
Sous quatre kilomètres de glace, un monde invisible orchestre le destin des glaciers et, peut-être, celui de nos littoraux. L’Antarctique, que l’on croyait immobile, cache en fait des lacs mystérieux qui influencent la fonte et la montée des mers.
Comment les satellites dévoilent l’existence des lacs sous-glaciaires
Pendant longtemps, les lacs sous-glaciaires n’étaient qu’une hypothèse. Imaginez : de l’eau liquide piégée sous une chape de glace vieille de millions d’années.
Grâce aux satellites modernes, cette idée a été confirmée. Le satellite européen CryoSat-2, lancé en 2010, a joué un rôle clé. Son radar altimétrique détecte des variations de surface minuscules, parfois de simples centimètres, mais observées sur plusieurs années.
Ainsi, en dix ans, les chercheurs ont identifié 85 nouveaux lacs actifs. Au total, 231 entités hydrologiques sont désormais connues sous l’Antarctique. Cela montre que la surface du continent n’est pas figée. Elle se soulève puis s’abaisse au rythme du remplissage ou de la vidange de ces réservoirs liquides.
Parfois, un lac met des années à se remplir. D’autres se vident en quelques mois, libérant l’équivalent de centaines de piscines olympiques.
Comprendre le rôle des réseaux hydrologiques interconnectés
Ces lacs ne sont pas isolés. Au contraire, ils forment de vastes réseaux hydrologiques. L’eau peut voyager d’un lac à l’autre, comme dans un système de vases communicants.
En septembre 2025, une étude publiée dans Nature Communications a mis en évidence cinq grands systèmes. L’un d’eux, situé sous le glacier David, a montré un transfert direct : la vidange d’un lac a alimenté le remplissage d’un autre, cent kilomètres plus loin.
De plus, chaque lac se comporte différemment. Certains se remplissent sans jamais se vider. D’autres alternent des cycles complets. Certains encore progressent par étapes, comme un escalier invisible.
Même leurs limites géographiques changent : elles peuvent s’étendre ou se réduire de 10 à 50 %. Bref, sous la glace, le mouvement est bien réel.
Pourquoi ces lacs accélèrent la fonte et la montée des océans
Mais pourquoi cela nous concerne-t-il ? Parce que lorsqu’un lac se vide brutalement, il agit comme un lubrifiant naturel. L’eau réduit la friction entre la glace et le sol rocheux. Résultat : le glacier peut glisser plus vite vers l’océan. Dans certaines zones, on a mesuré des accélérations de 10 %. Et ces effets peuvent durer plus d’un an.
Par conséquent, ces dynamiques invisibles sont essentielles. Les modèles climatiques doivent désormais les intégrer. Sans cela, les prévisions de montée du niveau des mers resteront incomplètes. Or, une élévation plus rapide mettrait en danger des millions de personnes vivant sur les côtes.
Vers une meilleure compréhension pour anticiper les risques
En réalité, l’image d’une Antarctique figée n’a plus lieu d’être. Sous nos pieds, à plusieurs kilomètres de profondeur, se cache un système hydraulique complexe. Il réagit aux plus petits changements. C’est fascinant, car la Terre se révèle plus vivante que prévu. Mais c’est aussi inquiétant, car ces processus peuvent influencer directement notre futur.
Finalement, ces lacs ressemblent aux coulisses d’un théâtre. On ne les voit pas, mais ce sont eux qui font bouger les décors. Et le décor, ici, c’est le niveau des océans.
Par Eric Rafidiarimanana, le