Depuis des décennies, les archéologues ont découvert des morceaux de verre romain, vieux de deux mille ans, arborant une patine aux couleurs chatoyantes. Ce phénomène a suscité l’intérêt des chercheurs pour comprendre ce qui confère à ces objets antiques leurs propriétés optiques uniques. Une nouvelle étude, publiée dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences, lève enfin le voile sur ce mystère en révélant que ces morceaux de verre sont en fait des cristaux photoniques naturels.
Les cristaux photoniques
Un cristal photonique est un matériau constitué de couches périodiques denses et moins denses avec des indices de réfraction différents, ce qui signifie que chaque couche réfléchit la lumière de différentes longueurs d’onde à différents angles. Comme la couleur des cristaux photoniques dépend de l’angle sous lequel ils sont observés, la lumière qu’ils réfléchissent est irisée.
Les cristaux photoniques n’est pas une nouveauté dans la nature. On les retrouve dans les opales, les insectes comme les papillons morpho bleus (Morpho peleides), dont les ailes sont d’un bleu éclatant sans contenir aucun pigment bleu, et les plantes comme les bégonias à feuilles bleues. Les humains les fabriquent également pour les utiliser dans des appareils photo, des capteurs et des circuits lumineux. Cependant, la présence de ces cristaux dans un matériau fabriqué par l’Homme est une première et suscite un intérêt particulier pour comprendre leur formation naturelle.
Longtemps resté un mystère, le processus de transformation du verre romain en cristaux photoniques vient d’être élucidé par des chercheurs de l’université Tufts de Boston. Ces cristaux photoniques sont des matériaux composites composés de couches de différentes densités et indices de réfraction. Cela leur permet de réfracter et de réfléchir la lumière d’une manière unique, créant un effet iridescent.
Le méthode de recherche
Fiorenzo Omenetto, professeur d’ingénierie à l’université Tufts, a souligné l’importance de cette découverte. Selon lui, il est « fascinant de découvrir un exemple emblématique de nanophotonique dans un objet qui a été enterré pendant 2 000 ans ».
Pour résoudre ce casse-tête optique, les chercheurs ont eu recours à des méthodes d’analyse avancées. Ils ont examiné un échantillon de verre romain découvert près de l’ancienne cité d’Aquilée, en Italie, et daté entre le premier siècle avant J.-C. et le premier siècle après J.-C. Il s’agit d’un exemple rare de verre romain opalescent, qui change de couleur selon l’angle de vue.
En regardant le verre à travers un microscope optique et en cartographiant sa surface avec un microscope électronique à balayage, les scientifiques ont découvert que la structure du verre était constituée de couches de silice d’épaisseur nanométrique disposées selon un motif appelé empilements de Bragg, qui alternait entre des indices de réfraction élevés et faibles pour donner au verre son éclat caractéristique.
Transformation du verre romain en cristal photonique
Giulia Guidetti, également professeur à l’université Tufts et auteur principal de l’étude, explique que la formation de ces couches est probablement le résultat d’un processus d’érosion et de reconstruction au cours des deux millénaires qu’il a passés enfoui dans la boue. La pluie et les éléments du sol, notamment l’argile, ont décomposé une partie de la silice du verre pour la reconstruire ensuite avec certains des minéraux présents dans l’argile.
« En même temps, l’assemblage de couches de 100 nanomètres d’épaisseur combinant la silice et les minéraux s’est également produit en cycles », a déclaré M. Guidetti, dans un communiqué. « Le résultat est un arrangement incroyablement ordonné de centaines de couches de matériau cristallin. »
Applications futures
La découverte de ces propriétés optiques dans le verre romain ancien ne se limite pas à un intérêt académique ou archéologique. Les chercheurs espèrent que ces informations pourront être utilisées pour accélérer le processus de formation de cristaux photoniques en laboratoire. En effet, ces cristaux ont des applications dans des domaines modernes.
Cette percée pourrait donc non seulement aider à comprendre l’histoire, mais aussi à façonner l’avenir des technologies optiques. En effet, plutôt que de fabriquer artificiellement ces cristaux, il pourrait être possible de les « cultiver » de manière plus naturelle et peut-être plus efficace.
L’étude offre une nouvelle perspective sur la manière dont des objets anciens, tels que le verre romain, peuvent continuer à éclairer la science moderne. Non seulement elle résout un mystère archéologique de longue date, mais elle ouvre également de nouvelles portes pour le développement de technologies optiques avancées. Pour aller plus loin, voici 5 choses à savoir sur le légendaire verre flexible de l’Empire romain.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Source: Live Science
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