Une simple molécule pourrait bouleverser la physique moderne. Des chercheurs du MIT ont réussi à sonder la structure interne d’un noyau atomique sans accélérateur géant, grâce au monofluorure de radium. Une expérience de paillasse qui ouvre la voie à une nouvelle exploration du cœur de la matière.

Une molécule simple permet de sonder le noyau sans accélérateur de particules géant
Pendant longtemps, j’ai pensé que pour explorer le noyau d’un atome, il fallait au minimum un CERN ou un LHC bref, une infrastructure de science-fiction. Et pourtant, le MIT vient de renverser la table. Une équipe de chercheurs menée par Ronald Fernando Garcia Ruiz a réussi à sonder la structure interne d’un noyau atomique… dans une configuration de paillasse.
Leur ingrédient magique ? Le monofluorure de radium (RaF), une molécule qui agit comme un collisionneur miniature. Grâce à elle, plus besoin d’écraser des atomes à la vitesse de la lumière. En piégeant un atome de radium avec un atome de fluor, ils ont créé les conditions idéales pour que les électrons interagissent directement avec le noyau.
Et le plus incroyable ? Cette interaction se traduit par un infime décalage d’énergie, mesuré grâce à une spectroscopie laser ultra-précise. Un signal minuscule, mais révélateur. Comme un murmure venu du fond du noyau.
Le radium, atome déformé, devient clé pour percer les secrets de l’antimatière
Pourquoi avoir choisi le radium ? Parce que ce n’est pas un atome comme les autres. Son noyau n’est pas sphérique mais en forme de poire. Et cette petite bizarrerie géométrique a des conséquences cosmiques.
Une telle asymétrie amplifie les effets de certaines violations de symétrie, des règles fondamentales qui devraient être respectées dans l’Univers, mais qui, parfois, vacillent. Et c’est justement cette instabilité que les chercheurs veulent traquer. Car elle pourrait répondre à une question vertigineuse : pourquoi l’Univers est-il composé presque uniquement de matière, alors que l’antimatière semble avoir disparu ?
Le radium devient ainsi un amplificateur naturel de ces phénomènes subtils. Et la molécule RaF agit comme une loupe qui révèle l’invisible.
Des champs électriques internes extrêmes font parler les électrons du radium
Le truc incroyable avec cette molécule, c’est qu’elle crée à l’intérieur du radium des champs électriques internes qu’on ne peut tout simplement pas reproduire en laboratoire, même avec les meilleures machines.
Les électrons, soumis à cette pression électrique folle, finissent par s’approcher du noyau au point de le frôler. Et quand ils repartent, ils emportent avec eux une signature énergétique, une sorte de message codé en provenance du cœur de l’atome.
C’est cette modification infime de l’énergie des électrons que les scientifiques ont réussi à détecter. Une preuve que la méthode fonctionne, et surtout, qu’elle pourrait être raffinée pour sonder d’autres noyaux, dans d’autres contextes.
Une méthode de paillasse pour une physique au-delà du modèle standard
C’est là que j’ai vraiment eu un frisson : ce genre de méthode, réalisable sans infrastructures pharaoniques, ouvre une porte vers une nouvelle physique. On ne parle plus seulement de confirmer ce qu’on sait, mais d’aller chercher ce qu’on ignore encore : des écarts, des anomalies, des signes que le modèle standard de la physique des particules est incomplet.
L’étape suivante pour l’équipe du MIT ? Maîtriser l’orientation du noyau en forme de poire, pour traquer encore plus finement les violations de symétrie. Et qui sait, peut-être découvrir une nouvelle force fondamentale, ou une particule inconnue.
Tout ça, dans un laboratoire de taille modeste, avec une molécule et un faisceau laser. Comme quoi, la science n’a pas toujours besoin de gigantisme pour éblouir.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Catégories: Sciences, Sciences physiques