Alors que les scientifiques se débattaient depuis des années avec le problème du « repliement des protéines », impliquant de cartographier en trois dimensions la structure des molécules responsables de maladies allant du cancer au Covid-19, Google a annoncé sa résolution grâce à une intelligence artificielle de la société DeepMind.
Comprendre comment les protéines se replient pour mieux combattre les maladies
Il existe actuellement 200 millions de protéines connues, mais seulement une fraction d’entre elles ont été suffisamment étudiées pour comprendre pleinement leur action et leur fonctionnement. Jusqu’à présent, ces recherches s’appuyaient sur des approches extrêmement coûteuses et longues, avec des scientifiques passant des années à déplier chaque structure à l’aide d’équipements valant plusieurs centaines de milliers d’euros. Mais Google a récemment annoncé qu’une IA développée par DeepMind pouvait prédire la structure d’une protéine bactérienne à partir de sa séquence d’acides aminés en seulement 30 minutes, avec un degré de précision de 92 %.
Une performance impressionnante réalisée grâce à l’algorithme de deep learning Alpha Fold (ayant été entraîné avec environ 170 000 structures protéiques) et au concours de quelque 128 processeurs spécialisés de Google.
« Les protéines sont des molécules extrêmement complexes, et leur structure tridimensionnelle précise est la clé des nombreux rôles qu’elles jouent, avec notamment l’insuline qui régule le taux de sucre dans notre sang et les anticorps qui nous aident à combattre les infections », explique le Dr John Moult, président du CASP14, groupe de scientifiques se penchant sur cette épineuse question depuis près de trois décennies et ayant participé au développement d’Alpha Fold.
Des réarrangements de protéines aux effets potentiellement dévastateurs
« Même d’infimes réarrangements de ces molécules vitales peuvent avoir des effets dévastateurs sur notre santé, c’est pourquoi l’un des moyens les plus efficaces de comprendre la maladie et de trouver de nouveaux traitements est d’étudier les protéines impliquées », poursuit le chercheur. « Il existe des dizaines de milliers de protéines humaines et plusieurs milliards chez d’autres espèces, y compris les bactéries et les virus, mais l’élaboration de la forme d’une seule d’entre elles nécessitait jusqu’à présent des moyens colossaux. »
Lors du dernier test, DeepMind a déclaré qu’Alpha Fold avait déterminé la forme d’environ deux tiers des protéines avec une précision comparable à celle observée dans le cadre d’expériences réalisées en laboratoire.
Une avancée étonnante qui promet de bouleverser la biologie
« Ces travaux représentent une avancée étonnante concernant le problème du repliement des protéines, qui constitue un grand défi de la biologie depuis 50 ans », souligne de son côté Venki Ramakrishnan, lauréat du prix Nobel et président de la Royal Society. « Ils promettent de bouleverser profondément la recherche dans ce domaine. »
Si les chercheurs à l’origine du projet rappellent qu’il reste beaucoup de travail, notamment pour comprendre comment de multiples protéines forment des complexes et comment elles interagissent avec l’ADN, ils estiment que la prédiction des structures protéiques pourrait constituer une part importante de la réponse face à de futures pandémies.
Pour l’heure, DeepMind n’a pas encore décidé si elle comptait mettre cette ressource à disposition de la communauté scientifique ou nouer un partenariat commercial avec des sociétés pharmaceutiques et biotechnologiques.
Par Yann Contegat, le
Source: Nature
Étiquettes: IA, intelligence artificielle, protéine, deep-learning, deepmind, Alpha Fold
Catégories: Actualités, Robots & IA