Des caméras de surveillance équipées d’intelligence artificielle s’installent dans les villes françaises, promettant une sécurité optimisée. Mais derrière cette promesse, une question persiste : jusqu’où peut-on aller sans compromettre nos libertés individuelles ?

Un cambriolage non résolu donne naissance à un réseau de surveillance algorithmique
Tout commence en 2017 à Atlanta, où un cambriolage non résolu pousse Garrett Langley à imaginer un nouveau modèle de sécurité. Avec deux camarades, il met au point un prototype capable de lire les plaques d’immatriculation à l’aide d’un simple smartphone.
Ce dispositif rudimentaire devient le socle de Flock Safety, une entreprise valorisée à plus de 7,5 milliards de dollars. Sa promesse : combler les lacunes des méthodes traditionnelles grâce à des algorithmes.
La technologie s’affine rapidement. Des caméras fixes, mais aussi des drones autonomes sont déployés. Ils détectent des silhouettes, repèrent des plaques ou enregistrent des comportements suspects.
L’intelligence artificielle analyse ces données en continu, générant des alertes automatiques pour les forces de l’ordre. Selon Langley, ce maillage numérique a permis d’élucider plus d’un million d’affaires en un an.
Des partenariats publics-privés redéfinissent la vidéosurveillance urbaine
Les capacités de Flock vont bien au-delà de la vidéosurveillance classique. Dans certaines villes, les forces de police utilisent des centres de contrôle en temps réel.
Les écrans y affichent des flux vidéo, localisent les unités d’intervention et transcrivent les appels d’urgence à la volée. Une démonstration en Californie montre qu’un opérateur peut identifier deux personnes jouant au baseball à plusieurs centaines de mètres, simplement à l’aide d’un clavier.
Mais Flock ne s’appuie pas uniquement sur les services publics. Le modèle repose aussi sur des abonnements et des partenariats privés. Des entreprises comme FedEx partagent leurs flux vidéo, élargissant la couverture sans investissement public.
Chaque client décide s’il transmet ses images à la police. Cette collaboration volontaire crée un système hybride, où la surveillance s’étend tout en brouillant la frontière entre espace privé et sécurité publique.
Des services de sécurité sur abonnement aux mains d’entreprises privées
Avec plus de 5 000 forces de l’ordre abonnées et 1 000 entreprises clientes, Flock transforme la surveillance en service modulaire.
Les images ne sont plus centralisées, mais intégrées à un réseau flexible, personnalisable et interconnecté. Cette approche permet d’unifier les données de surveillance en contournant la fragmentation des dispositifs traditionnels.
Ce modèle intéresse désormais les responsables politiques français. Certaines communes testent des logiciels d’analyse comportementale, capables de détecter des attroupements inhabituels ou des gestes suspects.
Dans le même temps, le Parlement débat de la régulation de ces outils pour garantir leur compatibilité avec le RGPD et éviter les dérives autoritaires.
Prévenir la criminalité sans sacrifier les droits fondamentaux des citoyens
La promesse d’une ville plus sûre séduit de nombreux élus. Pourtant, les bénéfices chiffrés restent difficiles à isoler des autres dynamiques sociales. Une baisse des vols de voitures, observée à Washington, pourrait tout autant résulter d’une hausse des effectifs ou d’une évolution des comportements.
L’efficacité des caméras intelligentes reste donc à relativiser. En revanche, leur impact sur la vie privée est immédiat. Peut-on déléguer notre sécurité à des algorithmes sans altérer la démocratie ? La question ne relève plus de la science-fiction, mais de la gouvernance.
À l’heure où ces dispositifs arrivent en France, un débat citoyen s’impose. Car dans cette course à la sécurité automatisée, la société doit définir collectivement les lignes rouges qu’elle refuse de franchir.
Par Eric Rafidiarimanana, le
Catégories: Technologie, Cybersécurité