100 ans, mais permettra de vieillir mieux et en bonne santé et ça, ça n’a pas de prix. Et vous, quel est votre ikigai ?