Des archéologues russes ont récemment pu établir la fonction de la mystérieuse Por-Bajyn, érigée au XIIIe siècle de notre ère sur une île du lac Tere, en Sibérie méridionale.
Percer les secrets de Por-Bajyn
Signifiant « maison d’argile » en langue touvane, Por-Bajyn est située dans les montagnes de Sengelen, non loin de la frontière russo-mongole. Connus depuis le XVIIIe siècle, les vestiges de cette vaste structure ont été explorés pour la première fois en 1891, mais au fil des décennies, le manque de matériel archéologique avait conduit à différentes interprétations quant à sa fonction (forteresse frontalière, palais fortifié, observatoire astronomique…).
La datation au radiocarbone et les études dendrochronologiques indiquent que Por-Bajyn a été construite vers 777 de notre ère. Des fouilles antérieures ont permis d’associer le site aux Ouïghours sur la base de comparaisons avec le complexe palatial de Karabalgasun (capitale du Khaganat ouïghour).
Une influence chinoise a également été suggérée, car le plan du complexe central du site semble être de style Tang. Cette interprétation a été étayée par l’utilisation de méthodes de construction chinoises, telles que la technique hangtu et les plafonds dougong, ainsi que par la présence de matériaux de construction typiques.
Un monastère manichéen inachevé
Lors de récentes fouilles, la Société géographique russe a établi que plusieurs de ses pavillons étaient utilisés à des fins cérémonielles et religieuses, indiquant que l’endroit avait été construit pour servir de monastère dédié au manichéisme, une ancienne religion fondée au IIIe siècle après J.-C. par le prophète parthe Mani (216-274 après J.-C.).
Dans les années 770, l’Empire ouïghour, sous le règne de Bögü Khagan, avait lancé une réforme visant à embrasser pleinement cette doctrine. Toutefois, celle-ci avait été interrompue en 779 après J.-C. suite à un soulèvement contre-manichéen, entrainant finalement l’abandon de Por-Bajyn peu après la mort du souverain.
« Le fait que le monastère ait été construit peu de temps avant un coup d’État implique que le souverain en étant à l’origine n’a pas eu le loisir de l’utiliser, et que le nouveau n’en avait plus l’utilité », conclut Andrei Panin, directeur adjoint de l’Institut de géographie de l’Académie russe des sciences.