L’examen de symboles datant de la fin de l’ère glaciaire suggère que les humains qui vivaient en Europe il y a 20 000 ans auraient développé une forme d’écriture précoce afin de consigner les habitudes de reproduction des animaux qu’ils chassaient.
Une correspondance étroite avec le calendrier lunaire
Au moins 400 grottes en Europe, comme Lascaux et Chauvet en France et Altamira en Espagne, présentent sur leurs parois des œuvres réalisées par des groupes d’Homo sapiens il y a des dizaines de milliers d’années. Outre les représentations de bisons, de cerfs et de chevaux, de nombreux symboles graphiques, dont la signification est depuis longtemps débattue, ont également été mis en évidence.
Documentée à de nombreuses reprises, la présence de séries de lignes et de points à côté de silhouettes animales a poussé le chercheur britannique Ben Bacon à constituer une base de données d’images de peintures rupestres et d’artefacts anciens réalisés il y a 10 000 à 20 000 ans et utilisé différents outils statistiques afin d’en extraire des motifs révélateurs (image ci-dessous).
Une équipe d’experts de l’université de Durham et de l’University College de Londres a ensuite pris le relais, et conclu que les symboles représentaient probablement les habitudes de reproduction des différentes espèces représentées (cerfs, bovins sauvages, mammouths, chevaux), en s’appuyant sur les cycles de leurs descendants modernes.
Détaillée dans le Cambridge Archaeological Journal, leur analyse a établi une correspondance étroite avec le calendrier lunaire, suggérant que chaque ligne ou point tracé représentait 30 jours. Le nombre de symboles d’une séquence donnée et la marque Y (l’un des signes les plus fréquents dans l’art non figuratif paléolithique) correspondaient quant à eux respectivement au nombre de mois séparant le début du printemps de la saison d’accouplement des animaux et de celle de la mise bas.
« Les chasseurs-cueilleurs de l’ère glaciaire ne vivaient pas simplement dans le présent »
Si plusieurs scientifiques ont questionné cette interprétation, rappelant que les auteurs de l’étude avaient choisi de se concentrer sur 3 des 32 signes récurrents identifiés à l’échelle de centaines de grottes, ces derniers soulignent qu’aucune des séquences étudiées ne comprenait plus de 13 marques, correspondant aux 13 mois lunaires de chaque année.
« Nos résultats suggèrent que les chasseurs-cueilleurs de l’ère glaciaire ne vivaient pas simplement dans le présent, mais enregistraient des souvenirs du moment où des événements se produisaient afin de pouvoir mieux les anticiper à l’avenir », avance Robert Kentridge, co-auteur de la nouvelle étude.
La confirmation définitive de la théorie bouleverserait profondément notre compréhension des origines de l’écriture. Le plus ancien système complet avéré est actuellement le cunéiforme, apparu vers 3500 avant J.-C., mais des recherches ont révélé qu’il avait été précédé par un système de proto-écriture basé sur des jetons de comptage en argile, remontant à environ 10 000 ans.
Par Yann Contegat, le
Source: New Scientist
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