Avec la perte d’habitat, la surpêche et la pollution, les populations d’espèces de poissons migrateurs ont chuté de 76 % en moyenne dans le monde entre 1970 et 2016. Et il s’avère que l’Europe est la plus durement touchée par le phénomène.
Un constat alarmant
Des espèces telles que le saumon, la truite ou le poisson-chat géant se révèlent essentielles non seulement pour les rivières et les lacs dans lesquels elles se reproduisent ou se nourrissent, mais également pour des écosystèmes entiers. En remontant le courant, elles transportent les nutriments des océans, représentent une source de nourriture pour de nombreux animaux terrestres (ours, loups, oiseaux de proie…) et constituent également des moyens de subsistance pour des millions de personnes dans le monde.
Pour la première fois, un vaste rapport réalisé par quinze organisations, dont le WWF et l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), a évalué l’évolution des populations de ces différentes espèces, concluant qu’elles étaient « extrêmement menacées par les effets de l’activité humaine » et qu’il était indispensable d’agir dès à présent « pour stopper et inverser ce déclin alarmant ».
Selon ses auteurs, celles-ci ont en moyenne décliné d’environ 76 % à l’échelle mondiale depuis 1970, et la chute s’est révélée encore plus spectaculaire en Europe (93 %), qui a notamment vu ses populations d’esturgeons et d’anguilles diminuer de plus de 90 %.
« Le déclin mondial des espèces de poissons d’eau douce reste mal estimé par les organes politiques nationaux et internationaux »
Il est toutefois probable que la situation soit encore plus sombre qu’elle ne le semble, car de nombreux déclins ont commencé avant 1970. Les scientifiques déplorent par ailleurs un nombre insuffisant de données concernant les espèces de certains des fleuves les plus riches en biodiversité au monde, tels que le Mékong, le Congo, l’Amazone et le Yangtsé, où ces derniers redoutent des centaines d’extinctions au cours des prochaines décennies.
La baisse moyenne des populations a été de 84 % en Amérique latine et de 59 % en Asie-Océanie, bien qu’un manque de données en provenance d’Afrique empêche de déterminer une tendance fiable pour cette région. En Amérique du Nord, la chute a été moins spectaculaire, avec une baisse de 28 % s’expliquant probablement par le fait que de fortes baisses se soient produites avant 1970, mais aussi par la suppression d’un nombre croissant de barrages.
« Le déclin mondial des espèces de poissons d’eau douce reste mal estimé par les organes politiques nationaux et internationaux », estime William Darwall, de l’UICN. « Ce rapport, espérons-le, renforcera l’importance accordée à cette chute sans précédent de la biodiversité dans les objectifs politiques et conduira aux actions urgentes nécessaires afin de sauvegarder cette composante constituant une ressource essentielle pour tant de personnes. »
Le nombre élevé de centrales hydroélectriques en Europe pointé du doigt
Pour les auteurs de l’étude, l’état lamentable des rivières et le déclin sans équivalent des populations de poissons migrateurs en Europe seraient notamment dus au grand nombre de barrages, déversoirs et autres retenues d’eau, utilisés en grande partie par les installations hydroélectriques, mais également pour l’irrigation, la défense contre les inondations et la navigation. Selon le rapport, pas moins d’1,2 million d’obstacles barreraient les cours d’eau à travers le continent.
« Si le secteur n’est nullement le seul responsable du déclin catastrophique des espèces de poissons migrateurs en Europe, il en constitue un moteur essentiel et a été financé de manière disproportionnée par l’UE au fil des ans », estime le WWF. « Avec plus de 20 000 centrales en fonctionnement, le potentiel hydroélectrique de l’Europe a été exploité. Nous demandons à l’UE de cesser de soutenir la construction de nouvelles centrales et d’investir dans la suppression ou la remise à neuf des installations existantes. »
Dans le cadre de sa stratégie pour la biodiversité, l’Union européenne vise « la restauration d’au moins 25 000 kilomètres de rivières à écoulement libre » à l’horizon 2030.
Par Yann Contegat, le
Source: The Guardian
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