
Si vous jetez un bref coup d’oeil aux cartes du Nouveau Monde produites au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, un « détail » retiendra sans doute votre attention : la Californie y est représentée comme une gigantesque île.
L’île de Californie
Sur les premières cartes incluant la Californie, établies durant la première moitié du XVIe siècle par des figures telles que Gérard Mercator (1512-1594), il s’agissait d’une vaste péninsule. Cette représentation a perduré pendant les décennies suivantes, mais tout a basculé au tournant du siècle suivant.
Accompagnant le conquistador Sebastián Vizcaíno lors d’une expédition jusqu’à la côte pacifique du continent, Antonia de la Ascensión décrivait le « Royaume de Californie » comme « la plus grande île connue », séparée des provinces du Nouveau-Mexique par une mer relativement étroite.
Une assertion réitérée par Juan de Iturbe, ayant exploré certaines parties de la Californie en 1615, puis Antonia Vázquez de Espinosa. Cette dernière insistant sur le fait qu’il s’agissait bien d’une île et non d’une langue de terre rattachée au continent, comme l’indiquaient les cartes précédemment établies par les cosmographes, basées sur les rapports de l’explorateur espagnol Francisco de Ulloa, qui avait exploré le golfe de Californie en 1539.
Baja California – early Spanish explorers thought it was an island, until they realized it joined the mainland up north. #DareToExplore #ExploringEarth #EarthObservation pic.twitter.com/SyaE5FBIzZ
— David Saint-Jacques (@Astro_DavidS) May 1, 2019
Cette méprise a pris une autre dimension avec la publication des travaux de l’influent cartographe français Nicolas Sanson (1600-1667) au milieu du XVIIe siècle, qui ont poussé nombre de ses contemporains à faire figurer l’île de Californie sur leurs propres cartes. En dépit de nombreuses preuves contraires rapportées au cours des décennies suivantes, offrant une vision toujours plus précise de la géographie de la région, il a finalement fallu attendre le milieu du XVIIIe siècle pour que l’erreur soit largement corrigée.
Des raisons discutées
On pense que les conquistadors de la fin du XVIe et de la première partie du XVIIe siècle ont pu être influencés par le roman Las sergas de Esplandián, qui les aurait poussés à décrire la péninsule de Basse-Californie, s’étendant sur près de 1 250 kilomètres, comme une île à part entière.
Dans cet ouvrage publié en 1510, Garci Rodríguez de Montalvo évoquait « une île appelée Californie très proche du bord du paradis terrestre, peuplée de femmes noires vivant à la façon des Amazones ».
Il est également possible que l’assertion d’Antonia de la Ascensión visait à contester l’idée que la « Nouvelle-Albion », découverte en 1579 par le célèbre corsaire britannique Francis Drake et revendiquée pour Élisabeth Ire d’Angleterre, se trouve effectivement sur le continent.
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