Née le 10 juin 1895, Hattie McDaniel était une actrice américaine. Plus qu’une simple actrice, elle est surtout connue et entrée dans l’Histoire pour avoir été la première interprète afro-américaine à remporter un Oscar. Néanmoins, elle a également été une artiste controversée, les militants des droits civiques l’ayant souvent critiquée pour les rôles particulièrement stéréotypés qu’elle acceptait. Aujourd’hui, nous vous proposons un portrait de cette mythique actrice et de plonger dans toute son histoire.
Les débuts de Hattie McDaniel
Hattie McDaniel est née le 10 juin 1895 à Wichita, au Kansas, et est décédée le 26 octobre 1952 à Los Angeles. Elle est le treizième enfant d’anciens esclaves : Henry McDaniel, baptiste de Richmond, en Virginie, et Susan Holbert, originaire de Nashville, dans le Tennessee, domestique et chanteuse de musique religieuse.
La famille McDaniel déménage dans le Colorado en 1900 et Hattie se rend à l’école à Denver. Dès son plus jeune âge, elle se fait remarquer pour son talent pour le chant à l’église, à l’école mais aussi chez elle. C’est également à cette même époque qu’elle réalise qu’elle souhaite devenir une actrice. “Je savais que je pouvais chanter et danser… ma mère me donnait parfois un sou pour m’arrêter”, selon les paroles de Hattie McDaniel rapportées par All That’s Interesting.
Dès l’année 1909, elle quitte le milieu scolaire afin de se consacrer à ses passions : le chant, la danse et le jeu d’actrice. Comme a pu le rapporter la bibliothèque virtuelle du Colorado, elle tient ce penchant pour le monde des arts de son frère, Otis. Elle rejoint d’ailleurs par la suite la troupe d’Otis, The Mighty Minstrels.
Hattie McDaniel se marie en 1911 avec Howard Hickman, pianiste. Elle se lance alors dans la création de plusieurs spectacles uniquement féminins avec sa sœur Etta: la McDaniel Sisters Company. Afin de joindre les deux bouts, Hattie travaille aussi en tant que femme de chambre et blanchisseuse. En 1916, Otis décède, la troupe commence à perdre de l’argent et en 1922 Hattie McDaniel perd tragiquement et successivement son mari ainsi que son père.
“Hi-Hat-Hattie”
Dès le début des années 1920, Hattie McDaniel rejoint la Melody Hounds, troupe de George Morrison. Elle consacre alors cinq années de sa vie à des tournées aux États-Unis. Cela lui permet de chanter à la radio pour la première fois avec cette troupe et de se faire remarquer. Au cours des années qui suivent, elle enregistre diverses compositions à Chicago jusqu’à l’année 1929.
A partir de l’année 1929, Hattie McDaniel est néanmoins contrainte de travailler en tant que serveuse et plongeuse dans un club de Milwaukee, ville située dans le Wisconsin. Après avoir tenté de convaincre sans relâche son patron, elle réussit finalement à se produire sur scène. En 1931, elle retrouve sa soeur Etta ainsi que son frère Sam qui sont également des artistes à Los Angeles. Son frère lui décroche une chronique à la radio où elle a la chance d’interpréter “Hi-Hat-Hattie”, une domestique ne sachant pas “rester à sa place”. Cette expérience lui permet ainsi de gagner en popularité. Toutefois, son salaire demeurant particulièrement médiocre, elle est contrainte de poursuivre son travail de domestique.
Atteindre la renommée
En 1932, Hattie McDaniel fait ses premiers pas dans le monde du cinéma où elle incarnera principalement des rôles de domestique. Elle jouera d’ailleurs 74 fois une femme de chambre tout au long de sa carrière. Puis, Show Boat, sorti en 1936, lui vaut d’être particulièrement remarquée pour la première fois.
Enfin, elle sera encore plus remarquée dans l’épopée de la guerre civile Gone with the Wind (Autant en emporte le vent en français) sortie en 1939. Incroyable succès, ce film met en avant la performance de Hattie McDaniel en tant que Mammy, esclave en chef d’une plantation du sud. Elle reçut également des critiques élogieuses.
Après avoir reçu autant de belles critiques, l’actrice rencontra David O. Selznick, producteur du film, en lui montrant son succès et qu’elle méritait une place parmi les autres acteurs nommés aux Oscars. Le producteur céda et l’inscrivit sur la liste des meilleures actrices pour un second rôle.
