Près de Stonehenge, des fosses immenses et parfaitement alignées viennent bouleverser nos certitudes. Creusées il y a plus de 4 000 ans, elles révèlent un paysage rituel complexe. Ce dernier témoigne d’une société néolithique bien plus organisée – et mystique – qu’on ne le pensait.

Des trous immenses creusés il y a 4 500 ans et analysés grâce à des outils scientifiques de pointe
Imaginez des trous de dix mètres de large, profonds comme deux étages d’immeuble. Une vingtaine. Tous disposés en cercle. C’est ce que les chercheurs ont découvert à Durrington Walls, à quelques kilomètres de Stonehenge. Rien à voir avec un phénomène naturel. Les dernières analyses publiées dans Internet Archaeology confirment que ces fosses ont été intentionnellement creusées au Néolithique, il y a environ 4 500 ans.
Par ailleurs, l’équipe de l’archéologue Vincent Gaffney, de l’université de Bradford, a mobilisé tout un arsenal de technologies modernes pour le prouver. Grâce à la géophysique, à la luminescence optique stimulée, ou encore à des prélèvements d’ADN environnemental, ils ont pu reconstituer la forme, la date et même l’écosystème de l’époque. Ainsi, ce qu’ils ont trouvé va bien au-delà de simples aménagements agricoles.
Une organisation spatiale millimétrée qui révèle la complexité d’une civilisation oubliée
Ce qui frappe, ce n’est pas seulement la taille des fosses, mais leur cohérence géométrique. En effet, elles forment un cercle parfait autour d’un site cérémoniel. Ce n’est pas une improvisation. C’est un chef-d’œuvre d’ingénierie préhistorique. Un tel agencement exigeait une planification collective. Il supposait aussi une transmission du savoir et des moyens pour mobiliser des centaines de personnes.
D’ailleurs, on imagine souvent les sociétés néolithiques comme des groupes dispersés. Pourtant, ici, on parle d’une civilisation capable d’organiser un chantier de plusieurs kilomètres, sans aucun des outils modernes que nous connaissons. Comme le dit Gaffney, c’est le signe d’une société « complexe, raffinée, et profondément symbolique ».
Et ce n’est pas tout. La régularité des fosses laisse penser qu’un système de mesure — peut-être rudimentaire mais efficace, était déjà en usage. Cela suggère une forme de cartographie mentale du territoire. On découvre ainsi une capacité à projeter une vision sur le paysage, bien avant l’invention de l’écriture.
Une fonction rituelle probable : séparer les vivants des morts et connecter le monde souterrain
Là où ça devient vertigineux, c’est quand on s’interroge sur le sens de ces fosses. Pourquoi creuser à une telle échelle ? Les chercheurs avancent une hypothèse fascinante : ces trous pourraient marquer une limite sacrée, séparant le monde des vivants de celui des morts. Une sorte de barrière invisible, à la fois physique et spirituelle, inscrite dans le paysage.
En parallèle, à cette époque, Stonehenge n’était pas seulement un lieu de rassemblement. C’était peut-être une interface entre le ciel et la terre, entre les astres et les ancêtres. Ces fosses, profondément ancrées dans le sol, pourraient symboliser une connexion avec le monde souterrain. Cette idée résonne étrangement avec bien des mythes anciens.
L’archéologie 2.0 : comment l’ADN environnemental et la géophysique transforment nos connaissances
Pour explorer sans détruire, les chercheurs ont donc combiné plusieurs approches innovantes. Le sedaADN (ADN environnemental extrait des sédiments) a permis d’identifier des traces de vie végétale et animale vieilles de plusieurs millénaires. De plus, les carottages ont révélé les différentes couches du sol, comme les pages d’un livre géologique. Quant à la géochimie, elle a précisé la nature des matériaux déplacés.
Ainsi, ce mariage entre sciences dures et archéologie change la donne. Il permet de reconstruire des paysages disparus avec une précision inédite. Dans le cas de Durrington, cela dévoile un monument invisible à l’œil nu, mais gigantesque par son ambition.
Par Gabrielle Andriamanjatoson, le
Source: Futura
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