
L’histoire fascinante et pleine de zones d’ombre d’un des plus grands squales jamais capturés en Méditerranée.
Le jour où un pêcheur sétois a sorti un monstre de 2 tonnes de la Méditerranée
Le 13 octobre 1956, un pêcheur de thon jette ses filets au large de Sète. Ce jour-là, il remonte bien plus qu’une simple prise. Il capture un requin blanc femelle de 5,83 mètres pour plus de 2 tonnes. L’animal, à peine hissé à bord, meurt sous les yeux déconcertés des marins. Son estomac révèle une scène encore plus saisissante : deux dauphins entiers, chacun de près de deux mètres, y reposent.

Rapidement, la nouvelle se répand comme une traînée de poudre. Le Musée de zoologie de Lausanne, informé par un poissonnier, décide alors d’acheter la carcasse pour 50 000 francs suisses. Ce prix reste bien inférieur aux 500 000 francs annoncés par la presse sensationnaliste de l’époque. Ensuite, le transport du squale en camion frigorifique jusqu’en Suisse marque le début d’une nouvelle vie pour ce monstre marin devenu spécimen muséal emblématique.
Le moulage mystérieux de Lausanne : une carcasse, des dents… et peut-être une bouteille de rhum
Depuis 1958, le palais de Rumine à Lausanne expose le requin au public. En raison de la nature cartilagineuse de son corps, les conservateurs ont choisi de créer un moulage en plâtre, monté sur armature métallique. Le public peut encore voir ses vraies dents, son aileron dorsal et ses nageoires. Malheureusement, trois dents ont disparu au fil du temps. Ainsi, le musée les a remplacées par des copies.
De plus, le taxidermiste Alain Keiser, chargé de sa restauration, partage une rumeur intrigante : le taxidermiste d’origine aurait caché une bouteille de rhum à l’intérieur du moulage. Aucune caméra ne peut le confirmer, car l’intérieur est compartimenté. Par ailleurs, l’origine exacte du moulage reste floue. Keiser a interrogé son prédécesseur, mais celui-ci n’a jamais livré de réponse claire. Ce silence alimente encore aujourd’hui le mythe du requin de Sète.
Ce que les scientifiques peuvent vraiment dire sur ce squale hors norme
Longtemps, les fantasmes autour de ce squale ont alimenté l’image d’un « mangeur d’hommes ». Pourtant, les scientifiques sont unanimes : aucun reste humain ne figurait dans son estomac. On y a trouvé uniquement les deux dauphins. Grâce à cette réalité, il devient plus facile de déconstruire les stéréotypes persistants autour des requins blancs.
Les experts ont classé ce spécimen sous l’espèce Carcharodon carcharias. Il demeure l’un des plus grands requins blancs jamais reconstitués au monde. Aujourd’hui encore, il fascine zoologues, taxidermistes et océanographes. Cette fascination repose autant sur sa taille que sur les nombreuses zones d’ombre liées à sa capture et à sa préservation.
Faut-il craindre les requins blancs en Méditerranée ? Ce que dit vraiment la science
Oui, c’est possible. Cependant, cela reste extrêmement rare. D’après l’Observatoire Pelagis (CNRS), les chercheurs recensent moins de dix observations par décennie. Ces apparitions surviennent généralement à l’automne, loin des côtes, lorsque les conditions de migration et l’abondance de proies s’y prêtent.
Les spécialistes rappellent plusieurs éléments essentiels :
- Le requin blanc évite naturellement les zones très fréquentées par l’Homme.
- Aucune attaque mortelle récente n’a été confirmée sur les côtes françaises.
- Il préfère évoluer dans les grandes profondeurs, loin des zones littorales.
Autrement dit, la peur du requin blanc repose souvent sur des idées reçues. En réalité, le risque pour les baigneurs reste extrêmement faible, voire nul.
Le requin de Sète, mi-légende, mi-mystère, incarne ce paradoxe captivant : une créature à la fois crainte, méconnue et dotée d’une valeur scientifique exceptionnelle.
Par Eric Rafidiarimanana, le
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