À quoi pense donc votre chat lorsqu’il vous fixe de ses yeux perçants, l’air mécontent et conspirateur ? Pense-t-il à vous supprimer et à vous dévorer ? Vous trouvez ça étrange ? Pourtant, une équipe d’anthropologues et de médecins légistes américains a pu surprendre durant plusieurs nuits des chats domestiques en train de se nourrir de cadavres humains. Explications.
Des invités surprises à quatre pattes filmés par des caméras
Le comportement nécrophage des chats face à des cadavres humains a pu être observé par le plus grand des hasards. Dans une publication parue le 8 novembre 2019 dans le Journal of Forensic Sciences, des anthropologues et médecins légistes américains ont partagé leurs observations et conclusions à propos de cet évènement. C’est la première fois que ce genre d’observations a pour preuves des photographies, qui ne seront bien évidemment pas publiées ici (elles sont en revanche disponibles dans la revue en question pour les plus curieux et téméraires d’entre vous). Elles ont été obtenues par Sara Garcia, une étudiante en anthropologie du centre médico-légal de la Colorado Mesa University, située aux États-Unis, qui est spécialisée dans l’étude de la décomposition des corps en milieu naturel, alors qu’elle visionnait des images de vidéosurveillance.
Cette découverte a été faite dans un laboratoire à ciel ouvert appelé « ferme des corps ». Il s’agit d’une zone désertique avec des marais salants dans laquelle des douzaines de corps gisent. De hauts grillages de 3 mètres empêchent la plupart des animaux d’y pénétrer même si certains intrus parviennent quand même à s’y faufiler. La ferme des corps a pour objectif d’étudier l’altération naturelle des tissus. Dans ce but, des caméras sont en permanence fixées sur ces corps. C’est en visionnant ces images que, fin 2017, Sara Garcia aperçoit deux chats domestiques, un noir et un rayé, escalader le grillage et commencer à se repaître d’un corps.
Les deux félins, qui sont certainement des chats errants, appartiennent à la sous-espèce issue de la domestication du chat sauvage Felis catus, et sont donc à distinguer des chats sauvages, Felis silvestris.
Un repas de 35 jours…
Par la suite, tous les soirs et sur une durée qui s’est étendue jusqu’à 35 jours pour l’un d’eux, les deux chats sont venus se nourrir sur leurs cadavres respectifs : une femme de 79 ans décédée depuis 18 jours pour le premier, et un homme de 70 ans décédé depuis 17 jours pour le second. Ils s’appliquent à ronger les bras des cadavres « jusqu’à l’os », et ce n’est que lorsque celui-ci passe en phase de « décomposition humide » qu’ils s’arrêtent. En revanche, les 40 autres corps ne les ont pas du tout intéressés. Sara Garcia théorise :« Les chats étant des mangeurs ‘difficiles’, notre théorie principale est qu’une fois qu’ils ont trouvé un aliment qui leur plaît, ils s’y tiennent. »
Un évènement rare mais pas exceptionnel
Les chercheurs soulignent le caractère rare mais non exceptionnel de cet événement : « Tout employé de pompes funèbres ou médecin légiste pourra vous citer un cas où un animal de compagnie, enfermé avec le corps gisant de son propriétaire, aura fini par s’en nourrir. » Il y a cependant deux différences majeures. La première est que les chats avaient à manger puisqu’ils ont l’habitude de chasser et ne se sont donc pas rabattus sur la charogne par dépit. La deuxième différence est qu’il s’agit enfin d’un cas documenté de nécrophagie féline : « Les cas documentés de comportement charognard chez les chats sont rares, pour la simple raison que ces derniers préfèrent chasser plutôt que se nourrir de carcasses. » En plus des photographies, des marques de griffes sur les corps ont également été relevées. Cette documentation va pouvoir aider les enquêteurs sur le terrain à comprendre la place des chats errants au sein de la population locale de charognards.
Rappelons qu’il s’agit d’un comportement naturel. En effet, des études ont déjà montré que des chiens, des hamsters et même des oiseaux ont déjà mangé le cadavre de leur propriétaire. Néanmoins, cela arrive surtout dans des cas où les propriétaires d’animaux ont des problèmes de santé et vivent de façon isolée. Leur mort soudaine force donc l’animal à se nourrir pour survivre. Pas de panique donc, votre chat n’est pas en train de se demander quel bras il va vous grignoter. Enfin, jusqu’à ce que des études prouvent le contraire.
Par Maurine Briantais, le
Source: Sciences et Avenir
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