Qui n’aime pas les films qui vous tiennent en haleine durant deux heures pour garder la grande surprise à la fin ? Deus ex machina est un procédé d’écriture qui permet aux personnages de l’histoire de se sortir d’une situation impossible grâce à l’intervention d’un élément que ni eux ni les spectateurs n’auraient pu prévoir. La technique peut être utilisée par humour, parfois de façon intelligente et plus souvent, de façon assez lâche pour finir une histoire déjà bancale !
Deus ex… quoi ?
Il n’en a pas toujours été ainsi. Même si on voit maintenant fleurir des films qui utilisent cette technique de façon plus ou moins convaincante, son invention précède le septième art de plusieurs millénaires. L’appellation Deus ex machina est la traduction latine de apò m?khanês theós, le nom en grec ancien. Car c’est bien du théâtre grec que descend ce terme. Littéralement, cela se traduit en français par « dieu issu de la machine » et désigne justement la machinerie utilisée dans l’antiquité pour faire entrer en scène des personnages divins qui devaient descendre sur scène au moyen de cintres et qui, souvent, dénouaient une situation désespérée.
Le dramaturge Euripide (~483 av. J-C. – 406 av. J-C.), l’un des trois grands auteurs tragiques de l’Athènes classique avec plus de 90 pièces à son nom, est le maître du Deus ex machina. Dans Iphigénie à Aulis, alors que cette dernière s’apprête à être sacrifiée, la déesse de la chasse Artémis intervient pour la sauver au dernier moment. Utilisé également de manière intelligente par Homer, n’allez pas penser que tous dans la Grèce antique étaient satisfaits par cette technique puisque déjà à l’époque, le grand Aristophane (~447 av. J-C. – ~380 av. J-C.) critique vivement le procédé et se moque d’Euripide pour l’utiliser à répétitions. Dans la culture européenne, le premier grand exemple est dans la chanson de geste de Roland où un ange prend la place des dieux antiques.
Dans le cinéma
Bien entendu, le monde du cinéma qui produit le meilleur comme le pire, fait usage de cette technique, soit de manière désastreuse, soit de manière intelligente, pour faire rire le spectateur ou simplement pour le surprendre. Un exemple relativement récent est le grand succès de James Cameron, Avatar. Alors que les humains réalisent que pour extraire les richesses de la planète de Pandora, ils vont devoir détruire une civilisation et une partie de la faune et flore locale, la tension monte de plus en plus entre les deux camps. Bien entendu, la supériorité technologique des humains écrase la faible résistance des Na’vi, jusqu’à ce que… le « dieu de la planète » manipule les organismes de la planète pour qu’ils contre-attaquent avec les Na’vi pour sauver la nature. Les personnages expliquent aux spectateurs que leurs prières ont été entendues. Ah.
Pour un exemple un peu plus réfléchi, il faut se tourner vers une adaptation d’un livre de H. G. Wells, La Guerre des mondes. Les prémices de l’histoire stipulent que les Martiens ont des vues sur la Terre car la planète Mars est trop ancienne, asséchée, détruite et atteint la fin de sa vie. À une époque où les fameux « canaux » de Mars (en fait une illusion d’optique) laissaient penser à une probable civilisation qui tentait de combattre une sécheresse terrible. Bref, dans le film de Steven Spielberg, alors que les extraterrestres gagnent progressivement du terrain et que l’humanité semble perdue, la situation change radicalement. Les Martiens alors en plein génocide, cessent peu à peu de bouger et meurent un à un. Que s’est-il passé ? Leur système immunitaire extraterrestre n’a pas pu supporter un changement d’environnement aussi abrupt et les microbes terriens les ont exterminés.
Une partie des spectateurs n’a pas su accrocher à une telle justification alors qu’ils s’attendaient à voir encore plus d’explosions et un héros américain sauver le monde, mais l’explication plus réfléchie est en fait bien plus surprenante et intéressante qu’une énième fin de film d’humains contre X. En parlant de surprises, un autre film de Steven Spielberg, bien plus connu cette fois, est encore l’un des meilleurs exemples du cinéma : Indiana Jones et Les Aventuriers de l’arche perdue. Pour le coup, on revient à un acte de Dieu lui-même puisque lorsque les nazis ont enfin la mainmise sur la mythique arche de l’Alliance contenant les Tables de la Loi et pensent pouvoir utiliser son pouvoir pour conquérir le monde, ils se font… on va dire brûler et fondre ?
Au-delà de tout ça, le meilleur emploi du Deus ex machina à notre époque est sans doute lorsque la technique est utilisée à des fins humoristiques pour surprendre le spectateur et l’entraîner dans une fin complètement déjantée. L’exemple le plus célèbre nous vient de la troupe des Monty Python dans La Vie de Brian. Ce dernier est un contemporain de Jésus et vit dans l’étable voisine. Comme la plupart des habitants, il déteste les occupants romains et suite à ses aventures, se retrouve pourchassé par des soldats. Alors qu’il s’échappe dans les rues, il se réfugie en haut d’une tour, mais quand les Romains se rapprochent, il est forcé de sauter jusqu’à sa mort. Heureusement, durant sa chute, un vaisseau spatial apparaît et le récupère ! Après une courte course-poursuite dans l’espace, le vaisseau est abattu et s’écrase en bas de la tour où Brian peut poursuivre sa fuite.
La technique de Deus ex machina est donc loin d’être récente, mais le cinéma tend parfois à en abuser pour camoufler des faiblesses scénaristiques. Heureusement, certains films utilisent le procédé de manière intéressante, voire hilarante ! Dans tous les cas, il est certain que ça sera toujours un bon moyen de surprendre les spectateurs pour les siècles à venir. Quel est pour vous l’exemple le plus marquant de Deus ex machina ?
Par Florent, le