Aurions-nous trouvé le traitement permettant de lutter contre le Covid-19 ? En effet, nous nous posons cette question depuis que l’infectiologue Didier Raoult a présenté ses résultats d’une étude clinique au sujet de la chloroquine, un antipaludique qui serait une piste pour lutter contre l’épidémie. « Coronavirus : vers une sortie de crise ? » : voici le titre qu’il avait utilisé pour sa vidéo de présentation. A la suite de cette annonce, le gouvernement a tout de même précisé que de nouvelles études sont nécessaires afin de confirmer sa réelle efficacité et que des essais seront réalisés sur un plus grand nombre de patients. Il est donc important d’accueillir avec précaution ces annonces et réaliser que les recherches scientifiques sont encore incertaines au sujet de l’efficacité de la chloroquine.
Voici ce que nous savons au sujet de la chloroquine
Voilà maintenant plusieurs semaines que Didier Raoult, infectiologue à l’Institut hospitalo-universitaire de Marseille, vante les effets positifs de la chloroquine. Mais quelle est réellement cette molécule ?
La chloroquine est un antipaludique préventif et curatif. Il s’attaque aux schizontes, des globules rouges infectés par l’agent du paludisme. Il peut aussi être utilisé contre les maladies auto-immunes telles que le lupus. Généralement, les médecins prescrivent son dérivé chimique : l’hydroxychloroquine. De plus, le médicament porte le nom commercial de Plaquenil pour l’hydroxychloroquine et de Nivaquine pour la chloroquine.
La chloroquine a également un effet antiviral. Cela a d’ailleurs été prouvé in vitro : elle empêche le cycle viral de se réaliser de manière normale tout en modifiant le pH. Néanmoins, l’action in vitro est plus difficilement réalisable in vivo. En effet, le seuil de toxicité pour l’être humain est très bas et les interactions médicamenteuses sont multiples. C’est d’ailleurs sur ce point que les recherches sur la chloroquine se concentrent. Elle a également été testée contre le chikungunya, mais sans résultats, comme cela avait été rapporté dans la revue The Lancet en 2007. Elle a aussi été utilisée pour lutter contre la dengue, Ebola ou la grippe, comme l’expliquait au début du mois de mars Arnaud Fontanet, épidémiologiste et professeur de médecine. Le même constat a néanmoins été établi à chaque test : la dose nécessaire in vivo est bien trop élevée, soit 10 fois supérieure à celle administrée contre le paludisme. Elle est donc toxique.
Par ailleurs, après l’emballement médiatique suscité par l’étude de Didier Raoult, deux chercheurs, Franck Touret et Xavier de Lamballerie de l’Unité des virus émergents de l’université d’Aix-Marseille, ont publié un commentaire au sujet de la chloroquine dans la revue Science Direct. Voici les principaux points qu’ils mettent en avant :
- Des tests in vitro ont révélé que la chloroquine inhibe la duplication du SARD-CoV-2.
- La chloroquine a mené à des résultats positifs pour des test in vitro, mais a toujours donné des échecs sur les tests in vivo réalisés sur des animaux.
- La chloroquine a été testée pour soigner des maladies virales respiratoires humaines. Cela a néanmoins toujours mené à des échecs.
- Le consensus chinois qui confirme l’efficacité de la chloroquine ne présente aucune donnée vérifiée. Plusieurs études sont donc indispensables pour confirmer les bénéfices éventuels de cette molécule.
« Coronavirus : vers une sortie de crise ? » : une flambée d’espoir pour le coronavirus
Tout a commencé avec une étude chinoise publiée le 19 février dernier par le département de pharmacologie de l’université de Qingdao. Des analyses réalisées dans une dizaine d’hôpitaux chinois ont révélé qu’un traitement de deux fois 500 mg par jour durant 10 jours serait suffisant pour lutter contre la pneumonie causée par le nouveau coronavirus. Les auteurs de cette étude ont donc conclu que la chloroquine a des effets antiviraux et anti-inflammatoires positifs. Néanmoins, ils n’évoquaient pas la question de sa toxicité.
