Lorsque l’on vous demande de citer un explorateur célèbre, vous pensez à Christophe Colomb ou Marco Polo. Mais connaissez-vous Ibn Battûta ? Au 14e siècle, cet érudit marocain aurait parcouru près de 120 000 kilomètres et voyagé à travers l’Afrique, l’Asie et l’Europe. De cet incroyable périple est né un livre : le « Rihla » ou « Voyages », qui nous en apprend beaucoup sur les sociétés de l’époque.

UN AVENTURIER INTRÉPIDE

Ibn Battûta nait en 1304 à Tanger (Maroc) au sein d’une famille d’érudits musulmans très pieux. Désireux de voyager à travers le monde et d’effectuer son pèlerinage à la Mecque, il quitte sa famille en 1325, visite de nombreuses villes et en profite pour s’initier aux coutumes locales. Un an plus tard, il arrive à Alexandrie, ville somptueuse réputée pour son phare dont il décrira les multiples visages dans ses mémoires.

À cette époque, voyager se révèle particulièrement risqué et les attaques de bandits et de pirates ne sont pas rares. Durant ces décennies d’exploration, Ibn Battûta va connaître des moments particulièrement difficiles : vols, naufrage, maladies diverses et solitude. Il parcourra le monde à dos de chameau, à pied ou en bateau, et fera occasionnellement un bout de chemin en compagnie d’autres pèlerins.

Les mémoires de ce grand voyageur permettent aujourd’hui aux historiens de mieux comprendre le fonctionnement des sociétés arabes et orientales au XIVe siècle

Après avoir décrit l’étroite sécurité mise en place à la frontière séparant l’Égypte et la Syrie, il évoque les lieux saints chrétiens de Jérusalem, notamment Bethléem et les tombeaux de Jésus et de Marie. Lorsqu’il arrive à Damas, qu’il présente comme « la plus belle ville au monde », il est fasciné par son incroyable mosquée omeyyade et ne tarde pas à se lier d’amitié avec l’un des plus éminents savants de la ville.

Ibn Battûta (1304-1377)

Battûta se voit offrir de nombreux présents (esclaves, argent, or, étoffes…) dans les villes qu’il visite et, en tant qu’érudit très pieu, est reçu comme un invité de marque par les dirigeants musulmans qu’il rencontre. Il visite des mosquées et des bazars, observe avec attention les coutumes des locaux, prie beaucoup, et reçoit également les enseignements de plusieurs théologiens.

AU FIL DE SES VOYAGES, BATTÛTA SE VOIT OFFRIR DE NOMBREUX PRÉSENTS ET EST REÇU COMME UN INVITÉ DE MARQUE PAR LES DIRIGEANTS MUSULMANS QU’IL RENCONTRE

L’homme visite ensuite Le Caire et passe le Ramadan à Damas avant de se rendre à Médine, lieu sacré abritant la tombe du prophète Mahomet. Après avoir accompli son pèlerinage à La Mecque, il reprend la route en direction de la Perse. En 1327, il atteint Bagdad, dont il décrira plus tard les bains élaborés, et rejoint la caravane royale d’un souverain mongol. Il retourne ensuite à La Mecque et s’y installe pendant quelques années.

En 1331, il navigue sur la mer Rouge et visite le Yémen et la Somalie. Après avoir effectué un second pèlerinage à la Mecque, il décide de se rendre à Constantinople. Là-bas, Battûta admire la célèbre Basilique Sainte-Sophie et fait la connaissance de l’empereur byzantin. Il traverse ensuite l’Afghanistan, et atteint l’Inde en traversant les montagnes enneigées de l’Hindou Kouch.

Itinéraire supposément suivi par Ibn Battûta entre 1332 et 1346

À partir de 1333, il travaille comme juge à Delhi pour le compte du sultan. Il est ensuite envoyé en Chine afin de représenter les Mongols, mais le navire transportant ses bagages fait naufrage. Craignant d’être exécuté pour avoir failli à sa mission, l’homme choisit de fuir l’Inde et de se rendre aux Îles Maldives, où il épouse la fille d’un vizir.

Après avoir traversé le Sri Lanka et le Vietnam, il arrive finalement en Chine en 1345. Là-bas, il admire la Grande Muraille, fait l’éloge des impressionants navires qu’il a entrevus dans le port d’Hangzhou, et visite la cour impériale des Yuan à Pékin. Battûta se rend ensuite en Sardaigne et à Fès avant d’atteindre Tanger en 1349 alors que la peste noire fait des ravages.

Il met ensuite le cap sur l’Espagne, où il découvre avec émerveillement les vergers, vignobles et jardins de Grenade, puis retourne en Afrique du Nord vers 1350. Pendant quatre ans, il parcourt le continent, décrit les somptueuses mosquées de Marrakech, se rend à Tombouctou au Mali et effectue un périple ardu à travers le désert du Sahara.

De retour au Maroc en 1354, Battûta apprend que le sultan a engagé Ibn Juzayy, un poète réputé, afin de consigner les mémoires de l’explorateur dans un ouvrage. Les deux hommes créent ensemble le « Rihla », qui aborde ses trente années de voyages à travers le monde. Ibn Battûta travaille ensuite comme juge jusqu’à sa mort en 1377. Le « Rihla » étant écrit en arabe, il faut attendre plus de 400 ans avant qu’un érudit allemand ne mette la main sur le manuscrit et le traduise en 1818.

IL FAUDRA ATTENDRE PLUS DE 400 ANS AVANT  QUE LES MÉMOIRES D’IBN BATTÛTA NE SOIENT TRADUITES

Ibn Battûta se rendant en Égypte par Leon Benett

Si les historiens estiment qu’Ibn Battûta n’a probablement pas visité toutes les villes décrites dans son ouvrage, comme en témoignent sa description très floue de la Chine et certaines descriptions et anecdotes largement enjolivées, ses mémoires restent importantes car elles nous en apprennent beaucoup sur les sociétés du XIVe siècle. En sa qualité d’observateur, Battûta offrait un regard éclairé sur les mœurs sociales, coutumes culturelles et le fonctionnement administratif et politique des grandes villes de l’époque.

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