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« C’est incroyable qu’ils soient là » : la migration des grands requins blancs vers le nord inquiète les scientifiques en cette fin de saison

Longtemps rares dans les eaux canadiennes, les grands requins blancs remontent vers le nord. Une migration silencieuse mais spectaculaire, révélatrice d’un bouleversement plus profond des écosystèmes marins.

Grand requin blanc nageant en pleine mer avec la gueule ouverte, vu de face
Un grand requin blanc surgit des profondeurs, gueule béante, révélant ses dents acérées dans les eaux limpides de l’océan – DailyGeekShow.com

Leur présence s’intensifie : les grands blancs remontent durablement vers le nord, jusqu’en Gaspésie

Les scènes ne sont plus anecdotiques. En Nouvelle-Angleterre et jusque dans le golfe du Saint-Laurent, les grands requins blancs sont désormais des visiteurs réguliers. Plaisanciers, surfeurs, pêcheurs : tous croisent plus souvent ces animaux devenus emblématiques depuis Les Dents de la mer.

En juillet, Rick Clough, pêcheur de homards depuis quarante ans au large du Maine, a croisé son premier requin blanc près de Scarborough. Un spécimen de 2,4 mètres, qu’il décrit avec étonnement, mais sans panique.

Les observations explosent. Grâce aux drones, comme celui utilisé par David Lancaster à Scarborough, ou via l’application Sharktivity, les signalements s’accumulent. L’Atlantic White Shark Conservancy suit des centaines d’individus rien qu’autour de Cape Cod. Et depuis peu, les scientifiques enregistrent une avancée encore plus spectaculaire vers le nord.

Greg Skomal, biologiste marin au département des Pêches maritimes du Massachusetts, le confirme : entre 2018 et 2022, les requins blancs détectés au large d’Halifax ont doublé.

Dans le détroit de Cabot, ce chiffre a même quadruplé. Mieux encore, leur temps de séjour dans les eaux froides passe de 48 à 70 jours. Autrement dit : ils s’installent durablement.

Proies abondantes, mers plus chaudes, lois protectrices : les trois moteurs d’une migration spectaculaire

Pourquoi ces requins s’aventurent-ils si loin ? Plusieurs facteurs se combinent. D’abord, le succès de la conservation des phoques. Grâce à des lois comme la loi sur la protection des mammifères marins, les phoques ont proliféré.

C’une source de nourriture abondante pour les prédateurs : « Cela pourrait être dû à l’augmentation du nombre de proies. Et il s’agirait de phoques », résume Skomal.

© SEA LIFE Sydney Aquarium

Ensuite, un deuxième moteur s’impose : le réchauffement de l’océan Atlantique. Les courants, les températures de surface, la composition du plancton évoluent. Ainsi, les conditions idéales que les requins trouvaient jadis plus au sud remontent avec le climat. Ce glissement des niches écologiques est l’un des effets les plus visibles du changement climatique marin.

Par ailleurs, il faut ajouter à cela des protections renforcées pour les requins eux-mêmes. Depuis 1997, ils ne peuvent plus être pêchés dans les eaux fédérales américaines. De plus, le Massachusetts interdit désormais les engins lourds dans les zones où ils sont souvent présents. Malgré cela, l’Union internationale pour la conservation de la nature les considère encore comme vulnérables.

Une cohabitation possible : comprendre les requins pour mieux vivre avec leur retour

La présence accrue des requins blancs suscite forcément des craintes. Pourtant, les attaques restent rarissimes : moins de 60 cas mortels recensés dans toute l’histoire selon l’ISAF. Le Maine n’a connu qu’un seul cas en 2020, tragique mais isolé. Les chercheurs insistent : partager l’information et adapter les comportements permet d’éviter les accidents.

Aujourd’hui, les réseaux sociaux, les applis, les programmes de suivi rendent ces animaux moins mystérieux. Et c’est tant mieux. En effet, comme le dit David Lancaster, surfeur dans le Maine : « C’est incroyable qu’ils soient là. C’est quelque chose que nous devons accepter. »

Finalement, ces requins sont peut-être les nouveaux messagers du climat. Invisibles à la surface, ils signalent des mutations profondes. Et ils nous rappellent que les bouleversements environnementaux ne concernent pas que les calottes glaciaires ou les récifs tropicaux. Désormais, ils nagent aussi au large de nos côtes.

Par Eric Rafidiarimanana, le

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