Cette étude a également été évoquée comme référence par Didier Raoult. Néanmoins, il s’agirait en réalité d’une reprise d’une annonce du gouvernement central chinois visant à inscrire la chloroquine dans leur arsenal thérapeutique national. Si l’étude parle de « plus de 100 patients testés« , elle ne présent aucune donnée clinique précise. Les scientifiques estiment donc qu’il ne faut pas tirer de conclusion trop hâtive concernant ses bénéfices.
Les spécialistes se sont-ils donc trompés au sujet de la chloroquine ? Cela est sûrement possible, mais il faut avant tout se pencher sur l’étude menée par cet infectiologue qui a affirmé qu’il peut « guérir » la maladie. En effet, dans une vidéo publiée le 25 février dernier et intitulée « Coronavirus : fin de partie !« , puis renommée « Coronavirus : vers une sortie de crise ?« , il a expliqué qu’au bout de 6 jours de traitement par Plaquenil, uniquement 25 % des patients seraient encore porteurs du virus, contre 90 % pour ceux qui n’auraient pas eu le traitement. Une vidéo qui a donc provoqué une vague d’emballement médiatique. Suite à cela, Didier Raoult intervient désormais avec beaucoup de précaution au sujet de cette molécule.
Cet emballement médiatique s’est également vu avec le nombre important de désinformations au sujet des effets positifs de la chloroquine. Il est donc important d’avoir l’avis d’un professionnel de santé si vous êtes hospitalisé.
Des données encourageantes mais il est encore trop tôt pour confirmer son efficacité
Jusqu’à présent, des études sont encore en cours, notamment à l’université d’Oxford où des essais sur 10 000 participants seront réalisés à partir du mois de mai, afin de confirmer l’efficacité de la chloroquine pour traiter le Covid-19. D’autres études sont également en cours en Europe où des essais cliniques viennent d’être lancés afin d’évaluer plusieurs traitements potentiels, dont l’hydroxychloroquine.
Ces nouvelles études sont menées car l’étude de Didier Raoult a été envoyée, acceptée puis publiée bien trop rapidement, sans que les informations aient été vérifiées par l’ensemble du corps médical et scientifique. Elle n’a d’ailleurs été testée que sur 20 patients, ce qui est trop peu pour obtenir des résultats suffisamment poussés.
Par ailleurs, l’Ecole de médecine de l’université de Zhejiang, en Chine, a également publié un manuel de prévention et de traitement du Covid-19 où il est expliqué que les données concernant la chloroquine sont encore insuffisantes pour affirmer qu’elle guérit le virus et où il est expliqué que l’association d’hydroxychloroquine et d’azithromycine est fortement déconseillée. « De petites études observationnelles et non randomisées ne nous donneront pas les réponses dont nous avons besoin. L’utilisation de pilule non testée sans les preuves adéquates pourrait susciter de faux espoirs et même faire plus de mal que de bien et entraîner une pénurie de pilule essentielle, nécessaire pour traiter d’autres maladies« , a également rapporté l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Olivier Véran, ministre de la Santé, a également répondu à certaines interrogations au sujet de la chloroquine et de l’étude de Didier Raoult, tout en précisant qu’il est important de prendre du recul concernant ces résultats.
Ces informations en matière de prudence sont donc à prendre très au sérieux. Ce qui est tout de même problématique c’est que cet emballement médiatique a eu des conséquences immédiates sur certains qui se sont immédiatement procuré de la Nivaquine ou du Plaquenil en pharmacie. Il ne faut pas oublier que ces molécules peuvent être dangereuses à haute dose et que l’automédication peut avoir des conséquences graves. Actuellement, les soignants se battent d’arrache-pied pour lutter contre la propagation de l’épidémie. Toutes ces données ne sont que préliminaires et il est encore trop tôt pour affirmer que les spécialistes savent guérir définitivement le nouveau coronavirus.
Par Cécile Breton, le
Source: Futura Sciences
Étiquettes: coronavirus, chloroquine
Catégories: Actualités, Santé