Marquer l’Histoire
Finalement, Hattie McDaniel marqua l’Histoire : le 29 février 1940, elle obtint l’Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle, devenant ainsi la première artiste noire à obtenir une récompense. Vingt-quatre années s’écouleront avant de voir à nouveau un acteur noir recevoir un Oscar pour le rôle principal, autrement dit Sidney Poitier. Les divers reportages datant de cette nuit-là dépeignent une salle pleine d’émotion et de fierté à l’apparition de Hattie McDaniel sur le devant de la scène. “Je le garderai toujours comme un phare pour tout ce que je pourrai faire à l’avenir. J’espère sincèrement que je ferai toujours honneur à ma race et à l’industrie cinématographique”, a notamment prononcé l’actrice lors de son discours rapporté par All That’s Interesting.
Néanmoins, même si Hattie McDaniel a été nommée aux Oscars, elle fut malheureusement traitée comme une citoyenne de second plan en raison de sa couleur de peau. En effet, la discothèque Coconut Grove, où la cérémonie était organisée, faisait partie de l’hôtel Ambassador réservé aux Blancs. Selznick a alors dû appeler afin de s’assurer que l’actrice serait bel et bien autorisée à assister à la cérémonie.
L’actrice a par la suite joué quelques rôles de domestique jusqu’à Family Honeymoon (Ma femme et ses enfants, en français) sorti en 1949. Puis, elle reprit sa carrière à la radio dans la série comique Beulah et joua dans l’adaptation à la télévision de cette émission. Elle succéda à Ethel Waters, chanteuse de blues et actrice afro-américaine, qui critiquait les stéréotypes racistes du rôle.
Au printemps 1952, Hattie McDaniel apprend une triste nouvelle : elle souffre d’un cancer du sein. Bien trop malade pour continuer à travailler, elle est contrainte de céder sa place à Louise Beavers, actrice américaine. Hattie McDaniel s’éteint finalement le 26 octobre 1952 à l’âge de 57 ans. Au total, elle est apparue dans plus de 300 films durant toute sa carrière.
Un héritage particulièrement controversé
Malgré ses multiples succès, Hattie McDaniel a durement été critiquée par les activistes afro-américains pour les types de rôles qu’elle incarnait. Sur les 300 films dans lesquels elle a joué, environ 75 % d’entre eux étaient des caricatures de femmes noires. Y compris à la suite des Oscars, elle a continué de jouer ce type de rôles.
Par ailleurs, l’Association nationale pour l’avancement des personnes de couleur (NAACP) a critiqué Hattie McDaniel pour avoir joué dans des films comme Judge Priest, sorti en 1934, et Song of the South, sorti en 1946, qui présentaient des stéréotypes racistes sur les Noirs, y compris selon les normes de l’époque.
Face à cela, Hattie McDaniel s’est défendue publiquement dans un éditorial publié dans The Hollywood Reporter : “Plusieurs fois, j’ai persuadé les réalisateurs d’omettre le dialecte des images modernes. Ils ont facilement accepté la suggestion. On m’a dit que j’avais gardé vivant le stéréotype du serviteur noir dans l’esprit des amateurs de théâtre. Je crois que mes critiques pensent que le public est plus naïf qu’il ne l’est en réalité. Je préfère jouer une femme de chambre que d’être une femme de chambre.”
“Nous avons tous grandi avec cette image de McDaniel, le personnage de Mammy, une sorte de grimace. Mais elle se voyait dans le sens ancien comme une ‘femme de race’, quelqu’un qui faisait progresser la course”, s’est exprimé Jill Watts, auteur de l’ouvrage Hattie McDaniel : Black Ambition, White Hollywood.
Hattie McDaniel de nos jours
Malheureusement, l’Oscar de Hattie McDaniel aurait disparu après sa mort en 1952 une fois que les évaluateurs l’auraient jugé sans valeur. Par ailleurs, le dernier souhait de l’actrice d’être enterrée dans le cimetière de Hollywood n’a pas été respecté parce qu’elle était noire.
Aujourd’hui, l’on retrouve la figure de Hattie McDaniel dans le monde du cinéma, notamment dans la série Hollywood, sur Netflix : l’histoire se situe quelques années après que l’actrice a remporté son Oscar. Elle entre directement dans l’hôtel où une cérémonie est organisée, félicite une jeune actrice noire venant de remporter un Oscar et lui dit : “Il m’ont laissé entrer cette fois.”
Par ailleurs, malgré les multiples critiques, la victoire de Hattie McDaniel résonne encore de nos jours. Depuis cette victoire des plus historiques, sept actrices noires ont remporté le prix de la meilleure actrice dans un second rôle, notamment Viola Davis, Whoopi Goldberg, Octavia Spencer ou encore Lupita Nyong’o.