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Étape déterminante dans la vie d’une femme, la ménopause se vit encore dans le silence du tabou

Souffrance ou renaissance, la ménopause est souvent perçue comme “une disqualification sociale”

— Motortion Films / Shutterstock.com

Après les souffrances physiologiques liées à des règles souvent douloureuses et les douleurs de l’enfantement, la femme se voit confrontée à la ménopause, un bouleversement à la fois physique et psychologique qu’elle vit en grande majorité comme une expérience déstabilisante. Cette période charnière, que certaines femmes vivent comme une délivrance, s’accompagne de symptômes parfois handicapants comme une grosse fatigue, d’insoutenables bouffées de chaleur, une déprime accablante et une invisibilité sociale et sexuelle dévalorisante.

Les femmes témoignent

La ménopause, un changement hormonal naturel qui se manifeste approximativement entre 45 et 55 ans chez la femme, se caractérise par l’arrêt définitif du cycle menstruel et de la fertilité féminine. L’âge auquel elle survient varie considérablement d’une femme à l’autre, tout comme les symptômes qui y sont associés. Le journal Le Monde a recueilli une centaine de témoignages parmi lesquels bouffées de chaleur, suées nocturnes, fatigue, irritabilité, troubles du sommeil, baisse de libido, prise de poids… reviennent inlassablement en force. S’ajoutent également à cette série de troubles climatériques, des douleurs osseuses et articulaires, des problèmes dermatologiques, des irritations de la zone vulvo-vaginale, des pertes de mémoire, des maux de tête… La femme doit également faire le deuil de sa silhouette, dire adieu à la fermeté de sa peau et accepter de vieillir à vitesse grand V. L’une des femmes ayant témoigné de leur expérience décrit cette transformation et cette déformation comme l’impression de « passer de 47 à 70 ans en six mois ».

— Chinnapong / Shutterstock.com

Après s’être sentie femme et mère à 49 ans, une autre femme ménopausée parle quant à elle, à 51 ans, de « la perte de sa féminité » et de « se sentir dépossédée d’elle-même ». Cette brusque perte d’identité et cette remise en question liées à la fin de la fécondité entraînent ce que la sociologue Cécile Charlap appelle la « disqualification sociale » de la femme qui se sent dorénavant transparente aux yeux de ses contemporains. Une enquête de la Mutuelle générale de l’éducation nationale (MGEN) et de la Fondation des femmes, publiée en 2019, révèle toutefois que 15 % seulement des femmes ménopausées ou préménopausées vivent ce changement hormonal significatif comme « un véritable enfer », tandis que d’autres l’appréhendent tout simplement comme « un mauvais moment à passer », et que d’autres encore l’accueillent comme une « délivrance ». Avec la fin des douleurs menstruelles et des contraintes liées à la contraception, les mots « apaisement », « soulagement » et « libération » ne sont pas de reste non plus. En fait, 59 % des femmes ménopausées voient tout autant d’avantages que d’inconvénients à la ménopause. La peur de tomber enceinte n’est plus un souci, comme le prouve le témoignage d’une de ces femmes qui déclare : « Ça revient un peu à vivre comme un homme… »

Les femmes se taisent

Ce chamboulement sans précédent dans la vie d’une femme, qui devrait s’accompagner d’une prise en charge médicale, familiale et sociétale, passe cependant sous silence. En plus de sa déchéance sociale, la femme se retrouve à gérer tant bien que mal les symptômes parfois handicapants de la ménopause dans la plus grande solitude. Collant de près à cette évolution biologique pourtant naturelle qu’est la ménopause, un reste de honte empêche même certaines femmes de partager leur mal-être avec leur conjoint, ou de transmettre leur expérience de mère à fille. La femme tend plutôt à s’exprimer auprès du corps médical et à se confier à son entourage de femmes préménopausées ou ménopausées que la sociologue Cécile Chaptal définit comme ses « initiées intimes ».

Motortion Films / Shutterstock.com

Si la femme a encore la possibilité physiologique d’enfanter à la quarantaine, une norme tacite selon laquelle une grossesse tardive serait jugée comme un acte égoïste de sa part, la considère déjà comme passée de date. Baptisée « ménopause sociale » par la sociologue Cécile Charlap, cette réprobation publique prend toute sa mesure lorsque la femme atteint la cinquantaine, une date de péremption non négociable. Également confrontée au problème de l’âgisme, une discrimination fondée sur l’âge, le corps de la femme perd son potentiel de séduction, n’est plus sexuellement désirable et est relégué à la transparence, voire à l’invisibilité.

Les femmes se font entendre

Se trouvant aujourd’hui au cœur de nombreux débats intimes, avec entre autres la dénonciation des violences sexuelles affichées au grand jour, le corps féminin commence à investir les préoccupations sociétales. Ce « tournant génital du féminisme », comme l’appelle la philosophe et professeure de science politique Camille Froidevaux-Metterie, démystifie les tabous associés au corps féminin en incluant notamment une représentation du clitoris dans les manuels scolaires. Parfois encore, la femme peut subir une forme de discrimination sur le lieu de travail, raison pour laquelle elle préfère souvent taire ses difficultés plutôt que de s’exposer à une source d’embarras ou à l’hostilité potentielle de son employeur. Certaines organisations commencent cependant à réagir et à soutenir les femmes dans leur transition ménopausique. Mais cette nouvelle acceptation du corps féminin, qui s’intéresse également au sujet de la précarité menstruelle, ne mentionne toujours pas la cause de la ménopause.

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Mal informées à cause du silence qui sévit autour de la ménopause, les femmes n’ont pas toujours recours à une prise en charge médicale appropriée. Le risque d’ostéoporose, une importante fragilité du squelette qui accroît les risques de fractures, et les risques cardio-vasculaires pourraient être identifiés au cours d’une consultation médicale dédiée en début de ménopause. Quant au soulagement des symptômes mêmes de la ménopause par un simple traitement hormonal (THM), la professeure Florence Trémollières, endocrinologue, affirme : « Utilisé à bon escient, pour une durée de cinq à sept ans, un simple traitement hormonal (THM) permet de corriger les symptômes liés à la ménopause et ne présente aucun risque accru de mortalité. » Toutefois, le lien établi entre THM et cancer du sein fait toujours l’objet d’une polémique.

Pour lutter contre le tabou et les idées reçues qui persistent, la Journée mondiale de la ménopause a lieu tous les 18 octobre.

Quels sont les trois mots qui vous viennent spontanément à l’esprit en pensant à la ménopause ?

Par Nadine Aurivel, le

Source: Le Monde

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