Le monde vient de perdre une véritable icône. Carrie Fisher est décédée le mardi 27 décembre 2016, à l’âge de 60 ans, des suites d’une crise cardiaque survenue quelques jours plus tôt. Bien qu’elle ait été majoritairement connue du grand public pour avoir incarné la princesse Leia dans la saga Star Wars, l’actrice était également une fervente militante pour l’égalité homme-femme… Lumière sur cette facette bien trop méconnue de sa personnalité.
Le début de l’engagement féministe de Carrie Fisher démarre en même temps que l’histoire de Star Wars. Alors qu’elle avait à peine 19 ans, l’actrice a été choisie pour incarner la princesse Leia, une héroïne intergalactique initialement décrite dans le scénario de George Lucas, comme une « demoiselle en détresse ». Mais forte de ses convictions et à force d’ajustements scénaristiques qu’elle effectuera elle-même, l’actrice réussira à modeler le personnage à son image… Insolente, libre, forte, drôle et indépendante.
Carrie Fisher’s handwritten EMPIRE STRIKES BACK dialogue changes.
What an amazingly multitalented woman. pic.twitter.com/3R4PiyOvF1— WILL McCRABB (@mccrabb_will) 24 décembre 2016
Et pourtant, le combat pour faire de la princesse Leia, l’icône féministe, qu’elle est aujourd’hui, était loin d’être gagné pour Carrie Fisher. En 2008, dans son livre Wishful Drinking, l’actrice rapporte une conversation qu’elle a eue avec George Lucas sur le tournage du premier Star Wars, en 1977 :
« Il est venu me voir le premier jour du tournage. Il regarde ma robe et me dit : » Tu ne peux pas porter de soutien-gorge sous ta robe… Parce qu’il n’y a pas de sous-vêtements dans l’espace « . Je vous promets que c’est vrai. Et il le dit avec tellement de conviction ! Comme s’il était allé dans l’espace, qu’il avait jeté un coup d’œil, et qu’il n’avait vu aucun soutien-gorge et aucune culotte nulle part. Je pense maintenant que ça ferait une excellente nécro. J’ai dit à mes amis que, quoi qu’il arrive, je veux que l’on annonce ma mort ainsi : je me suis noyée au clair de lune, étranglée par mon propre soutien-gorge. »
Si cette anecdote a de quoi faire sourire aujourd’hui, elle cristallise également le malheureux reflet de la mentalité hollywoodienne de l’époque et marquera le début des difficultés sexistes auxquelles sera confrontée Carrie Fisher sur le tournage.
La plus grande d’entre elles fut sans nul doute ce fameux bikini doré, qu’elle devra porter dans l’épisode VI de la saga Star Wars, intitulé « Le Retour du Jedi« . Si ce costume a contribué à faire de l’actrice un « sex-symbol », elle ne l’a pourtant jamais aimé. Selon Janet Lucas-Wakely, l’assistante de garde-robe sur le tournage, Carrie Fisher « avait horreur de ce bikini. Il lui allait très bien mais ce n’était pas du tout son genre. Elle était tout à fait heureuse dans sa robe de princesse ou dans ses tenues de combat mais elle était très mal à l’aise dans ce costume ». Des propos confirmés par l’actrice, qui avait confié lors d’une interview, que lorsque George Lucas lui avait montré la tenue, elle avait d’abord pensé à une blague.
Et si Carrie Fisher détestait autant ce bikini, ce n’est n’est pas tant pour son aspect, que pour ce qu’il incarnait : à travers celui-ci, elle devenait l’esclave de Jabba le Hutt et la femme était alors à nouveau reléguée au rôle d’objet de désir sexuel. Mais encore une fois, l’actrice fit preuve de caractère et réussit à retourner la situation en racontant : « Ce qui a compensé tout ça, c’est que j’ai pu tuer Jabba. C’était tellement agréable. J’ai tronçonné son cou, et je l’ai tué, ce qui était vraiment appréciable ». Le parallèle est fait : Si Jabba incarnait le sexisme, Carrie Fisher fut celle qui lui tordit le cou.
