1917 fut une année charnière pour l’histoire de la Russie. En pleine Première Guerre mondiale, le peuple russe se révolte contre le régime du tsar. C’est la révolution de Février. Puis, quelques mois plus tard, en octobre exactement, les bolcheviks prennent le pouvoir. C’est le début du régime communiste mis en place par Lénine.
Yashka, la tête dure à l’origine du « bataillon de la mort »
Après la révolution de Février, le gouvernement provisoire russe crée des bataillons militaires féminins pour pousser les soldats lassés de retourner au front et de se battre pour la Russie. Nombreuses furent les femmes volontaires pour rejoindre l’armée russe. Que ce soit sur terre ou sur mer, ces femmes soldats ont marqué leur époque.
A leur tête, Maria Botchkareva, dite Yashka. Issue d’une famille de paysans pauvres, Maria Botchkareva décide de s’enrôler dans l’armée. En 1914, elle demande à faire partie du 24e régiment de réserve. Cependant, et grâce à une dérogation du tsar Nicolas II, Yashka intègre le régiment en tant qu’infirmière. Elle participe alors, avec le 28e régiment d’infanterie, aux combats dans la région de Minsk.
Yashka n’hésite pas à faire usage des armes pour sauver ses camarades. Plusieurs fois elle est blessée, et elle retourne toujours au front. C’est alors que très vite, les railleries dont elle était la cible se transforment en louanges. Pour ses faits d’armes, elle est décorée plusieurs fois, notamment de la Croix de Saint-Georges de quatrième et troisième classe.
Pourtant, des idées révolutionnaires se forment de plus en plus dans l’esprit des populations russes. Las de se battre, las de mourir. Et alors que la révolution éclate, Yashka ne veut pas arrêter le combat. En effet, les forces allemandes pourraient bien en profiter. C’est alors qu’elle décide de former un bataillon exclusivement composé de femmes volontaires. Après la période de recrutement, près de 3 000 femmes ont répondu à l’appel.
Un « bataillon de la mort » exclusivement féminin
Ce bataillon est uniquement composé de femmes volontaires, courageuses et désireuses de combattre pour leur patrie. Elles portent les mêmes uniformes que les hommes, la même coupe réglementaire – bien que toutes ne soient pas rasées très court – et sont entraînées au même titre que les hommes. Elles-mêmes et un certain nombre de personnes haut placées dans le gouvernement russe de cette époque imaginaient qu’elles auraient un pouvoir de propagande. Et, de ce fait, redonneraient du baume au cœur aux soldats fatigués d’une guerre harassante.
Sur les 3 000 volontaires, Yashka n’en choisit que 300. 300 femmes à qui elle impose la même coupe que les hommes, le même uniforme et surtout des règles militaires très strictes. Cependant, le bataillon de Maria Botchkareva ne fait pas l’unanimité. A plusieurs reprises, elle est la cible d’attaques médiatiques et même physiques. En effet, elle ne dispose pas du soutien des bolcheviks et doit constamment défendre son projet. Mais à aucun moment elle n’oublie son objectif : sauver la Russie.
Un échec sur le front
Le 21 juin 1917, l’unité de Botchkareva rejoint le front. Mais ce ne fut pas une franche réussite : les unités russes sont en grande difficulté, l’unité de Yashka se retrouve sur l’avant du front, des femmes tombent par dizaines, certaines abandonnent leurs armes et fuient. L’unité paie fortement les conséquences de son inexpérience : 30 morts, 70 blessés, dont leur commandante. Le bataillon de Yashka est alors dissous en automne 1917. Et leur commandante sera condamnée à mort en 1920, car anti-bolchevik.
A cette époque, les unités exclusivement féminines sont rares, mais ne sont pas inexistantes. Et même si ce fut sur une courte durée, les « bataillons de la mort » féminins russes ont réellement marqué l’Histoire. Et ils ont eu un impact considérable : ils ont inspiré non seulement des femmes, mais aussi des hommes, de par leur bravoure et leur acharnement. Et ce, malgré de lourdes pertes.
Cependant, le « bataillon de la mort » de Yashka n’est pas le seul bataillon féminin dans l’armée russe, et surtout en 1917. En effet, on retrouve d’autres femmes qui, cette fois-ci, s’exercent dans les forces navales russes.
Des femmes dans la marine russe
Les femmes dans l’armée ne sont pas rares en Russie. En effet, Catherine II de Russie et son « escadron amazonien » existaient déjà au XVIIIe siècle. Et en 1917, les femmes volontaires ne furent pas envoyées que dans l’infanterie russe. Elles prirent aussi place dans la marine russe. Pourtant, une femme sur un bateau est, pour certains, souvent synonyme de malchance. Une superstition qui date depuis des siècles, bien que cela n’ait empêché en rien les femmes pirates.
Encore une fois, le but était de féminiser l’armée russe. Et alors que ces femmes ont eu l’autorisation de servir en mer, et ce, grâce aux efforts d’Alexandre Kerenski, elles ne furent pas totalement acceptées au sein de la marine russe. Cette unité féminine fut pour ainsi dire révolutionnaire dans le domaine militaire. Elles ont reçu une formation complète au même titre que les hommes. Elles portaient exactement le même uniforme qu’eux. Et surtout, elles faisaient le même travail qu’eux. Elles ont même été suivies par le photographe Yakov Steinberg pour le journal Niva.
Pour recevoir cette formation militaire, elles furent envoyées à la base navale de Kolskaya, connue pour la dureté du vent glacial qui y souffle. Mais aucune autre base ne voulait les accueillir. Malheureusement, cette unité navale n’a pu perdurer. En effet, les volontaires étaient trop peu nombreuses pour pouvoir créer une vraie unité digne de ce nom.
Une histoire d’uniforme
Seulement, elles ont prouvé qu’avoir des femmes dans la marine était possible. Mais ce fut aussi une sorte de révolution vestimentaire. En effet, les femmes ayant servi dans l’armée ont ensuite décidé de porter leurs uniformes dans la vie de tous les jours. Provoquant ainsi une grande confusion sur leur genre, et soufflant un vent de travestissement de mode chez les femmes, y compris dans la bourgeoisie. Il faut préciser qu’à cette époque, l’homosexualité était interdite et les « coupables » étaient envoyés au goulag.
Si la volonté de ces femmes était de servir leur pays, leur volonté d’affranchissement – ou d’égalité – a fait d’elles des figures du monde, bouleversant les genres. Et tout comme le « bataillon de la mort » de Yashka, elles ne sont pas connues pour leurs faits d’armes, mais comme une tentative de féminiser l’armée russe.
Seulement quelques années après, des femmes russes ont aussi rejoint l’Armée rouge. Il s’agissait des Night Witches. Là encore, elles avaient les mêmes uniformes que leurs compatriotes masculins mais, en plus de cela, elles étaient redoutées par les soldats allemands durant la Seconde Guerre mondiale.