Si de précédentes analyses avaient indiqué une présence de notre espèce en Europe beaucoup plus précoce que prévu, une nouvelle étude suggère un processus de colonisation ayant impliqué trois vagues distinctes.
Des découvertes récentes
On a longtemps pensé que Homo sapiens n’avait atteint l’Europe occidentale qu’il y a 43 000 ans, et que tous les artefacts culturels antérieurs à cette date étaient par conséquent l’œuvre de Néandertal. Cependant, des fouilles réalisées en 2022 et 2023 dans la grotte Mandrin (Drôme) ont conduit à la découverte d’une dent d’humain moderne vieille de 54 000 ans et de centaines d’artefacts dits « néroniens », incluant des arcs et des flèches.
Bien qu’il soit possible que ces premiers sapiens aient été amenés à cohabiter brièvement avec les Néandertaliens, le fait que les couches sédimentaires supérieures de Mandrin renferment uniquement des témoignages dentaires de ces derniers indique un départ rapide et une absence prolongée de notre espèce.
Dans le cadre de travaux publiés dans la revue PLOS One, Ludovic Slimak de l’université Paul Sabatier de Toulouse a entrepris de comparer les outils préhistoriques attribués à H. sapiens provenant de la grotte Mandrin à ceux de Ksar Akil. Au fil des décennies, quelque 18 000 artefacts ont été mis au jour sur ce site libanais, offrant un aperçu unique de l’évolution des technologies humaines à l’échelle de milliers d’années.
Lorsque l’Homme moderne est revenu dans la région de Mandrin, sa technologie avait changé : les artefacts néroniens trouvés dans la vallée du Rhône ressemblaient étroitement à ceux de la phase levantine de Ksar Akil. Une correspondance similaire a également pu être établie entre des outils plus récents et ceux attribués à deux cultures d’Europe occidentale : le Châtelperronien (45 000 à 38 000 ans) et le Protoaurignacien (42 000 à 39 000 ans).
Une colonisation en trois temps
Dans cette nouvelle chronologie s’étalant sur 15 000 ans, les Néandertaliens ont reconquis le territoire après la première vague « avortée » (55 000 à 50 000 ans), coexisté avec H. sapiens lors de la seconde (45 000 à 43 000 ans) avant d’être finalement supplantés lors de la troisième (42 000 à 40 000 ans).
Selon Slimak, « ces trois pulsations migratoires vers l’Europe représenteraient donc des mouvements de sapiens à partir d’un unique substrat culturel levantin ». Tandis que la proposition de réattribution du Châtelperronien à certaines populations d’humains modernes « impacte profondément notre regard même sur l’organisation des sociétés néandertaliennes au moment de l’arrivée de sapiens en Europe ».
Ces travaux se fondant sur l’évaluation de caractéristiques telles que la forme des pointes de lances et des outils de coupe, impliquant une part importante de subjectivité, ils ne devraient pas manquer de susciter de vifs débats, comme c’est souvent le cas en paléoanthropologie.
Par Yann Contegat, le
Source: IFL Science
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