Une fois les tournages de la saga Star Wars achevés, Carrie Fisher a continué de poursuivre sa lutte pour l’égalité homme-femme. Dans un premier temps dans sa vie professionnelle, en corrigeant différents scénarios et dialogues de films (tels que Hook, L’arme Fatale 2 ou encore Sister Act) dans le but de renforcer les personnages féminins, mais aussi dans sa vie personnelle.
Dans un premier temps à travers ses relations amoureuses et à son image, celles-ci étaient libérées et pour le moins, peu conventionnelles. En 2016, dans son autobiographie « The Princesse Diarist« , elle révèle ainsi avoir vécu une relation « intense » avec Harrison Ford, son partenaire sur le tournage de Star Wars. L’actrice avait alors seulement 19 ans, et lui, du haut de ses 33 ans, était marié et père de famille. Elle écrit : « C’était Han et Leia durant la semaine et Carrie et Harrison durant le week-end. »
En 1983, elle se mariera avec le chanteur Paul Simon. Et si leur union ne durera officiellement qu’un an, tous deux resteront néanmoins amants durant près d’une décennie, avant de rompre lors d’un trip psychédélique en Amazonie. Parallèlement, elle se mariera une seconde fois, avec Bryan Lourd cette fois. Ensemble, ils auront une fille, Billie. Mais en 1994, son mari décidera de quitter Carrie Fisher pour un homme. Une nouvelle difficile à digérer dans un premier temps pour l’actrice, mais qu’elle réussira finalement à surmonter, comme elle le confie lors d’une interview au magazine LGBT Advocate en 2004 : « Bryan a été un très bon père -et une mère- pour Billie ».
L’éducation de Billie illustre une nouvelle fois parfaitement l’engagement féministe de l’actrice, puisque cette dernière opta pour une éducation non genrée, une véritable révolution en 1992, année de naissance de sa fille.
« Elle m’a appris à être authentique, gentille et à me faire confiance. Elle m’a appris à ne pas penser que les hommes et les femmes sont différents. Elle m’a élevée sans genre. C’est pour ça qu’on m’a appelée Billie. Il ne s’agit pas d’être une femme forte. Il s’agit d’être une personne forte. » confie sa fille lors d’une interview accordée à Teen Vogue.
Malgré cette lutte tout au long de sa vie pour faire valoir sa place de femme à la même hauteur que celle des hommes, Carrie Fisher se retrouvera à nouveau confronter à des difficultés lors des négociations avec Disney pour réintégrer le casting du septième épisode de la saga Star Wars, Le Réveil de la Force, en 2015. Lors d’une interview accordée au magazine Good Housekeeping, elle révèle :
« Ils ne voulaient engager que les trois quarts de moi. Rien n’a changé, ce métier reste basé sur l’apparence. J’évolue dans un business où la seule chose qui compte, c’est le poids et le look. C’est dérangeant. Ils auraient tout aussi bien pu me demander de rajeunir, j’aurais trouvé ça tout aussi simple. »
Là encore, l’actrice se servira de cette anecdote pour dénoncer l’état d’esprit régnant à Hollywood : « À Los Angeles, les gens vous disent sans arrêt : « Comme tu es mince ! » Jamais « Comment vas-tu ? » ou “Tu as l’air heureuse”. »
Ayant finalement réussi à intégrer le casting de l’épisode après cette mésaventure, Carrie Fisher donnera un conseil à Daisy Ridley, la nouvelle héroïne de la troisième trilogie Star Wars, qui résume parfaitement la lutte qu’elle a menée tout au long de sa vie pour l’égalité homme-femme : « Il faut se battre pour son costume. Ne sois pas une esclave comme j’ai pu l’être ».
A la mort de Carrie Fisher, le monde a perdu bien plus que l’incarnation d’un personnage de fiction. C’est avant tout la disparition d’une femme forte et talentueuse, qui n’avait de cesse de lutter, dans sa vie professionnelle comme dans sa vie privée, pour l’égalité des genres. Carrie Fisher était une véritable source d’inspiration pour de nombreuses personnes à travers le monde et continuera à marquer les générations, non seulement pour son incarnation de la princesse Leia, mais également pour son dévouement pour le féminisme.
Par Joana Pimenta, le
Source: L'Express
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